Nous avons limité notre recherche à l'espace départemental savoyard. En effet, nous avons laissé de côté le vignoble du département haut savoyard pour deux raisons essentielles. Dans le cadre d'un travail de troisième cycle, il était plus raisonnable de se limiter à un secteur précis plutôt que d'étendre nos recherches au-delà de nos possibilités d'investigations. D'autant que les obstacles de tous ordres ne manquaient pas ; un seul exemple : les statistiques détaillées du vignoble haut savoyard sont centralisées par la brigade de recherches et de vérifications de la Direction des Impôts du Département de l'Ain, et non par le service identique du département de la Savoie. D'autre part, le vignoble haut savoyard présente certaines différences, historiques, sociales, économiques avec celui de la Savoie. Si l'étude du vignoble et de la viticulture de la province SAVOIE reste à faire dans sa globalité spatiale et temporelle, elle dépasse à notre avis, les limites d'un travail de cette nature. Ne pas l 'avoir entrepris dans l'immédiat ne signifie pas que cette étude soit, pour nous sans intérêt.
Si toutes les communes ou presque du département ont eu à un moment ou à un autre des vignes, ce qui est remarquable et digne d'intérêt, seul un nombre limité d'entre elles ont une activité viticole importante : ce sont celles qui sont actuellement englobées dans le périmètre de l'aire d'appellation contrôlée définie par l'Institut National des Appellations d'Origine. Ces vingt-six communes comprises dans l'aire d'appellation "Vins de Savoie" ont été étudiées de manière quasi-exhaustive : dépouillement d'archives, de statistiques qu'il s'agisse de celle de l'ONIVIT (ex-I.V.C.C.) ou des Contributions Indirectes, vérification de cadastres, enquêtes en mairies, auprès des vignerons et des responsables viticoles. Pendant trois années entières, tous nos loisirs ont été consacrés à la connaissance de cette région.
La vigne est partout présente dans le paysage qu'elle a marqué de son empreinte : non seulement par la forme des parcelles étirées en lanières montant le long des coteaux ou de grandes pièces rectangulaires "tapissant" la pente , ou au contraire par les vestiges de champs abandonnés, mais aussi par ces celliers égrenés le long des versants, ou par ces bacs imprégnés du bleu si caractéristique de la bouillie bordelaise. Les hommes l'ont entretenue, en ont tiré un profit et pour le moins du plaisir. L'appellation actuelle a été accordée à partir des preuves d'antériorité du vignoble, ce qui est un facteur supplémentaire de précaution. Le vignoble existe depuis longtemps, son importance est prouvée et par conséquent l'existence d'une société vigneronne aussi 2 .
Mais ces vingt six communes ne constituent pas un bloc homogène dans l'espace savoyard. Bien au contraire, ce sont de petits ilôts individualisés :
Il s'agit là d'une localisation géographique du vignoble savoyard qui, si elle présente des avantages pour décrire les cadres naturels, ne peut nous servir pour cerner la réalité : en effet, ces régions viticoles recouvrent, au niveau communal, des réalités et des évolutions bien différentes. Nous aurons l'occasion de revenir sur cette notion de région viticole au cours de notre enquête.
En 1960, le vignoble savoyard s'étend sur 1.600 hectares ; c'est bien peu par comparaison aux vignobles beaujolais, bourguignons ou alsaciens. Mais, dans chaque commune la proportion de superficie plantée en vigne par rapport à la superficie agricole utilisée est toujours supérieure à 10%, sauf dans trois d'entre elles et est supérieure à 20% dans sept autres. Ce sont là, à l'échelle de notre département, des proportions non négligeables face aux autres types de culture. La place du vignoble dans chacune de ces communes et le poids viticole de chaque commune par rapport aux autres sont des constantes de notre démarche, et ce, afin d'aboutir à une classification géographique établie en fonction de critères propres à la vigne.
Rapport pour le classement en VAOC des Vins de Savoie présenté à l'INAo au nom du Syndicat des Vins de Savoie par A. GODDARD