La naissance de la classe ouvrière est liée à la révolution industrielle. Les observateurs du XIXe siècle, s'accordent à constater la particularité du style de vie et des ambitions politiques du prolétariat.
ENGELS en 1845 présente complètement "la situation de la classe laborieuse, c'est à dire la situation de l'immense majorité du peuple" devenue après le bill de 1832 la "question nationale"219. Pour lui, du fait de l'aggravation de la condition du prolétariat et de sa prise de conscience, la révolution est inévitable : "la guerre des pauvres contre les riches qui se déroule à présent d'une façon sporadique et indirecte, sera menée d'une façon générale, totale et directe dans toute l'Angleterre. Il est trop tard pour une solution pacifique. L'abîme qui sépare les classes se creuse toujours plus...220. Ces conclusions sont très proches de celles du conservateur DISRAELI qui, dans Sybil or the two nations (1845)221, constate l'existence de "deux nations (....) des riches et des pauvres"222 séparées par un abîme infranchissable"223. A cette époque où la littérature porte le sceau du socialisme, trois autres romans traduisent particulièrement la spécificité du problème ouvrier : Mary Barton (1848) de Mrs GASKELL, Alton Locke (1850) de Charles KINGSLEY et Hard Times (1854) de DICKENS224. Les écrivains chartistes expriment directement la lutte des classes225. Les auteurs français qui voyagent en Angleterre font les mêmes observations, qu'il s'agisse d'Eugène BURET dans De la misère des classes laborieuses en Angleterre et en France (1840), Flora TRISTAN avec ses Promenades dans Londres (1840) ou son Union ouvrière (1843), ou même STENDHAL226. A la fin du siècle, Jules VALLES témoignera dans le même sens227.
Les études historiques traduisent l'existence d'une culture ouvrière soulignée déjà par ENGELS228,et la montés dans la classe ouvrière, d'un sentiment de solidarité interne et d'opposition au reste de la Société229.
On soutient au contraire aujourd'hui, l'idée esquissée par ENGELS dès 1858230, d'un "embourgeoisement" de la classe ouvrière. On entend par la un rapprochement de son mode de vie de celui de la classe moyenne, et un conservatisme croissant, lié à l'amélioration de son revenu. Cette hypothèse est remise en question par la persistance de l'identité ouvrière et les progrès du militantisme.
F.ENGELS. La situation, op. cit. p.52
ib. p.360
B. DISRAELI. Sybil Paris Hachette 1871. T.l 254 p. - T2 266 p.
T I p.80
T 2 p.53
F. BEDARIDA "Le Socialisme en Angleterre jusqu'en 1848" pp. 257-330 in J. DROZ. Histoire générale op. cit. p.302
H. JOURNES op. cit.
ib. T I pp. 4 - 7
J. VALLES. La rue à Londres (1866) Paris. Editeurs Français Réunis 1951. 294 p.
F, ENGELS. La situation op. cit. p.296
E.P. THOMPSON op. cit.
cf.supra note 6 p. 17 & F. ENGELS. "The English elections" in Der Volkstaapt (1874) & "Trades Unions" in The Labour Standard (1881) pp. 366-372 & 373-379 in K. MARX, F. ENGELS.-(Articles).