2 - Solidarity

L'organisation Solidarity for Workers' Power, fondée en 1961, se rattache à un courant anarchiste très ancien⁸⁹⁸. Pour Solidarity, dans les pays socialistes, le pouvoir appartient à une bureaucratie, par le biais de la "dictature des partis communistes"⁸⁹⁹. Sur le plan interne, Solidarity fait l'analyse suivante : l'appareil des syndicats ne représente plus les ouvriers, 90 % des grèves sont sauvages. Il y a un conflit absolu entre les ouvriers de l'usine et les permanents. Or il est impossible de transformer les syndicats, d'en faire un moyen de changement social, pour trois raisons : leur organisation n'est pas démocratique, ils ont signé des accords avec les patrons qui les empêchent de lutter, leurs appareils font partie du système capitaliste. La stratégie choisie est donc celle-ci : organisation du travail directement contrôlée par les travailleurs, propagande pour les méthodes de lutte à l'intérieur des usines, accent mis sur les attaques qui concernent la direction des entreprises. Solidarity refuse l'existence d'un parti d'avant-garde⁹⁰⁰. La lecture de Solidarity for Workers' Power⁹⁰¹ permet de constater que ce groupe suit de très près les luttes ouvrières. Mais il fait preuve de volontarisme dans ses analyses et méconnaît la nécessité des organisations.

Avec Solidarity, on rejoint finalement la tradition des conseils ouvriers apparus comme forme d'organisation autonome du prolétariat en lutte, au début du XXe siècle⁹⁰². Ces idées se retrouvent aussi en partie dans I' "Opposition Ouvrière" au bolchevisme, mais contrairement à Solidarity, Alexandra KOLLONTAI n'a pas nié le rôle du parti⁹⁰³. C'est, pour nous résumer, une doctrine qui, sur le plan de l'évolution des idées du mouvement ouvrier international, se situe comme résidu de l'anarcho-syndicalisme, avant l'apport fondamental de Lénine sur le parti d'avant-garde⁹⁰⁴.