1.1. Démocratie familiale ?

Jusqu’à présent, la famille n’a été qu’évoquée, dans des cadres précis et restrictifs. Par exemple, l’étude des rapports de travail a montré, au sein de la famille monogame restreinte, la complémentarité des rôles productifs du mari et de l’épouse, que résume bien le protagoniste d’un conte, Alev, qui incite son père a se remarier :

‘Souvenez-vous des préceptes ; nos ancêtres nous ont enseigné si un homme n’a pas de femme, quand il va à la forêt, il néglige la maison ; s’il s’occupe a la maison, il néglige les travaux extérieurs, (Monod 1922, 45)’

Mais cette complémentarité des tâches, commune à la plupart des sociétés, ne prend son sens que réintégrée dans le cadre juridique et coutumier qui définit le mariage.

Le mariage est un acte décisif pour la vie des époux. La femme, jusque là soumise à l’autorité de son père, passe sous celle de son mari. Celui-ci, qui a édifié (ou reçu) une maison pour l’occasion, se trouve de fait émancipé : le père « perd ses droits sur ses enfants dès qu’ils quittent sa maison ». (Leclère 1890, 65). En fait, il n’y a pas rupture, mais autonomisation à la fois automatique et progressive du couple et, ce qui est plus important, tout ce processus s’effectue sous le contrôle de l’ensemble de la communauté, en tenant compte de l’intérêt du groupe, qui va éventuellement prévaloir sur les intérêts particuliers.

Cette socialisation du mariage apparaît de façon caractéristique dans les préliminaires et la cérémonie. Beaucoup de mariages sont « arrangés », mais ils ne seront célébrés que dans la mesure où ils satisfont bien tous les intéressés. L’union est une chose sérieuse, qui ne saurait dépendre ni des seuls futurs époux, ni des calculs ou intérêts de leurs parents. La procédure suivie, lente et progressive, va permettre à un accord de se manifester. Chacune des étapes engage davantage les parties, lesquelles peuvent cependant renoncer jusqu’au dernier moment.

Les parents du prétendant commencent par faire appel à une « bavarde » (chêchov). Ce terme n’est pas vraiment péjoratif, mais il souligne que l’intervention de cette « entremetteuse » n’est pas très sérieuse  266 , car c’est à ce stade que le risque de refus est le plus grand. Cependant, la vieille femme qui accepte la mission est d’une réputation irréprochable, car on doit lui faire entièrement confiance pour rapporter les intentions des parents de la jeune fille. L’entrevue est un modèle des relations entre villageois : bien que personne n’ignore les motifs de sa visite, la bavarde commence par prétendre être venue par hasard. Puis elle montre qu’elle agit de sa propre initiative en ne formulant pas de demande explicite elle se contente de constater que la fille est en âge de se marier et,

‘qu’elle a entendu raconter qu’un tel, fils d’un tel et d’une telle, songeait à faire de leur fille sa grande épouse [...] (Leclère 1890, 103)’

Les parents n’ont évidemment aucune réponse à donner : en cas de refus, ils détournent la conversation ; en cas d’acceptation, ils font quelques compliments sur le prétendant et sa famille. Dans ce cas, trois nouveaux intermédiaires, souvent trois hommes, vont formuler la demande officielle qu’ils matérialisent par quelques présents (fruits, alcool...). Les parents demandent alors un délai de réflexion pour donner leur réponse et donnent toutes indications utiles sur la naissance de leur fille pour que l’on puisse consulter le « devin ». Les envoyés reviennent une dernière fois quelques jours plus tard et, la demande étant acceptée, le jeune homme est autorisé à se rendre chez la jeune fille, « afin qu’ils se connaissent mieux ».

Ce n’est qu’à l’occasion des « fiançailles » que les parents se rencontrent. L’alliance des familles est marquée par l’offrande d’arec et de bétel ; à partir de ce jour, le jeune homme travaille avec ses beaux-parents, pour faire montre de ses qualités. Le mariage est parfois célébré longtemps après les fiançailles, car il dépend de la possibilité pour les familles d’engager les frais de la célébration et d’édifier une maison pour le jeune couple. La cérémonie, même résumée à ses phases essentielles, est significative : les familles festoient séparément, les intermédiaires circulant de l’une à l’autre pour offrir le bétel et l’arec. Le soir, les parents et le fiancé rendent une visite symbolique, puis on invoque le krong pali. Ce n’est que le lendemain que le fiancé, revêtu de ses plus beaux habits, se rend chez sa fiancée et offre le khan sla, fixé par la coutume à une dizaine de piastres  267 . Vient enfin le rite du chong day, où tous les participants lient aux poignets des époux de petits fils de coton en formulant leurs souhaits ; puis sept hommes se placent autour des mariés et font circuler sept fois une bougie. La cérémonie est beaucoup plus complexe et mérite certainement une description et une interprétation détaillée  268 . Je n’ai retenu ici que sa trame ; toutefois, on ne peut qu’être frappé, là encore, par l’importance du rôle des « médiateurs », qui sont présents depuis les préalables à la demande jusqu’à la conclusion du mariage. Leur rôle est clair : ils représentent la collectivité et ils ont la charge de toute la tension qui peut naître de la création d’un lien nouveau entre deux individus, et, au-delà, entre deux familles. Ils permettent le maintien des distances (cf. le repas séparé) et évitent qu’un refus formulé trop directement fasse perdre la face au demandeur. Enfin, cette présence collective marque aussi l’approbation du groupe : l’association des familles ne se produit pas contre le groupe, mais avec lui, en son sein.

Cette relation du village à la famille n’est pas purement formelle. Dans le cadre « normal », le groupe n’a qu’un rôle passif, mais il intervient de façon positive si naissent des différends. C’est le cas si la cohabitation du futur gendre (ou dans certains cas du gendre) avec ses beaux-parents s’avère difficile, par la faute de l’un ou des autres. Le mariage doit émanciper complètement le jeune couple comme l’expriment implicitement les Codes :

‘Si un homme qui a épousé une fille dont les père et mère ont fait le repas de noces [...], ont construit une maison pour que les deux jeunes époux aient leur habitation particulière et séparée, et gagnent leur vie hors de chez eux [...] (Codes I, 278 a.37, souligné par moi M.C.)’

Au XIXe siècle, l’édification de la maison semble un préalable au mariage et la résidence matrilocale est la règle (Aymonier 1874, 34 ; Leclère 1890, 107). Mais il est possible que les auteurs aient généralisé le schéma considéré comme normal  269 Quoi qu’il en soit, l’autonomie du couple n’est véritablement consacrée qu’à la naissance des enfants :

‘Le gendre habite encore plusieurs années près de ses parents, protecteurs naturels de leur fille qui ne les quitte qu’après la naissance d’un ou plusieurs enfants. (Aymonier 1900, I, 34)’

Des fiançailles à la première naissance, il y a donc concurrence entre l’autorité de l’époux et celle de ses beaux-parents, ces « protecteurs naturels » de leur fille. Il y a là une source potentielle de conflits que la collectivité va tenter de contenir. La loi est expéditive pour le cas du gendre : s’il maudit ou injurie ses beaux-parents  270 , il peut être vendu comme esclave domestique (Codes I, 321, 19 et 20). Mais la coutume fait bien plus souvent état des abus des beaux-parents. Un conte entier est consacré à tourner en dérision un père qui cherche à sélectionner de façon abusive et à exploiter son gendre pendant les périodes probatoires ; la conclusion est sans ambiguïté :

‘Nous avons raconté cette histoire pour qu’elle serve de leçon à ceux qui ont des filles à marier. S’ils veulent leur donner un mari, qu’ils célèbrent le mariage. S’ils ne le veulent pas, qu’ils le disent franchement. Mais qu’ils n’imitent pas les duperies de ce vieux qui voulait choisir son gendre. D’abord, ce n’est pas honnête, et puis ils n’auront jamais le dernier mot avec les amoureux. (Monod 1922, 26)’

La coutume et les adages populaires vont dans le même sens :

‘Quand une jeune fille est demandée en mariage, les membres de la famille sont réunis par les parents, qui leur demandent conseil et reçoivent cette réponse « Ne la gardez pas chien ou chat, accordez-la lui pour qu’il l’emmène » (Porée-Maspero 1964, 441)’

On trouve aussi un autre conte, ironiquement consacré à louer les mérites « de la vraie mère, du vrai père et de la vraie femme » : les beaux-parents et l’épouse supportent stoïquement que leur gendre et mari s’adonne au jeu, à la boisson et à la fainéantise. Loin d’être critiqués, ils sont récompensés, puisque le gendre est un roi qui cherchait à tester leur patience.

Ces recommandations servent de guide à la collectivité, qui intervient éventuellement pour obtenir un compromis. R. Mourer (1980) rapporte l’exemple d’un gendre contraint à s’excuser auprès de sa belle-mère  271 . Leclère (1916, 317) cite même l’exemple d’un engagement écrit devant la justice, par lequel le mari s’engage à mieux se conduire.

Ce souci d’intégrer la famille, d’éviter qu’elle ne soit une source de conflits, qui pourraient rejaillir sur le reste de la communauté se manifeste de bien d’autres façons. Ainsi, la loi et les pratiques coutumières cherchent à contourner les difficultés que peuvent faire naître les passions, ce que traduit bien le « ils n’auront pas le dernier mot avec les amoureux ». La loi punit le rapt, mais elle prévoit des accommodements si, la femme enlevée étant consentante, l’auteur du rapt manifeste son intention de régulariser la situation en proposant d’organiser la cérémonie de mariage (Codes I, 278 a.38 ; I, 280 a.42 I, 281 a.43). La possibilité pour les parents de refuser de reconnaître la situation de fait semble même assez restreinte. Les considérations formelles sur la famille ou la parenté cèdent incontestablement devant la nécessité de l’harmonie des relations dans le couple. Ainsi, le droit cambodgien est, par certains aspects, moins misogyne que bien d’autres. Au niveau des formes, on peut être abusé : comme le dit Leclère « le mari est le seigneur et maître de sa femme » (1890, 81), ce que semble manifester le paiement d’une somme conventionnelle aux parents, ou la possibilité qu’il a de la mettre en gage (avec son consentement). De même, on ne sera pas surpris de trouver l’homme avantagé dans la plupart des textes : s’il réagit par la violence, les injures et même le crime, à l’adultère du conjoint, il bénéficie d’une indulgence à laquelle son épouse ne saurait prétendre dans le cas inverse  272 . Cependant, dans ce cadre, le législateur est loin de laisser la femme sans défense et sans droits. Il sanctionne les coups et sévices, contraint le mari à demander le consentement de son épouse pour s’engager lui-même comme khnhom, etc. On retiendra surtout que la femme peut demander le divorce. Les Codes sont plutôt libéraux sur ce point puisqu’elle peut obtenir le divorce - en remboursant le double des frais du mariage - alors même que le tribunal n’aurait reconnu aucun tort au mari. Les Codes admettent ainsi le divorce si, malgré une première intervention du tribunal,

‘cette femme, par entêtement, ne consent nullement à rentrer dans la chambre à coucher, et, dans son opiniâtreté, va se réfugier chez l’un ou chez l’autre, parce qu’elle veut absolument divorcer [... ] (Codes I, 121 a.60)’

Comme dans la plupart des conflits touchant de près aux relations interpersonnelles, les lois, lorsqu’elles ont épuisé les possibilités de coercition « normale » et de conciliation, accordent une grande importance a la volonté expresse des parties ; ici, face à « l’entêtement », à « l’opiniâtreté », le juge doit préférer une solution, que l’on peut appeler amiable, à une contrainte jugée inefficace. Il reste à savoir si la possibilité du divorce était réelle. Aymonier (1900, I, 34) le juge « assez facile » et confirme qu’il peut être demandé par chacun des époux ; le même auteur n’exclut pas la possibilité pour une femme divorcée de se remarier, même si c’est plus difficile que pour une veuve.

Le régime des biens ne forme pas un obstacle important : en effet, le contrat s’apparente a notre « communauté réduite aux acquêts », qui laisse à chacun des époux la pleine propriété de ses biens propres (troap doeum), même s’il est « fautif »  273 . Au total, les liens conjugaux semblent assez souples, Le seul indicateur quantitatif, très imparfait et ponctuel, dont on dispose est celui du village de Lovéa en 1963, où 16 % des couples élèvent des enfants issus de plusieurs unions (Martel 1963).

Cette « socialisation » de la famille est aussi évidente au niveau du rôle du père de famille. On est loin du droit de vie ou de mort sur les enfants :

‘S’il leur casse un membre, s’il les écorche, si même, il les frappe avec un bâton, avec le pied, il est passible de peines graves. (Leclère 1890, 66)’

La brutalité, voire même seulement le manque de respect (frapper du pied), sont punis. Au contraire, le père doit exercer au mieux son rôle de protecteur : assistance matérielle bien sûr, et aussi judiciaire, puisqu’il doit conduire lui-même les membres de sa famille devant la justice. Les textes répressifs sont sans doute très rarement appliqués : tous les observateurs sont unanimes pour souligner l’harmonie des relations familiales. L’opinion générale est que les enfants sont éduqués de façon laxiste. Comme on peut suspecter les coloniaux d’être fort imprégnés du rigorisme propre à la France du XIXème siècle, il paraît plus juste de parler de libéralisme : il est rare que le père élève la voix et exceptionnel qu’il punisse. Le statut d’enfant, le fait que celui-ci ait une personnalité propre, sont reconnus et les jeunes sont modérément contaminés par les préoccupations et finalités des adultes. Ceci est dû en partie au fait que les contraintes d’ordre social quant à la « tenue » des enfants sont réduites au minimum, tant en raison de la tolérance générale que du caractère rustique des façons de vivre.

Au niveau du travail, les obligations des enfants sont limitées. Bien qu’il participe souvent très tôt à l’activité de la famille (garde des boeufs), le jeune garçon  274 bénéficie des conditions de l’agriculture : le rendement en grain, de l’ordre de 1 à 12, est obtenu sans cette dépense de travail excessive caractéristique de la micro-culture intensive pratiquée par exemple au Tonkin. La mise au travail précoce et intensive des enfants n’est pas indispensable à une économie domestique assez bien équilibrée. L’enfant est donc finalement peu sollicité et lorsqu’il l’est, c’est à l’occasion des temps forts de la culture : repiquage ou moisson. Or, pour ces périodes critiques, le travail est collectif et lié à la fête, le groupe prenant en charge l’incitation au travail et en fixant les limites (Ch. 4).

Dans ces conditions, les rapports entre parents et enfants ne prennent que rarement une forme de conflit interpersonnel, comme cela peut se produire lorsque la famille forme un îlot très autonome. Le père et la mère n’ont guère besoin de transmettre des contraintes sociales qui sont exprimées directement par la collectivité. Au contraire, ils apportent une chaleur et une sécurisation rendues d’autant plus nécessaires que le monde extérieur, celui de l’espace sauvage (prei = forêt, sauvage), est peint comme maléfique. L’autorité du père tient autant à sa capacité technique qu’à sa connaissance rituelle : il interprête la volonté des génies fonciers, connaît certaines stratégies, qui lui permettront de désintéresser les plus néfastes et d’attirer l’attention des bons. Toute sortie en forêt est aussi visite à un monde magique, source de contes extraordinaires auxquels la tradition et l’enseignement bouddhique viennent encore ajouter le piment de véritables dieux (brahmaniques) et de personnages zoomorphes aux talents exceptionnels. Enfin, on ne peut négliger que le passage à l’adolescence se fait plus dans le cadre du monastère que dans la famille et que l’âge adulte et le mariage constituent une véritable émancipation. Le résultat est la solidité des liens tissés au sein de la cellule familiale, jugés beaucoup plus importants que ceux qui pourraient naître de la consanguinité. La notion de famille consanguine a sans doute été fortement surévaluée au Cambodge, parce que les auteurs se référaient aux Codes, qui prennent en compte la parenté jusqu’au septième degré. Or, cette extension paraît propre aux seuls membres de la famille royale ou aux dignitaires, dont on a vu qu’ils se préoccupaient fort de stratégie familiale. Par contre, plusieurs indices témoignent du désintérêt de la paysannerie pour ce formalisme, même à une période récente où l’Etat-Civil a codifié les relations,

‘On ne retient pas les liens de parenté du niveau des grands-parents et à peine ceux des oncles et des tantes. (Martel 1963, 215)’

Les difficultés rencontrées a l’occasion de l’introduction de l’Etat-Civil par le Protectorat, puis par le gouvernement khmer, témoignent de la réalité de cette situation. La notion de nom de famille est étrangère au Khmer, et cela même à une époque récente. Les règles de transmission du nom les plus élémentaires sont mal appliquées au sein du couple et la confusion est totale en cas de veuvage, divorce ou remariage. Il n’existe qu’un équivalent de notre prénom. Cette situation est à mettre en rapport avec le système familial indifférencié (paternel/maternel), dans lequel les règles de filiation sont rarement très strictes, au contraire des systèmes patri ou matri-linéaires, qui conduisent à la création des lignages  275 . On ne sera donc pas surpris de ne pas trouver de nom de lignage. Mais l’arbitraire (apparent) du nom semble aller plus loin encore le nom ne représente pas une position sociale, mais une position magique. En effet, le (pré)nom est peu utilisé dans le quotidien, où l’on se sert des formules générales qui marquent les différences de génération, ou au sein de chaque génération, les différences d’âge (bang = aîné ; phaon = cadet). Le nom ne suit pas ces règles immuables : situé dans l’instabilité de l’univers magique, il est un élément stratégique parmi d’autres. Un individu peut en changer, par exemple s’il est poursuivi par la malchance. Les parents hésitent à fixer à l’avance le prénom d’un nouveau-né, car celui-ci doit être adapté à celui qui le reçoit : si l’enfant est fragile, on peut lui attribuer un nom anodin, voire méprisant, destiné à « tromper » les mauvais génies. A l’inverse, des signes particuliers pourront inciter les parents à retenir un nom prestigieux, qui appellera la réussite et la gloire c’est le cas de Thmenh Chhey (« chhey » = glorieux). Souvent, les parents n’osent pas choisir eux-mêmes et s’en remettent partiellement au hasard : ils prononcent un nom et un officiant jette une boule de coton contre la paroi de la maison ; si la boule reste accrochée, c’est ce nom qui sera choisi, sinon on recommence l’expérience. La faible importance de la notion de consanguinité apparaît dans le champ plutôt étroit des prohibitions liées à l’inceste.

La loi interdit les mariages jusqu’au quatrième degré en ligne directe, mais la pratique est plus tolérante (cf. supra la méconnaissance des liens de parenté). Au sein du village, l’endogamie est forte  276 et les voisins sont bien souvent des cousins. Dans ce contexte, on ne peut s’étonner de voir d’autres liens prendre une importance équivalente :

‘Les liens résultant de l’alliance ou de l’ordination religieuse sont souvent aussi forts que les liens de la parenté consanguine. Ils contribuent à faire de la famille cambodgienne une entité très large que vient encore accroître l’union amicale ou confraternelle cimentée entre individus au cours de certaines cérémonies. (AOM Paris Guernut Bc)’

Finalement, la famille conjugale, tout en étant un noyau solide, le lieu principal du travail et de la vie, ne se pose jamais comme une entité indépendante face aux autres familles, car l’autonomie de chacun des membres est érigée en principe fondamental dont la communauté tout entière contrôle le bon respect.

Notes
266.

Les paroles n’ont pas l’importance des actes.

267.

25 à 30 piastres en 1814 (Aymonier 1874, 34).

268.

Leclère (1890, 101-117) ou (1916, 533-554).

269.

En 1963, G. Martel (205-206) observe des pratiques plus variées : les couples s’installent parfois provisoirement dans l’une des maisons familiales et la résidence définitive et indifféremment patri ou matri-locale. L’obligation de résidence matrilocale ne s’impose de façon nette que pour l’époux de la fille cadette, qui prend en charge ses beaux-parents.

270.

La même punition est appliquée s’il injurie les membres de sa famille (parents, grands-parents, tante, frères et beaux-frères).

271.

Dans ce cas, la belle-mère n’avait fait que s’interposer pour empêcher le mari de battre sa femme. Ce geste de l’époux a été apprécié de façon piquante par un spectateur : « il bat sa charrue au lieu de battre ses bœufs ».

272.

L’homme qui tue sa femme en compagnie de son amant est acquitté. « Si son mari n’a pas aussi frappé et tué la femme, qui a pu s’enfuir, on le saisira pour l’offrir au roi et on le condamnera d’après sa faute » (Codes I, 240). Cet article montre bien que les Codes sont plus destinés aux juges qu’aux justiciables : le texte fournit ici un critère pour déterminer s’il s’agit ou non d’un crime passionnel.

273.

Les acquêts sont toujours partagés à l’avantage du mari : en cas de consentement mutuel, il en a les deux tiers.

274.

Je n’étudierai pas, faute de renseignements suffisants, la condition des filles, soumises à davantage d’obligations, vivant dans l’ombre de la maison et de leur mère.

275.

Cf. les bonnes remarques de M. Godelier (1973, 715) sur la flexibilité du système indifférencié.

276.

En 1963 Lovéa, le taux d’endogamie est de 66 %.