Elles constituent un des points forts des programmes des partis communistes, particulièrement du P.C.G.B. La nationalisation socialiste de la grande industrie, fut la principale option économique du programme adopté par le P.C. à la veille de la révolution socialiste en Russie1140. Après la deuxième guerre mondiale, l'exigence des nationalisations formulée par les partis communistes, a trouvé un écho favorable, mais a conservé un caractère bourgeois du fait même de la nature des pouvoirs politiques, sauf dans les démocraties populaires.
Les nationalisations sont une vieille exigence du mouvement ouvrier britannique. Le programme de la S.D.F. énonce que "l'émancipation de la classe ouvrière ne peut être atteinte que par la socialisation des moyens de production, de distribution et d'échange". Il faut ensuite qu'ils soient contrôlés par la communauté organisée, dans l'intérêt de tous1141. Dès 1918, le Labour Party prétend "Assurer aux travailleurs manuels ou intellectuels la pleine jouissance des fruits de leur travail et, partant, leur répartition de la manière la plus équitable, par la mise en commun des moyens de production (de distribution et d'échange — amendement de 1929) et par l'instauration du meilleur système possible de contrôle et d'administration par le peuple de chaque industrie en service"1142. En fait, le parti se montre assez modéré, surtout en période électorale, jusqu'aux années 30. A partir de là, les nationalisations sont à nouveau proposées ; en 1931, houillères, sources d'énergie, transports, forges et aciéries, banques, auxquels s'ajoute l'industrie du coton en 1935. Après la deuxième guerre mondiale, la nationalisation doit, pour les travaillistes, réaliser le "socialisme démocratique" En fait, de la Banque d'Angleterre à l'acier1143, en passant par le charbon (1946), la nationalisation, tout en apportant quelques avantages à la classe ouvrière1144, favorise surtout les monopoles1145. Au début des années cinquante, le Labour Party est divisé entre une aile gauche dirigée par Aueurin BEVAN, qui veut étendre les nationalisations à des industries rentables, et une aile droite conduite par Herbert MORRISON1146. Jusqu'en 1959, le parti va de défaite en défaite. Ses positions de compromis sont à peine avivées par les dénationalisations conservatrices, Hugh GAITSKELL, leader du parti, échoue en 1959 dans sa volonté de supprimer la clause IV des Statuts1147. Lors des élections de 1964, 1966 et 1970, le Labour Party n'insiste pas sur les nationalisations1148, et reconnaît le caractère mixte de l'économie1149. Au Congrès du parti en octobre 73, les dirigeants sont partagés entre la montée de l'aile gauche, et le souci de ne pas effrayer l'électoral1150. Le programme adopté prévoit la nationalisation de chaque parcelle de terrain nécessaire au développement urbain, des richesses du sous-sol, du pétrole et du gaz extraits de la Mer du Nord, des ports, des constructions navales et aériennes, d'importants secteurs de l'industrie pharmaceutique et des machines outils, du bâtiment et des transports routiers. Enfin, un gouvernement travailliste pourrait contrôler ou diriger la gestion de presque n'importe quelle entreprise industrielle ou commerciale1151. Malgré tout, la campagne électorale est plus modérée au début 1974 même si le Labour n'a pas eu vraiment le temps d'atténuer la portée de son programme avant les élections1152. Aucune nationalisation n'est annoncée dans le "discours du trône" du 12 mars1153. Le gouvernement WILSON se montre très prudent, mais le programme électoral d'octobre 1974 renoue, plus les intentions précédentes, aux progressistes1154.
Le P.C.G.B. prévoit, lui, dès 1958 la nationalisation socialiste des banques, de la grande industrie, des compagnie d'assurance et des grands monopoles d'affaires. En mai 1960, sa résolution correspond pratiquement1155 au programme actuel. A son a Congrès, en novembre 1965, il affirme que la nationalisation des leviers de commande de l'économie, est la seule solution à la crise. A son a Congrès en novembre 1967, il proclame la nécessité d'une lutte opiniâtre dans ce sens1156. Ce n'est donc pas tellement par ses objectifs plus ambitieux, que le P C G B se distingue du Labour Party, en prévoyant plus nettement, la nationalisation de l'électronique, des banques et des assurances, mais par sa volonté effective de les mettre en œuvre.
Le réformisme reste très fort dans le Labour Party. Il suffit pour s'en convaincre, de lire le point de vue exprimé par Anthony CROSLAND, ministre de l'environnement et ancien président de la société fabienne1157. A son avis1158, la crise prétendue du capitalisme, n'est pas évidente, les sociétés occidentales sont en pleine expansion. Il y a certes concentration industrielle, mais il serait faux de soutenir que le pouvoir appartient à une petite oligarchie de propriétaires d'entreprises privées. Le secteur public s'est développé, la force d'action des syndicats reste entière, de nouvelles nationalisations sous prétexte de contrôler les monopoles, n'apporteraient qu'une bureaucratie. Et plus encore que le risque d'inefficacité, une nationalisation accompagnée d'une juste indemnité, maintient les inégalités existantes. L'économie mixte est pour CROSLAND, la clef de réformes sociales profondes. Une des raisons de la réserve du Labour à l'égard des nationalisations, est sans doute la possession par les syndicats les plus riches, de portefeuilles d'actions importants1159.
Il est particulièrement intéressant de faire un parallèle, entre les objectifs du P.C.G.B., et ceux du PCF. Le programme commun, fruit d'un compromis , P.C. - P.S. fixe comme tâche immédiate, "un seuil minimum de nationalisations", le phénomène prenant ensuite un caractère progressif, au besoin à l'initiative des travailleurs d'une entreprise1160. Il s'agit de circonscrire les bases d'accumulation monopolistes, qui permettent à quelques monopoles de dominer le pays et d'opérer de façon dynamique, au rythme de la lutte des masses1161. L'ensemble du secteur bancaire et financier est concerné de façon détaillée, en raison de son importance dans le financement monopoliste, le P.C.G.B ne prévoit, lui, aucune disposition précise. Comme le P.C.G.B., le Programme Commun propose la nationalisation dans leur ensemble, des industries pharmaceutiques, mais seulement dans leur plus grande partie de l'électronique et de la chimie1162. Les ressources du sous-sol, l'armement, l'industrie nucléaire, les industries spatiales et aéronautiques1163, ne semblent pas concerner le P.C.G.B. Le programme commun prône seulement des prises de participation financière pouvant être majoritaires, dans le pétrole et les transports1164, que le P.C.G.B. souhaite donner en entier au secteur public. Enfin, le P.C.G.B. prévoit la nationalisation de la terre urbaine et des secteurs clefs de la construction de bateaux, et du bâtiment1165. Il y a donc une adaptation aux particularités nationales.
V. VINOGRADOV. La nationalisation socialiste de l'industrie Moscou Editions du Progrès 1969. 447 p.
cité p. 184 in "The Communist Party's Policy on Nationalisation" (résolution du Comité Exécutif du P.C. 14 & 15 mai 1960) in M.T. June 1960 pp. 184 - 191
Clause IV des Statuts du Parti in M. CHARIOT, La démocratie op. cit. p. 169
V. VINOGRADOV op. cit. p. 380
ib. p. 330 & s.
ib. p. 406
ib. p. 356 & s.
ib. p. 180 & s.
ib. p. 182
ib. p. 183
Le Monde 3/X/1973
Le Monde 4/X/1973
M. CHAR LOT. "le travaillisme britannique et la gauchie" in Projet 1974 Juillet Août n° 87 pp. 830 836
Le Monde 13/3/1974
Le Monde 10/X/1974 & 31/X/1974
V. VINOGRADOV op. cit, p. 412 & s.
cf. Le Monde 7/3/1974
"Socialism new" in The Sunday Times 10/3/1974
P. TUROT "La politique des nationalisations à l’étranger" in Revue Politique et Parlementaire Janvier 1973 n° 838 pp. 53 61p. 18
Programme commun op. cit. pp. 114-115 Parti Communiste Français Changer ce Cap Programme pour un gouvernement Démocratique d'Union Populaire Introduction de Georges MARCHAIS Paris Editions Sociales 1971 251 p. p, 16 p. 151 & s.
Les nationalisations Economie et Politique n° 215 Juin 1972 en particulier les articles d'Alexis COUSIN
Changement de cap op. cit. p. 201 & s.
Programme Commun p. 116
Au début de l’année 1975 le Gouvernement travailliste se propose de nationalise deux des principaux constructeurs d'aéronautique. Le Monde 17/1/1975
Programme Commun op. cit. p. 116
The British Road. op. cit. p. 32