L'appréciation de l'action d'un parti révolutionnaire témoigne d'une hostilité ou d'un accord enver ses objectifs.
La question de la place du parti communiste dans le système politique britannique, se trouve à nouveau posée avec les élections générales de 1974. La thèse selon laquelle, le parti serait "un groupuscule sans force électorale"631, de la même importance que l'Armée du Salut632, est beaucoup trop partielle. Elle traduit certes les faibles résultats du parti en 1974, son éloignement du Parlement depuis 1950, et sa représentation limitée dans les municipalités - 40 conseillers633.
Mais on ne peut déterminer l'importance d'un parti uniquement en relation avec les institutions politiques. Le but d'un parti révolutionnaire n'est pas en effet, de s'intégrer au système politique libéral fondé sur la séparation du politique et de la société civile mais au contraire, de politiser la question sociale. Les institutions politiques en place, ne sont pas le meilleur moyen de réalisation du projet révolutionnaire, mais au contraire, une garantie de la société existante634. Malgré tout, le programme de transition pacifique au socialisme du P. C, voit dans les élections un moment privilégié de la vie politique du pays635. L'accord du parti révolutionnaire porte donc, non sur la structure profonde de la société, mais sur les règles du jeu permettant de la modifier636. Il faut cependant observer, le poids du système électoral, la majorité de l'électorat pense que pour les élections- générales, le choix véritable est entre Conservateurs et Travaillistes637. L'existence d'une caution638 enfin, est à déplorer.
On expliquerait mal aussi, l'importance de la campagne contre la "subversion" communiste dans les syndicats déclenchée en février 1974, et la constitution de milices privées dans l'été639, si le parti était vraiment insignifiant.
Parmi les organisations qui luttent contre le communisme, on peut citer celle qui publie soutient West Digest, bimensuel lié au parti conservateur, et préoccupé par l'imminence de l'arrivée de "l'ennemi". "Common Cause" informe entre autres, sur la présence des marxistes dans l'industrie, "IRIS" (Industriel Research and Information Services) fait voir le monde, à travers les yeux d'un syndicaliste de droite. La Ligue Economique (Economie League), créée après la première guerre mondiale, par des industriels qui craignaient la révolution, renseigne les entreprises, sur les relations industrielles et la subversion640. Au cours de la première campagne électorale de 1974, un rapport est publié sur "les sources du conflit dans l'industrie britannique", par un Institut pour l'étude du conflit641. L'association Aims of Industry, fondée en 1942 par des hommes d'affaires, par crainte du maintien des contrôles de guerre sur l'industrie, et qui a défendu depuis, la libre entreprise, en particulier contre la nationalisation du sucre en 1950, et la renationalisation de l'acier, en 1964642, multiplie les mises en garde par des brochures643, et des annonces dans les journaux644. L'argumentation utilisée645, est généralement la suivante. Les buts du parti communiste sont révolutionnaires, mais contrairement à ses allégations, il ne cherche pas à atteindre le pouvoir par des moyens constitutionnels, mais en influençant le Labour Party, par le biais des syndicats qu'il domine. La nature du parti travailliste peut expliquer cette stratégie. Les syndicats contrôlent 88 % des votes à la Conférence du Labour Party, auquel ils fournissent 80 % de ses fonds centraux. Les communistes qui sont opposés à toutes les mesures assurant le bon fonctionnement de la libre entreprise, et qui sont soutenus dans leur action subversive par les syndicats soviétiques dirigés par l'ancien responsable du K.G.B.M. SHELEPIN646 utilisent diverses techniques pour parvenir à leurs fins On cite la fraude dans les élections syndicales, utilisée chez les électriciens, le dénigrement des responsables modérés, les piquets de grave volants, et l'organisation de réunions de masse qu'ils peuvent manipuler. Le plus souvent, ils essaient d'obtenir de la conférence syndicale, l'exigence d'une augmentation de salaire importante, qui servira ensuite de critère, pour critiquer le travail de la direction du syndicat. Cette tactique aurait été utilisée par Mc GAHEY à la conférence de l'union des mineurs en juin 1973. Elle l'est aussi, l'année d'après, si l'on en croit le Times647. Le P. G s'arrangerait d'ailleurs pour que les organisations de base assaillent les responsables syndicaux de motions, en vue d'une action militante. C'est l'apathie générale des syndiqués, le fait qu'ils manquent d'information, qui permet aux extrémistes d'occuper les postes de responsabilité, Pour Aims of Industry, les rouges ne sont plus "sous le lit mais dans le lit"648 et l'Observer publie un véritable appel à la délation649.
Ce type d’explication ne repose sur aucune réalité. L'histoire n'est pas faite de complots mais de luttes sociales. Paul et peut écrire que "la subversion, ce sont des idées plus qu'une réalité"650 La bourgeoisie menacée n'a guère varié dans sa propagande depuis la lettre de ZINOVIEV651.
Il est préférable de trouver un élément de réponse sur la place du P.C.G.B. dans le système politique britannique, en utilisant les fonctions attribuées par M, Georges LAVAU652 au P.C.F. dans le système français653. Il semble que le P.C.G.B. quoique avec moins de succès que le P C F, exerce avant tout une "fonction tribunitienne"654, c'est à dire qu'il se charge d’organiser et de défendre des catégories sociales plébéiennes (c'est à dire exclues ou se sentant exclues des processus de participation au système politique, comme d'ailleurs du bénéfice du système économique et du système culturel) et de leur donner un sentiment de force et de confiance655. La présence de communistes à la tête des syndicats, suffit pour en témoigner, encore que leur personnalité individuelle soit probablement davantage prise en considération par leurs camarades, que leur appartenance à une organisation dotée d'un projet social global. Dans le même sens, rappelons leur action pour les immigrants de couleur du essaie Mais il est sans doute très exagéré, de voir dans le vote communiste, un vote de protestation656. La fonction de légitimation a été remplie par son soutien à l'effort de guerre à partir de 1941, et surtout sa participation dès l'origine aux élections, alors qu'elles étaient rejetées par une partie du mouvement révolutionnaire, auparavant. Il en est de même pour l'importance qu'il attache au Parlement dans la transition au socialisme. Maurice CHARLOT reconnaît que "au total, hormis la période de lutte"classe contre classe" de 1929 à 1934-1935, le P C G B a suivi avec l'accord du mouvement communiste international, une tactique souple vis à vis du système politique et du travaillisme anglais"657. Enfin, la fonction de "relève politique"658, lui semble interdite du fait de sa taille, sauf au prix d'un très long processus d'alliance avec la gauche travailliste.
En fait, cette notion de "système politique" confère un caractère normatif et immuable au modèle libéral, valorise les phénomènes d'intégration, au détriment des contradictions, et ne permet pas d'expliquer les mécanismes révolutionnaires, dans une perspective historique.
On ne peut expliquer non plus, le rôle d'un parti communiste, en réduisant le social au psychologique. C'est le défaut de la conception suivant laquelle les partis communistes, constitueraient "un contre système", une "contre-société", intégrant ses membres659. D'après l'enquête d'ALMOND portant sur des renégats des partis, 48 % des communistes britanniques auraient adhéré pour des raisons tenant à leur équilibre personnel, contre 58 % des américains et 25 % des français660. Les communistes anglais vivraient entre eux, près des trois-quarts déclarant que la plupart de leurs amis sont membres ou sympathisants du parti661. On pourrait conclure à l'existence d'une société close, si les bases de l'enquête n'étaient aussi restreinte662.
M. CHAR LOT. La vie, op. cit. p. 7
K. NEWTON. The sociology of british communism, London Allen Lane The Penguin Press 1969 214p. p. 11
p. 159 in N R I mai 1973 n° 5
K. MARX. La question juive: (1844). Problématique utilisée in H. GOURDON. Theorie générale de l'Etat. Alger. Faculté de Droit 1973-1974. 94p.
cf.infraCH.IL IIème PARTIE
M. DUVERGER in "classes sociales et alliance politique". Dialogue avec Michel SIMON in France Nouvelle 15-21/6/1971
J.D. LEES, R. KIMBER. Political parties in modern Britain An organizational and fructional guide London Routledge & Kegan Paul 1972 288 p. p.88
Elle s'élève à150 livres, le parti l'a perdue,57fois en 1966. ib. p. 90
Le Monde, The Times, The Observer, été 1974
P. FERRIS op. cit. p. 84-85
"The Communist connection" in The Observer 3/2/74
M. CHARLOT. La démocratie, op. cit. pp. 285-296
Reds under the bed ? Aims of Industry 1974 18 p.Campaiqn against the industrial wreckers Your of industry 4 p. Yom company and free entreprise. Your of Industry 1974 21 p.Radical revolutionary transformations' and the tactics of confrontation . Mr Shelepin smiles Aims of Industry 1974 6 p.
cf. The Sunday Express 17/2/74 "Don't be fooled out of your freedom" associé à un portrait de STALINE tenant une masque de bouffon cf. The Sunday Times 24/2/1974 "The Election caused by the communists ? "
cf. surtout The observer 3/2/74 art, cit. & Reds op. cit.
cf. Mr Shelepin Smiles op. cit.
The Times 13.6.1974
Neds op. cit. p. 14
The Observer 3.2.74 art, cit.
P. FERRIS. op. cit. p. 87
cf. supra CH Il § I D
G. LAVAU. "Le parti communiste dans le système politique français" pp. 7 - 81 in Le Communisme en France C.F.N.S.P. 1969 T I 336 p.
A. PERCHERON. "A propos de l'application du cadre theorique d'Easton à l'étude du parti communiste français", in R.F.S.P. Vol. XX n° 1 Fev. 70 pp. 75-91
Définition inspirée de David EASTON "l'ensemble des processus par lesquels des "autorités"
politiques reçoivent des membres de la communauté des exigences et des soutiens et parviennent grâce à des mécanismes divers, à les convertir en actions et en décisions" in. LAVAU op. cit. p.10
ib. p. 25 & s.
ib. p. 18
W. KENDALL. "The Communist Party of Great Britain in Survey Winter 1974 Vol. XX n° 1 pp. 118-131
M. CHARLOT. La démocratie, o&.çit p. 131
G. LAVAU. in. QfLjyL p. 56 & s.
cf. A. KRIEGEL. Les communistes français essai d'ethnographie politique Paris Seuil 1968 319 p.
G.A. ALMOND. op. cit. p. 243. Rien ne permet d'ailleurs d'affirmer que les motivations de ces individus aient été les mêmes que celles des autres membres, ni que leur opinion n'ait pas changé depuis leur départ du parti.
K. NEWTON, op. cit. p. 24 & 106
Elle ne porte que sur 27 cas. ib. p. 9