L'espace viticole savoyard

L'espace savoyard, espace de montagnes et de lacs, n'est pas marqué par une présence dominante de la vigne. Pour l'observateur superficiel, l'impression qui ressort d'un coup d'oeil rapide sur le paysage agricole est celle d'une polyculture omniprésente. De vastes étendues en herbe, bien délimitées par des haies ou des rangées de peupliers se trouvent associées à des céréales : blé, orge, avoine. Ce qui frappe le plus, c'est la présence du maïs, dans le fond des vallées savoyardes de l’Avant-Pays. Sa couleur verte et ses longues feuilles agitées par le vent donnent une impression de quasi monoculture.

Il faut plus d'attention et de perspicacité pour découvrir un vignoble réfugié sur les versants bien exposés ou sur un faux plat sur lequel la vigne s'est implantée au milieu d'éboulis calcaires. Il faut, alors quitter les grandes voies de communications qui empruntent les passages naturels et suivre les petites routes départementales ou vicinales à flanc de coteau pour découvrir les surfaces plantées en vignes. Grandes pièces rectangulaires au bas des côtes ou parcelles allongées donnant l'impression de monter à l'assaut des montagnes qui les surplombent. La vigne s'aventure jusqu'au pied des bois et des forêts où l'on peut , si l'on est attentif, assister au perpétuel combat que se livrent ces deux voisins antagonistes que sont l'arbre et le pied de vigne : parcelles abandonnées où seules la présence de piquets et la différence de couleur dans la végétation permettront de reconnaître la vigne abandonnée au voisinage des broussailles, ou au contraire, terrains défrichés, défoncés, dépierrés qui indiquent que le vigneron ne renonce pas et voit l'avenir avec sérénité.

Les coteaux chautagnards, le rebord occidental du mont du Chat surplombant le Haut-Rhône, le versant de la vallée de l'Isère entre Albertville et Montmélian, les versants orientaux de la Combe de Savoie qui font face aux éboulis viticoles du Mont Granier. C'est là, par excellence, le domaine du vignoble savoyard : au total vingt six communes 1 . La traversée d'un de ces villages atteste immédiatement la présence d'une activité agricole d'un haut niveau technique (enjambeurs, sulfateuses) orientée vers le commerce (palettes et bouteilles vides) et donc tournée vers le monde extérieur : panneaux invitant à la dégustation et à l'achat, habitat rénové ou villas récentes, locaux destinés à l'accueil de la clientèle. A certaines époques estivales, ces villages sont bleus du sulfate de traitement des vignes. Et surtout, on n'y trouve plus ces chemins couleur de bouses de vaches, et l'on n'y sent plus les odeurs de purin, s'échappant des êtables entrouvertes par une chaude après-midi d'été. On devine une société rurale différente, dynamique qui a su lutter pour développer ses chances de succès par une radicale remise en question de sa mentalité, de sa gestion, de son style de vie, plutôt que de végéter dans la routine engendrant un déclin agricole inexorable. On note une différence dans la réflexion de ces viticulteurs et vignerons, avec une mentalité héréditaire, une fierté et une raison d'être, une volonté de forcer les événements contraires. Ils tranchent sur l'ensemble des agriculteurs de la région. Tout cela concourt à justifier l'existence et la spécificité d'une ou plusieurs régions viticoles savoyardes, mais d'abord d'un ensemble viticole savoyard.

Notes
1.

- CHAUTAGNE : Motz, Serrières, Ruffieux, Chindrieux. - REBORD OCCIDENTAL DU MONT DU CHAT : Lucey, Jongieux, Billième, St Jean Chevelu, Yenne. - CLUSE DE CHAMBERY : St Alban Leysse, Barby, Challes, St Jeoire Prieuré, St Baldoph, Chignin, Myans, Apremont, Les Marches, Brison. - COMBE DE SAVOIE : Francin, Montmélian, Arbin, Cruet, St Jean la Porte, St Pierre d'Albigny, Fréterive.