1) La dimension anthropologique des programmes de transition au socialisme

On ne saurait donner une explication scientifique de la réalité sociale en partant de l'homme. Il semble pourtant que le champ d'analyse du matérialisme historique soit l'ensemble de l'activité humaine. Le combat politique de la classe ouvrière est profondément humaniste. GORKI a pu écrire : "Seul compte l'humanisme du prolétariat qui poursuit le noble but de changer toutes les bases sociales et économiques du monde"¹²⁹². Les programmes de transition au socialisme, qu'il s'agisse de celui du P.C.G.B. ou de celui du P.C.F., ont pour objectif principal, la libération des classes exploitées. On lit dans le Manifeste de Champigny que le socialisme, outre la propriété collective et le pouvoir de la classe ouvrière et de ses alliés, consiste dans "la satisfaction progressive des besoins matériels et intellectuels sans cesse croissants des membres de la société, la création de conditions propres à l'épanouissement de chaque personnalité"¹²⁹³. Auparavant, les transformations démocratiques changeront la vie des individus¹²⁹⁴.

Le programme du P.C.G.B. présente comme objectif final le communisme, c'est-à-dire une société où le libre épanouissement de chacun sera la condition du libre épanouissement de tous, selon les termes du Manifeste Communiste¹²⁹⁵. Dans l'immédiat, les communistes britanniques s'assignent comme but de permettre à tous de mener "une vie entière"¹²⁹⁶. C'est aussi au "futur de l'homme" que s'intéresse James KLUGMANN, en montrant comment la société socialiste, et auparavant les luttes des travailleurs, transforment l'homme en le rendant conscient¹²⁹⁷. Cette perspective donne aux Marxistes l'espoir de connaître les "premières lueurs" des jours à venir¹²⁹⁸. Il existe une continuité entre cette déclaration de John GOLLAN "La politique des communistes met les gens en premier"¹²⁹⁹ et l'idée de LUKACS "le but de l'humanisme prolétarien est l'homme dans son intégralité"¹³⁰⁰.

Il faut finalement,comme l'a montré le PC.F., et c'est une lacune du P.C.G.B., expliquer la nécessité de remplacer la logique du profit par une logique des besoins. C'est le niveau de développement des forces productives et leur socialisation, de même que la complexité croissante de la production, qui impliquent la prise en compte des besoins et de l'initiative des producteurs¹³⁰¹. La logique du profit, qui aboutit à l'élévation de la composition organique du capital par la substitution au travail vivant de l'ouvrier du travail mort de la machine¹³⁰², empêche qu'une partie de la production trouve preneur¹³⁰³. Le besoin est à la fois l'expression de la crise et le point de départ de la lutte¹³⁰⁴

Althusser a souligné dans sa participation à la tribune de discussion du 21e Congrès du P.C.F., l'ambiguïté de la notion de "logique des besoins", en préférant avant tout "satisfaire les revendications populaires"¹³⁰⁵. L'expression lui paraît sans doute plus réaliste que celle du projet de résolution. "Les réformes rendront possibles (...) une politique au service de l'homme. Son objectif majeur sera la satisfaction des besoins populaires, l'amélioration des conditions et de la qualité de vie"¹³⁰⁶. Finalement, les besoins pris en compte doivent être conçus comme des "produits historiques¹³⁰⁷.