Le traitement graphique de l’information

Par permutation des lignes et des colonnes, l'image peut se simplifier sans rien perdre de l'information originale. Cette propriété autorise les manipulations visuelles et fait de la graphique un système de traitement de l'information. L'image ainsi obtenue fait apparaître les relations essentielles contenues dans l'information. On garde ainsi la possibilité de s'intéresser aux données élémentaires ; mais leur intérêt devient secondaire et est moins important que l'ordre et la proportionnalité des groupes constitués. Si l'on retient un nombre, ce sera pour en parler et non plus pour comprendre.

Construire une représentation graphique consiste donc à transcrire chaque composante de l'information par une variable visuelle de telle façon que la construction soit conforme à l'image naturelle et que la lecture n'exige qu'un nombre minimal d'instants de perception. Toute recherche, toute décision procèdent de la délimitation d'un domaine informé, de la réduction de ce domaine et de la comparaison à un domaine plus vaste. Délimiter un domaine, retenir ou inventer des concepts est une tache qui relève des choix personnels. Toute réflexion est une réduction qui devient logique lorsqu'on définit au préalable les ensembles c'est à dire lorsqu'on construit un système monosémique. Un traitement graphique aboutit à la découverte de groupements moins longs et moins nombreux que l'information initiale . Le traitement graphique procède par simplification de l'image. En offrant le moyen de voir à la fois l'ensemble et tous les sous-ensembles qu'elle engendre, l'image permet de prendre une décision fondée sur des groupements naturels et sur l'information élémentaire dans toute son exhaustivité. La transcription de l'information sur une carte fournit une base de référence constante et permet de situer sur un plan géographique les résultats ainsi obtenus .

Comment représenter l'information pour éviter les erreurs d'interprétation qui nuiraient à la prise de décision ? La carte habituelle, carte à lire, ne permet la réponse qu'à une question : quel caractère existe-t-il à tel endroit ? la carte à un seul caractère, préconisé par J. BERTIN, est une carte à voir. La collection de cartes permet de répondre à deux questions : quelle est la distribution d'un caractère ? Quels sont les caractères qui ont une même distribution ? Pour prendre un exemple dans notre champs d'étude : Quelle est la structure des exploitations à Chindrieux ? est une question du premier type. Quelles sont les communes où la petite exploitation domine ? est une question du deuxième type.

A titre d'exemple nous présenterons succintement un cas concret de traitement de l'information à partir de l'étude des exploitations viticoles de Chindrieux en 1978.

Cette commune comptait 101 exploitations viticoles recensée en mairie et dans les fichiers de la cave coopérative de Chautagne.

L'information recueillie concerne les données suivantes :

  • la superficie de l'exploitation
  • l'âge de l'exploitation et le nombre de parcelles qui la compose
  • l'âge de l'exploitant ainsi que son statut d'activité et son appartenance ou non au secteur coopératif viticole.

Nous avons dressé un tableau de données de 101 lignes et 5 colonnes qui rassemble l'information obtenue. En appliquant les règles de transcription graphique de J. BERTIN nous sommes arrivés à l'élaboration d'un fichier image ou plus exactement un fichier matrice représentant l'information dans son exhaustivité. Chaque signe avait une signification , de gauche à droite on lit l'âge de l'exploitant, l'âge du vignoble, la superficie d'exploitation, le nombre de parcelles, le statut d'activité (simple ou double-actif), le statut économique (indépendant ou coopérateur),

La construction est faite à l'intérieur d'un plan délimité par des axes X et Y. La variation de taches est renforcée en ne cochant pour les trois premières catégories que les écarts supérieurs à la moyenne communale. Les deux dernières variables sont construites sur un mode binaire, présence ou absence, le blanc et le noir sont donc tous les deux représentatifs d'un état.

Après permutation des lignes, on est arrivé à la constitution d'une image qui montre les relations existant entre les différentes variables. Un classement selon l'âge croissant des vignerons en corrélation avec l'âge de la vigne et la superficie des exploitations permet de dégager quelques grands traits :

  • l'importance des vignerons âgés
  • l'importance des exploitations âgées
  • le petit nombre d'exploitations dont la superficie est supérieure à la moyenne
  • la répartition à peu près équilibrée entre simple et double-actifs d'une part coopérateurs et indépendants d'autre part.

Il y a autant de vignerons indépendants chez les agriculteurs à temps plein que chez les double-actifs. Mais il y a plus de coopérateurs' chez les premiers que chez les seconds. Les grandes exploitations appartiennent en général à des vignerons plus jeunes que l'ensemble. Elles se répartissent en deux groupes qui déterminent la structure de l'image :

  • le premier correspond aux vignerons et aux exploitations jeunes
  • le second correspond aux vignerons âgés et à des exploitations dont l'âge est supérieure à la moyenne.

Entre ces deux groupes on assiste à une répartition dégessive de la superficie. On note alors que l'âge de la vigne augmente au fur et à mesure que la superficie diminue.

L'exemple de traitement graphique de l'information que nous venons d'évoquer brièvement, permet de voir quelle est la situation de la viticulture dans une commune à travers l'étude de ses principaux fondements démographiques, agraires, économiques et sociaux. Il est ainsi possible d'en tirer une conclusion quant à l'avenir de la viticulture au niveau communal. Notons que cet exemple ne débouche pas sur une présentation cartographique : la nature de l'information ne se prêtant pas à la recherche de la distribution d'un caractère dominant.

Tout au long de notre démarche nous avons essayé de respecter la logique du traitement graphique et cartographique de l'information. Notre but était d'étudier les principaux caractères qui définissent le vignoble pour déterminer ensuite ceux dont la distribution pouvaient avoir un caractère de causalité ou d'incidence : double activité et petites exploitations par exemple.

Nous venons de présenter les grands axes de notre démarche méthodologique. Ils peuvent paraitre banals, tant l'expression de la réalité exposée correctement est marquée du sceau de l'évidence. Mais il faut se méfier des évidences trop connues et jamais démontrées, ni démontées. C'est la plus grande leçon que nous avons tiré de ce travail de recherche.