§ V- Le Parti Communiste dans la deuxième moitié du XXe siècle

Après la courte période d'unité qui suit la défaite du fascisme, le P.C. mène une lutte très dure sur le plan interne et international, contre l'impérialisme britannique.

Le parti qui perd ses positions dans le syndicat des transports et surtout des électriciens598, présente cent candidats aux élections de 1950 sur un programme qui rappelle la stratégie "classe contre classe". Il oppose à la politique travailliste, qu'il accuse d'être responsable de la crise, le succès du socialisme planifié en U. R. S.S, Il déclare dans son manifeste électoral, que "la défaite des Torrès et de CHURCHILL, leur chef et fauteur de guerre, ne peut être décisive que si les masses laborieuses s'opposent à la politique actuelle du gouvernement travailliste599. Le pourcentage des voix du parti tombe de o,5 % en 1945 à 0,3 % en 1950. En 1951, le souci de vote utile conduit les électeurs à préférer les candidats travaillistes, d'autant plus que les dirigeants les plus connus ne se représentent pas. Le parti n'a plus que 0,08 % des suffrages600.

Le déclin du parti n'empêche pas le développement dans les années 50 - 56 d'un vigoureux Comité Culturel qui s'inspire des exemples étrangers, français surtout. La revue Arena publie principalement deux séries de contributions. La première porte sur la résistance à l'invasion culturelle américaine, la seconde sur la tradition nationale britannique601.

A cette époque aussi, le P.C.G.B. adopte un programme de passage pacifique au socialisme, conforme aux réalités britanniques602. L'anglicisation du parti a commencé avec la dissolution du Komintern en 1943. Le "Comité exécutif", le "comité politique", les "groupes d'entreprise" remplacent respectivement le "comité central", le "politburo" et les "cellules"603. A partir de 1945, on peut se demander si l'entreprise est toujours l'organisation de base604.

En politique étrangère, le P.C a combattu la politique britannique en Grèce, mais la question coloniale reste la plus importante. Au début de 1947, il organise une conférence internationale des partis communistes et ouvriers des pays de l'Empire. Elle se prononce pour le retrait des troupes britanniques, la fin des discriminations et le droit à l'autodétermination dans les territoires dominés. A partir de 1948 le P.C. soutient le mouvement de libération nationale en Afrique Noire, en Malaisie, en Egypte, au Kenya, en Guyane, en Inde. En 1954, les partis communistes et ouvriers de l'Empire se réunissent à nouveau et se prononcent pour l'alliance de leurs peuples contre les impérialismes britannique et américain. La même année est créé le Mouvement pour la Liberté Coloniale, ouvert aux membres de tous les partis politiques, à titre individuel605.

L'attitude hostile du parti à l'égard de l'expérience yougoslave, l'isole de ses alliés de la gauche travailliste comme ZILLIACUS606. L'affaiblissement de la guerre froide est aggravé par le rapport Krouchtchev et l'intervention soviétique en Hongrie. Il perd alors de nombreux militants, surtout des intellectuels. Le Congrès exceptionnel de 1957 révèle une crise profonde607. Le parti passe de 43000 membres 'en 1948 à 24000 en 1958608.

Après la déstalinisation le parti reprend progressivement de la vigueur. Sur le plan interne, il tente de donner de lui une image plus moderne, mais 500 membres manquent encore par rapport au chiffre de 1957 - 27000609. La transformation du Daily Worker en Morning Star610 se situe dans cette perspective. Le quotidien entend être l'expression de toute la gauche comme son prédécesseur611. Géré par une coopérative, il traduit la politique du parti mais le nouveau nom témoigne mieux de ses objectifs d'union612 sans qu'il y ait nécessairement, modération du contenu rédactionnel613.

La stratégie du parti découle de son programme remanié en 1968, Elle l'amène à appeler à voter pour les candidats travaillistes en l'absence de communistes dès 1964. L'adversaire principal est toujours le Gouvernement conservateur, combattu très fermement614, mais les Gouvernements travaillistes une fois élus ont trop tendance aux yeux du P.C, à oublier leurs promesses électorales. Le parti est alors le défenseur vigilant des intérêts des travailleurs615.

Aux élections de février 1974, le PC défend trois objectifs essentiels, la défaite des conservateurs, la victoire d'un Gouvernement travailliste, et l'élection de députés communistes616. Mais ses 44 candidats obtiennent moins de 33000 voix contre plus de 38000 pour 58 candidats en 1970617. La virulente campagne anticommuniste a porté ses fruits. Mais le parti reproche au Labour sa trop grande modération : en voulant gagner l'électorat intermédiaire, il l'aurait poussé en fait chez les libéraux618. Cette opposition supposée entre des dirigeants réformistes et une base découragée par leur attitude est sans doute excessive. A la fin de l'année, l'écart entre les intentions et la réalité est encore plus grand, Bert RAMELSON qui a la charge du secteur entreprise du parti, déclare dans un discours que "'plus le vote communiste sera important, plus il sera facile de mobiliser avant et après l'élection le mouvement qui obligera le Gouvernement travailliste à rompre avec sa politique passée "619. En fait, le parti n'a plus que 17000 voix.

IL présente seulement 29 candidats mais perd partout des suffrages620. Le rôle du parti semble ainsi confiné à l'animation des luttes sociales, sur tous les points, syndicats à travers un comité de liaison, université, locataires621.

C'est surtout sur le plan international, que le P.C.B.G. manifeste son originalité. Il insiste sur le fait qu'il n'y a pas d'organisation du mouvement communiste international ; chaque parti est donc souverain622. En 1968, il condamne très énergiquement l'intervention soviétique en Tchécoslovaquie et refuse d'accepter la normalisation623. Une polémique s'engage même ensuite avec Rude Pravo624. A la conférence mondiale des partis communistes en 1969, John GOLLAN réaffirme à juste titre, son opposition à l'existence d'un centre dans le mouvement communiste625. Cela n'empêche pas le P.C.G.B. d'en être pleinement solidaire, comme en témoigne son action en faveur du peuple vietnamien, qui constitue un lien d'unité626.

Les problèmes internationaux, comme son insuccès électoral, rejaillissent sur la vie interne du parti. Au congrès de 1973, une opposition conduite par Sid FRENCH demande un changement dans l'attitude du parti à l'égard des pays socialistes et des dissidents soviétiques627.

Si l'on considère les effectifs, le parti est entré à partir de 1963 dans une période de croissance. Il a alors 33000 membres628. Le gain est précaire puisqu'il retombe à 30500 en 1969 et moins de 29000 en 1971629. La radicalisation des masses pourrait être une chance de renouveau après les difficultés de 1972. Il y a mille nouveaux membres au Congrès de 1973630.

Au terme de cette évolution, on peut dresser un bilan de l'histoire du parti et se demander s'il a rempli ses buts initiaux. La fusion d'organisations, s'est transformée en avant-garde, capable potentiellement d'organiser les masses, mais elle ne semble pas avoir réussi jusqu'ici à entamer l'emprise du réformisme sur la classe ouvrière. La réponse doit pourtant être nuancée au vu du rôle du P.C.B.G. dans le système politique britannique. Le parti communiste suit, comme il l'a toujours fait, une ligne de lutte des classes.

Notes
598.

ib. p. 280 & s.

599.

M. CHARLOT. La démocratie, op. cit. p. 137

600.

4,39 % là où il est présent J. CADART. "Les élections générales du 24 octobre 1951 et révolution récente du régime politique en Grande-Bretagne" in R.F.S.P. avril juin 1952 n° 2 pp. 219-250 P. WILLIAMS. "Analyse régionale des résultats selon la composition politique et sociale des circonscriptions" ib. pp. 251 - 264

601.

Lettre de Jack LINDSAY 5/4/75

602.

cf. infra IIème PARTIE CH. II

603.

H. PELLING. The British op. cit. p. 124

604.

ib. CH. VIII

605.

I. COX. art, cit.

606.

H. PELLING. The British. op. cit. p. 160

607.

cf. infra 1ère PARTIE CH. III

608.

H. PELLING. The British. op. cit. p. 193

609.

M. HUNTER. "Twenty Sixthe Congress of the Communist Party of Great Britain" in MT May 1959 pp. 130-132 W. LAUCHLAN. "The Communist Party and the Daily Worker in MJT June 1959 pp. 181-186

610.

Daily Worker janvier à avril 1966 C. COCKBURN. "The Morning Star" in NLR 1966 n° 38 July Aug. pp. 23-34

611.

Daily Worker 5/4/1966

612.

Daily Worker 10/1/1966

613.

Entretien avec le bibliothécaire du Morning Star

614.

J. GOLLAN. "The General élection and the way ahead" in Comment 4/7/1970 Vol. VIIL n° 27 pp. 418-422

615.

J. GOLLAN. "Labour in power what next ?" in Comment 28/XI/1964 pp. 759-762

616.

Manifeste électoral in Morning Star 14.2.74

617.

Le Monde 9/3/1974

618.

Morning Star 11/3/1974

619.

Mornin° Star 30/9/1974

620.

Morning Star 12/10/1974

621.

J. GOLLAN. "More communists, more Morning Star readers" in Comment 27/1/1973 Vol. XI n° 2 pp. 23 - 26

622.

Comment Supplément n° 7 1964 June 70

623.

cf. Comment & Morning Star

624.

Comment 24.1.70 Vol. VIIL n° 4 cf. aussi Prise de position du P C B G contre l'utilisation de mesures administratives en Tchécoslovaquie. Le Monde 16.5.75

625.

J. GOLLAN. Speech to the World Communist Conférence June 1969. Communist Party Pamphlet 11p.

626.

I. COX. art, cit.

627.

Communist Party 33rd Congress Full Report London 10-12/XI/73 in Comment 1 & 15/XII/73 Vol. XI n° 24 & 25, p. 387 & s.

628.

Daily Worker 8/2/63 & 23/2/63

629.

D.L. PRICE. "Great Britain" in Yearbook on International Communist Affaire, 1973 Hoover Institution Press Stanford University, California, 651 p.

630.

pp. 108 - 109 in G. COHEN. "Grande Bretagne : les communistes et le mouvement travailliste" in N R I dec. 1973 n° 12 pp. 96 - 111