La pente

La pente est un élément fondamental du vignoble savoyard. Si. l'on excepte les éboulis de Myans qui s'étendent largement au pied du Mont Granier avec une faible amplitude et qui s'apparentent presque à un plateau, partout ailleurs les coteaux ont une pente dont la valeur est rarement inférieure à 20% et qui se situe plus souvent aux alentours de 30 à 40%. Le bas du talus est situé aux environs de 250 mètres d'altitude et la limite supérieure des terres cultivables dépasse rarement 500 mètres. L'étroitesse de la bande de cultures est frappante : rarement plus de 1.000 mètres ce qui est un maximum. On trouve des pentes affectées d'une valeur de 40% à Chignin (Torméry, Mont Levin) sur le coteau de Marestel à Jongieux, 50% à Arbin (Mérande, Lourdens).

On imagine sans peine les difficultés rencontrées par le vigneron dans son travail et les conséquences qui ont pu peser sur la mécanisation du vignoble à cause des conditions naturelles. Au delà de 500 mètres, la pente se redresse avec les couches dures de l'urgonien et du rauracien qui portent des forêts de châtaigniers ou de merisiers embroussaillés, lignes sombres qui semblent limiter fermement l'avancée du vignoble (Chignin, Apremont, Saint Pierre, Jongieux). La netteté brutale de cette ligne, limite supérieure du vignoble, est la preuve d'une reconquête ou d'un maintien très dynamique de la viticulture. Aucune place n'est perdue, on a reculé les cultures jusqu'aux limites des possibilités techniques : enjambeurs, treuils...

On note la remise en état d'espaces viticoles abandonnés et complètement embroussaillés : terres retournées, prêtes à la replantation, piquets de châtaigners neufs, sont autant de signes prouvant que la dynamique viticole savoyarde est bien réelle. Mais hélas, ces impressions optimistes ne se retrouvent pas partout : sur certains coteaux, au contraire, cette limite supérieure des cultures est nettement moins bien délimitée et on voit la forêt grignoter petit à petit la zone cultivée ; la coupure n'est pas brutale et c'est une interpénétration progressive du saltus et de l'ager avec une envahissement de parcelles supérieures qui d'abord abandonnées, s'embroussaillent lentement d'abord, puis de plus en plus vite ; cette zone non entretenue, inculte, nuit aux cultures avoisinantes (présence d'oiseaux) ; ainsi, la zone cultivée va rétrécir et se tenir à une distance très proche des lieux d'habitation. Ou encore, comme en Chautagne, les parcelles de vignes sont "mitées" par des constructions récentes, souvent des résidences secondaires qui petit à petit sont reliées entre elles par un réseau viaire inexistant auparavant. Le parcellaire se modifie insensiblement, et le coteau viticole réputé devient un lieu de résidences luxueuses, dominant la vallée et profitant au maximum de l'ensoleillement et de la vue sur le lac du Bourget (par exemple : la colline des Pillouds, le coteau de Champfleury à Chindrieux).

En moins d'un siècle, le finage s'est rétréci, la limite supérieure de la vigne est descendue avec la disparition du travail manuel et d'une main d'oeuvre abondante. Dans le fond des vallées comblées d'alluvions modernes, la vigne disparait au profit d'autres cultures plus traditionnelles : céréales, prairies, pommes de terre ; quelques-unes plus spécialisées apparaissent dans le paysage savoyard : le maïs en Chautagne et dans la vallée de l'Isère, le tabac en Grésivaudan avec quelques ramifications en Combe de Savoie. Ces cultures-là ne sont pas vraiment en concurrence avec la vigne, les terroirs n'étant pas les mêmes et les hommes non plus.

Rares sont les communes où le vignoble est exclusif : ce sont celles où le terroir viticole correspond au territoire communal : Les Marches, Myans, Apremont.

Dans les autres communes du vignoble savoyard, la polyculture traditionnelle qui occupait une certaine place dans le parcellaire, recule devant la vigne en expansion : Jongieux, Chignin. Ailleurs, la vigne recule devant d'autres modes d'occupation du sol : Chindrieux, Ruffieux, St Alban.