3. Les prélèvements extra-budgétaires

Le budget de 1873 présenté ci-dessus énumère des avantages accordés aux ministres et aux principaux dignitaires, mais les chiffres ne sont guère fiables. Ainsi, le ministre de la marine recevrait 6.000 $, contre 2.000 au premier ministre ; le ministre de la justice devrait se contenter de 600 $, etc. Au-delà de ces incohérences de détail, le montant global des charges d’administration ne s’élève qu’à 37.500 $, somme très inférieure aux évaluations que l’on peut faire par ailleurs.

En 1877, les ordonnances royales, rédigées sur les instances du Protectorat, prévoient que les dignitaires recevront une solde, afin d’éviter les « abus » grâce auxquels ils vivent. Le premier ministre se voit attribuer 915 $, les principaux gouverneurs et ministres 460 $, etc. Au total, les 657 dignitaires ayant de 4 à 10 milliers d’honneurs reçoivent 127.000 $. Cette somme est quatre fois supérieure à la précédente, bien que les revenus accordés aux ministres soient en moyenne plus faibles : c’est que la liste de 1873 ne mentionnait qu’une trentaine de dignitaires. Le chiffre de 1877 est donc encore en-dessous de la réalité, d’autant qu’il résulte d’une négociation délicate avec le roi qui était chargé d’effectuer les paiements.

En 1874, Moura, qui avait fait des évaluations « d’après ce que touchaient les divers personnages du royaume » (AOM Paris A 30 (22) c.13), prévoyait 4.100 $ pour le premier ministre, 3.400 pour chacun des autres ministres, 1.500 $ pour les sdach tranh et 750 $ pour les gouverneurs, soit en moyenne trois fois plus que les ordonnances de 1877. Ces chiffres sont sans doute beaucoup plus réalistes : le paiement des dignitaires n’est effectivement mis en place qu’en 1892 et les ministres recevront alors 16.800 $ (17.700 $ dans l’évaluation de Moura). Au total, on peut sans doute fixer la limite supérieure des prélèvements directs des dignitaires au chiffre établi pour 1902 : en excluant la milice (environ 100.000 $) et l’administration, qui comprend alors de nombreux services nouveaux, reçoit 330.000 $.

Pour être complet, il faut rajouter les sommes perçues par les fermiers, comme frais ou bénéfices : vers 1880, elles représentent l’équivalent de la part versée au roi. En retenant la même proportion, elle s’élèverait à un peu moins de 200.000 piastres en 1873.

En résumé, le budget de 1873, s’il était établi selon les normes habituelles qui prévaudront par la suite, s’élèverait à un peu plus d’un million de piastres, soit 0,7 $ ou 40 kgs de paddy par tête.