Il convient de présenter les grands axes de la pensée de TROTSKY avant de voir les organisations britanniques qui s'en inspirent.
Le trotskysme est probablement l'un des courants politiques que l'on étudie avec le moins de sérénité, tant il a suscité l'anathème et l'adulation. On a pu écrire très justement "qu'il semble directement issu du mouvement ouvrier révolutionnaire". En fait il s'est toujours situé en marge du mouvement ouvrier international, sauf au début de la révolution d'octobre. Il s'agit profondément d'une forme de gauchisme, d' "aventurisme politique", qui, par ses activités fractionnelles, affaiblit les organisations communistes. De la s'explique l'attrait qu'il exerce sur l'idéologie bourgeoise.
On ne sautait malgré tout analyser le trotskysme de façon unilatérale. Staline a écrit ".... le trotskysme a cessé d'être un courant politique dans la classe ouvrière ; de courant politique qu'il était sept ou huit ans plus tôt le trotskysme est devenu une bande forcenée et sans principes de saboteurs, d'agents de diversion et d'assassins, agissant sur ordre des services d'espionnage des Etats étrangers"769. Une appréciation aussi grossière révèle seulement la nécessité de justifier les grands procès.
Il semble assez contestable de "partir de l'hypothèse que la pensée de TROTSKY constitue un système intellectuel clos, fondé sur quelques postulats", comme le fait M. Jean qui 770. Les idées politiques de TROTSKY, en dépit de leur aspect répétitif, naissent dans des conditions déterminées. Outre l'analyse du stalinisme771, elles nous semblent dignes d'intérêt surtout sur quatre points :
la révolution permanente et le problème paysan
la nature de l'U.R.S.S.
la formulation d'un programme de transition et les questions d'organisation
l'approche de la réalité britannique.
Elles s'appuient en principe sur le matérialisme historique, mais parfois de façon superficielle. TROTSKY n'est pas un théoricien. Ses écrits ont très souvent un caractère circonstanciel, polémique, voire maladif, tant ils expriment le sentiment d'une persécution constante. En revanche, dans le domaine littéraire surtout, s'affirme un esprit incisif772. On est souvent tombé dans deux excès pour apprécier les idées et l'action de TROTSKY. Le premier consiste à nier toute divergence entre Lénine ou TROTSKY ou à prétendre que Lénine se serait rallié à ses positions ; on confère aussi à TROTSKY, dans cette optique, un rôle essentiel, dans la réalisation de la révolution d'octobre. C'est en gros la position de TROTSKY et de ses disciples773. Le deuxième danger revient à présenter avec condescendance l'action de TROTSKY au cours des événements de 17, puis à déformer ses positions.
Le matérialisme historique ne peut s'accommoder de telles approximations et d'une vision manichéenne, faisant de Trotski, suivant les cas un prophète774 ou un démon.
On a relevé très justement, comment TROTSKY, après une période populiste s'était rallié au menchévisme en 1903, au cours du deuxième congrès du parti ouvrier social-démocrate de Russie775. De cette date, à laquelle il combat la conception léniniste du parti776, jusqu'à mai 1917, TROTSKY s'oppose à la stratégie des bolcheviks. Mais, à partir de là, il est bon de rappeler qu'il participe à la direction du parti bolchevik en accord pour l'essentiel avec Lénine. Ce n'est qu'en 1923 que le trotskysme devient un courant politique et idéologique autonome, opposé au bolchevisme777. Jusqu'à son exclusion du parti en 1927, puis son exil, TROTSKY est défavorable à la création d'une nouvelle organisation, il préfère démocratiser celle qui existe, de l'intérieur. Devant l'impossibilité de réaliser ce projet et les attaques dont il est l'objet de la part de l'Internationale, il cherche à fonder une Quatrième Internationale, à partir de 1935778. Cette période voit aussi l'adoption de la tactique de l'entrisme dans la social-démocratie, pour établir un contact avec les masses779. C'est le début d'une action politique nocive, parce qu'elle divise le mouvement ouvrier, et inefficace à cause de ses scissions internes780 et de son caractère très réduit. TROTSKY est devenu alors un "mythe"781.
Bibliographie utilisée : AVENAS, BROSSAT, de l'antitrotskysme. éléments d'histoire et de theorie Wlaspero, Paris 1971 133 p. J. BAECHLER. op. cit. M. BASMANOV. La nature du trotskysme contemporain Moscou, Editions du Progrès, 1974, 276 p,
FIGUERES. Le trotskysme. cet antileninisme. Editions sociales. Paris 1969 - 257 p. N. KRASSO, "Le marxisme de Trotsky" in T,M. juin juillet 1969 (Traduit de la N.L.RJ n° 276 pp. 2187-2217
N. KRASSO, "Réponse à Ernest Mandel" un T.M. n° 277 - 278 août-sept. 1969 pp. 72-91 E. MANDEL "Critique d'une critique" ib. pp. 46-71
KLARAURAKIS du trotskvsme. question de theorie et d'histoire. Paris Maspero 1971 266 p. L TROTSKY. Outre les ouvrages précités. "Nos tâches politiques" (1941- DenostfGauthier "Mediations" 1970 220 p. "Bilan et perspectives"(1919). Ed.de Minuit 1969. Seuil. Paris "Politique" 119 p. "Terrorisme et Communisme" (1919) 1963 Union Générale d'Editions. Paris 10/18 315 p. Cours Nouveau (1923) 10/18. Les Editions de Minuit 1963. 188 p. L'Internationale communiste après Lénine ou le grand organisateur des défaites (1929) T.l. PUF. Paris 1969 "A la pensée" 289 p. La révolution permanente (1928-1931) Les Editions de Minuit. Gallimard.Paris Idées Histoire de la révolution russe (1932) Seuil.Paris 1950. 2 T. 1963-1968 377p. The transitional program for socialist révolution 1938. with introductory essays by Joseph HANSEN and George NOVACK Pathfinder Press. New York. 1973. 223 p. Le mouvement communiste en France. (1919-1929) Textes choisis et1 présentés par Pierre BROUE. Les Editions de Minuit 1967 723 p.
Léon TROTSKY. PREOBRAJENSKY Eugène, Christian RÂBOVSKY. De la bureaucratie Maspero. Paris. 1971. 132 p. p, 27 & s. Cours Nouveau op. cit.
Joseph STALINE, "le trotskysme de nos jours" p. 32 & s. in Pour une formation bolchevique 1937 publié avec L'homme, le capital le plus précieux 1935. Editions "Naim Frasheri" Tirana 1968. 95 p.
J. BAECHLER. op. cit. p. 8
cf. supra CH. I II
cf. la polémique avec MALRAUX in La révolution permanente et le pamphlet Leur morale et la nôtre.
cf. par exemple D. AVENAS, A. BROSSAT, op. cit.
cf. les travaux d'Isaac DEUTSCHER
L. FIGUERES. op. cit. pp. 16-78
G. COGNIOT. Présence de Lénine T.l. La trame d'une vie hérorque. Editions Sociales. Paris 1970 251 p. p. 55 & s.
J. ELLENSTEIN. op. cit. T. Il p. 39
J. BAECHLER. op. cit. p. 19-89
p. 35 in Introduction de Jean-Jacques MARIE in Défense du Marxisme, op. cit.
L. FIGUERES. op. cit. p. 172 & s.
N. KRASSO. "Le Marxisme de Trotsky" art, cit. p. 22-15