Chapitre 9. Les mouvements perpétuels de l’immobilisme

La perspective structurale ne peut donner qu’une vue partielle, et surtout statique, des relations entre la religion et le roi. En particulier, la nécessité de l’existence de celui-ci comme « médiateur » n’implique pas qu’il puisse abuser de cette position. J. Dournes (1978) a montré que, chez les Joraï voisins, le Pötao pousse au sublime la dialectique de la toute puissance et de l’impuissance : cet homme bénéficie du plus grand respect de la part de tous, sans jamais commander ou ordonner. Mendiant en haillons, il est appelé « roi » par les rois khmers ou vietnamiens, qui lui envoient des présents. Si donc le roi khmer devient un chef capable d’abuser, c’est qu’il n’est pas seulement un miroir pour la collectivité, mais aussi l’agent d’une force sociale. Comme la classe dominante s’identifie, pour l’essentiel, à l’appareil d’Etat, le roi se trouve dans une position particulièrement ambiguë : « fonctionnaire » de la royauté, il représente la collectivité, leader de la classe dominante, il en défend les intérêts.

Le roi khmer est condamné à être un illusionniste, essayant de manipuler son image (S.1), et surtout un équilibriste politique, maintenant l’union de la classe dominante à force de divisions (S.2). L’émergence des rapports marchands et du pouvoir de l’argent va simultanément compliquer sa stratégie et la rendre plus efficace (S.3).