La méthode et la finalité de l'enquête

Mais est-il logique et est-il souhaitable d'étudier le vignoble dans sa spécificité ? Il ne peut s'agir dans le cadre restreint d'un travail de troisième cycle, d'étudier la place de la viticulture dans l'agriculture du département de la Savoie. Nous avons voulu essayer d'envisager la place et l'évolution du fondement (le vignoble) d'une activité (la viticulture) et d'une production agricole spécifique (le vin) dans un cadre particulier : une région de moyenne montagne, dans ses relations avec l'espace et avec les hommes.

Nous avons adopté cette démarche globale, et donc ambiguë, parce qu'au terme de nos recherches, il nous apparaît que la vigne a toujours tenu, dans les communes concernées par un vignoble de qualité, une place particulière et ce depuis de nombreuses années, avant même la mutation contemporaine des campagnes. Le cadastre viticole, établi à la fin des années cinquante, illustre bien cette tendance. Mais ce n'est que dans la dernière décennie que la vigne a émergé et supplanté les autres formes d'activités agricoles et cela dans des terroirs nettement localisés. En s'adaptant aux exigences venues de l'extérieur, en s'efforçant de conquérir un débouché et par conséquent de devenir rentable, la vigne a contribué au maintien en ces lieux, d'une population agricole qu'elle a par ailleurs doté d'un revenu confortable et assuré.

C'est ainsi que l'on rejoint l'aménagement rural. Comment peut-on percevoir, au niveau communal, cette évolution ? Quels moyens existe-t-il d'évaluer le changement ? Quelles conclusions en tirer ?

Le vignoble et la viticulture savoyarde sont un exemple particulier à partir duquel, il doit être possible de mettre au point une méthode d'acquisition et de sélection des informations, ainsi que d'observation de l'espace rural en zone de moyenne montagne. Pour nous, le problème se pose en ces termes : quels ont été les moyens mis à la disposition des responsables de l'aménagement rural pour apprécier l'importance du vignoble et de la viticulture ? Y en a-t-il ? Dans une région où pendant très longtemps, l'élevage laitier a été la seule activité digne d'intérêt, a-t-on pris conscience assez tôt des chances que le vignoble représentait ? A-t-il été préservé, développé autant qu'il a été possible ?

Au moment où l'agriculture de montagne est un problème qui retient l'attention, la viticulture savoyarde a-t-elle été perçue comme un recours possible dans un espace qui se déruralise sous les influences combinées de l'urbanisation, de l'industrialisation et du tourisme ?

C'est dans cette perspective que se situe notre travail : arriver à déterminer un certain nombre de critères ou de paramètres qui permettraient une connaissance intime de la réalité viticole actuelle et aboutiraient à une réflexion solide sur l'avenir des régions concernées.

A l'intérieur de notre champ d'enquête, la viticulture est la seule activité agricole qui se soit maintenue. Si en 1960, dans bon nombre de communes étudiées, le vignoble n'était qu'une partie de l'occupation des paysans, c'était déjà la seule originale orientée, à travers la recherche d'un produit de qualité et des débouchés, vers un profit. Elle s'intégrait dans l'exploitation à la polyculture associée à l'élevage laitier, principal mode de production de l'époque.

Le vignoble savoyard : délimitation communale
Le vignoble savoyard : délimitation communale

Mais déjà la culture de la vigne émergeait dans un certain nombre d'exploitations ou de communes (la statistique de répartition des superficies plantées en 1960 nous le montrera) comme une culture spécialisée. Cette émergence avait valeur d'exemple et dans beaucoup de cas, elle a permis à certains agriculteurs de s'orienter rapidement vers une solution qui leur permettait de rester. C'est pourquoi l'étude du vignoble et de la viticulture, dans leur spécificité, se justifie en tant qu'élément décisif d'une mutation de l'agriculture basse savoyarde. Il nous faut en préciser les limites dans l'espace et dans le temps.