Ce schéma954, précisé par les analyses de Maurice de955, est largement conforme aux écrits de MARX, sur la transition du féodalisme au capitalisme, dans les chapitres du Capital consacrés à l'accumulation primitive956. Une formule résume assez bien ce processus "L'ordre économique capitaliste est sorti des entrailles de l'ordre économique féodal. La dissolution de l'un a dégagé les éléments constitutifs de l'autre"957. On peut relever que pour de, les phénomènes de désagrégation de l'ancienne société, et de formation de la nouvelle, ne sont pas simultanés. Il écrit "... la désintégration du mode de production féodal en était déjà arrivée a un stade avancé bien avant que ne se développe le mode de production capitaliste et cette désintégration n'a pas été associée à la croissance du nouveau mode de production au sein même de l'ancien"958.
Le phénomène premier est le développement du capitalisme rural, entamé au début du XVle siècle avec les "enclosures"959. "La spoliation des biens de l'église, l'aliénation frauduleuse des domaines de l'Etat, le pillage des terrains communaux, la transformation usurpatrice et terroriste de la propriété féodale ou même patriarcale en propriété moderne privée, la guerre aux chaumières, voilà les procédés idylliques de l'accumulation primitive. Ils ont conquis la terre à l'agriculture capitaliste, incorporé le sol au capital et livré à l'industrie des villes les bras dociles d'un prolétariat sans feu ni lieu "960, Une législation répressive, et le contrôle des salaires contribuent, tout comme le commerce, la colonisation, et une expropriation généralisée, à la création du capitalisme industriel961. Cette accumulation est largement le fait de cette noblesse "fille de son époque (qui) regardait l'argent comme la puissance des puissances. Transformation des terres arables en pâturages, tel fut son cri de guerre"962. Cette vision très riche a été précisée dans ses conclusions, par de nombreuses études plus empiriques, sur la révolution industrielle963. Paul MANTOUX la caractérise ainsi : "la concentration des capitaux et la constitution de grandes entreprises, dont le fonctionnement, au lieu d'être un fait exceptionnel, tend à devenir la forme normale de l'industrie"964. Il ajoute qu'elle a fait naître des espèces sociales dont le développement et l'antagonisme remplissent l'histoire de notre temps"965. On peut dire que MANTOUX confirme plutôt les analyses de MARX966, tandis que le courant néolibéral représenté par ASHTON, voit dans la révolution industrielle, l'origine d'un bien-être social. Dans cette perspective, la netteté des antagonismes sociaux disparaît au profit d'une évolution plus régulière.
L'analyse des forces sociales en œuvre dans la révolution de 1640, suscite les mêmes problèmes.
M. TREVOR-ROPER juge la position de HILL "démodée" et "simpliste" cf. Annales E.S.C. 1959 p. 804 (compte-rendu de The English révolution) sans doute parce que confotme aux "vues a priori d'une orthodoxie marxiste" cf. Annales E.S.C. oct. déc. 1956 n° 4 p. 494 in "A propos d'un article récent sur Cromwell" pp. 490-494
M, DOBB. Etudes sur le; développement du capitalisme . Paris. Maspero 1971, 417 p.
K. MARX. Le Capital Livre I op. cet, cf. CH. XXVI à XXXI p. 527 - 564 cf. aussi ; G. LEFEBVRE, G. PROCACCI, A. SOBOUL. "Du féodalisme au capitalisme" in La Pensée 1956 h° 65 janvier février pp. 10 – 32 - G. LEMARCHAND, "Un cas de transition du féodalisme au capitalisme, l'Angleterre" Plan d'exposé 1/3/1975 Paris C.E.R.M. 4 p. - N. POULANTZAS op. cit. I p. 166 & s. - P.M. SWEEZY, M. DOBB, H.D. TAKAHASHI, R. HILTON, C. HILL. The transition from Feudalism to Capitalisme A Symposium London Fore Publications Ltid1954 75 p.
K. MARX. Le Capital l op. cit. p. 528
M. DOBB. études op. cit. pp. 30 31
Des études récentes remettent en question l'ampleur des enclosures. H.G. HUNT. "Vers une révision critique et statistique. Aspects de la révolution agraire en Angleterre au XVIIie siècle" in Annales 1956 Janvier mars n° 1 pp. 29 – 41 J. THIRSK Tudor Enclosures'. The Historical Association. London (1958) 1970 23 p.
K. MARX. Le Capital I op. cit. p. 542
ib. p. 543
ib. p, 531. cf. aussi : "Alors que, sous sa forme commerciale, le capital peut se développer complètement sans cette transformation de la propriété foncière (il ne rencontre alors que des limites quantitatives) il n'en est pas de même pour le capital industriel. Même le développement de la manufacture présuppose la dissolution, à ses débuts, de l'ancien système économique de la propriété foncière. D'un autre côté.cette dissolution sporadique ne conduit à la nouvelle forme dans toute son étendue que lorsque l'industrie moderne atteint un haut degré de développement ; mais tout ce processus se déroule d'autant plus rapidement que l'agriculture moderne, le type de propriété et les rapports économiques qui lui correspondent ont pris un développement plus intense. A cet égard, l'Angleterre est le pays modèle...". Le Capital Livre II (1869-1870) p. 232 in K. MARX. Oeuvres. Economie II
T.S. ASHTON. La Révolution industrielle 1760-1830 Paris, Pion, 215 p. P. BAIROCH. "Commerce International et genèse de la révolution industrielle anglaise". in Annales E.S.C. mars avril 1973 n° 2 pp. 541-571 R.M. HARTWELL. The industriel révolution in England. London The Historical Association 1972-26p. P, MANTOUX. La révolution industrielle au XVIIIe siècle : essai sur les commencements de la grande industrie moderne en Angleterre. (2e ed, 1927) Paris, Génin 1959, 577 p. P. MATHIAS. "La révolution industrielle en Angleterre : un cas unique ? in Annales E.S.C. Janv. Fév. 1972 n° 1. pp. 33 - 45 J.U. NEF, "The industriel révolution reconsidered" in thejournal of Economie History Vol. III may 1943 n° 1 pp. 1031 (New York University Press).
P. MANTOUX. op. cit. p. 506
ib. p. 507
MANTOUX écrit à propos du Capital "(Carl MARX qui, à certaines pages de son grand ouvrage dogmatique, à fait œuvre d'historien" op. cit. p. 13.