La Cluse de Chambéry

C'est un large couloir, séparant les Bauges de la Grande Chartreuse, orienté NO-SE, d'une largeur de 4 à 5 Km. Le fond est une plaine généralement plane ; son attitude va en augmentant du nord au sud jusqu'au verrou de St Jeoire, puis elle diminue à nouveau jusqu'au confluent de la vallée de l'Isère. Elle est formée par un ensemble de vallonnements peu prononcés, avec une importante moraine de fond. Le vignoble est établi sur les basses pentes de ces bordures à l'est et à l'ouest.

Les pentes et le vignoble dans la cluse de Chambéry et la Combe de Savoie
Les pentes et le vignoble dans la cluse de Chambéry et la Combe de Savoie

A l'ouest, sur les pentes du Mont Granier, le paysage est différent, tant du point de vue de la pente et de l'exposition, que de la structure. En 1248, un pan entier de la montagne s'est écroulé et a recouvert le territoire qui correspond aux communes de Myans, Les Marches, Apremont. Ces éboulis de marnes et de calcaires se sont largement étalés.

Des hameaux de la Cha ou de Marie Branche à l'ouest, à Séloge et Myans à l'est et de Champlong au sud-est à Ronjoux et Charcusard au nord-ouest, s'étend un piédmont cahotique, en pente douce, parsemé d'étangs et de lacs (St André).

La spécialisation viticole est apparue, ici, très tôt, dès le XVIIle siècle  10 , sur un terrain où aucune autre culture ne pouvait être entreprise. Des pierriers immenses témoignent de l'intense activité humaine nécessaire à la création de ce vignoble dont les noms sont les plus connus de Savoie : Abymes de Myans, Apremont, à tel point que pendant très longtemps, les vins de Savoie étaient purement et simplement assimilés au vignoble du Mont Granier  11 .

La configuration du relief, crée des expositions variées, qui influent sur les précipitations et les températures.

Les précipitations moyennes sont inférieures aux régions avoisinantes élevées et plus arrosées. L'altitude basse et l'exposition à l'abri des précipitations océaniques expliquent cette caractéristique. Challes-les-Eaux reçoit 1146 mm par an en moyenne entre 1959 et 1968. Chignin reçoit 1141 mm  12 . Les années les moins pluvieuses donnent des vins de bonne qualité, car les sols sont moins détrempés et l'ensoleillement moins limité. Mais la répartition annuelle des précipitations est fondamentale. Le type moyen serait de deux minima en avril et en octobre et deux maxima en juin et en août avec un total de 650 mm durant la période végétative contre 1108 pour toute l'année. Un régime très favorable à la vigne n'atteindrait pas 650 mm, un régime médiocre le dépasserait  13 .

La pente et la vigne dans la cluse de Chambéry
La pente et la vigne dans la cluse de Chambéry

Pour être favorable à la vigne, une température de 8 à 10° est nécessaire au démarrage de la végétation. Mais la chaleur ne doit pas venir trop tard, ni s'en aller trop tôt. La période végétative doit s'étendre d'avril à fin octobre. Les coteaux et les pentes bien exposés sont plus favorisés que le fond de la cluse. La durée et l'intensité de l'insolation, la rareté des brouillards et des gelées de printemps, dues à la circulation des vents, autant de facteurs qui, comme en Chautagne, favorisent la présence de la vigne sur les coteaux et les pentes de la Cluse, que l'on peut opposer au fond de la vallée.

II faut souligner le rapport entre la pente et les rayons du soleil. A cause de la pente, ils sont perpendiculaires au sol et la chaleur pénètre beaucoup plus profondément. La quantité de chaleur est donc beaucoup plus élevée sur une pente qu'en plaine. Les pentes de la Cluse présentent deux expositions principales :

Les expositions secondaires résultent des variations de détails de la topographie. L'exposition Sud-Ouest - Nord-Est des communes, situées au pied du Mont Granier n'est pas un handicap. En effet, la montagne n'est pas un obstacle aux rayons du soleil, notamment dans la période chaude à jours longs. Le soleil réchauffe les pentes dès le lever du jour, car la Combe de Savoie est dans l'axe des coteaux et le soir, les rayons du couchant viennent éclairer encore et d'un même feu, les pentes de Chignin et celles d'Apremont. Ainsi le vignoble situé sur les pentes du Mont Granier et un des plus ensoleillé de la Cluse.

La limite inférieure de la zone viticole se situe vers 300 mètres. Elle correspond à la limite directe atteinte par les brouillards d'automne et de printemps. C'est aussi celle du gel de printemps au delà de laquelle, la culture de la vigne n'est guère possible. La limite supérieure est imposée par la dminution des températures moyennes et la raideur de la pente.

Leur composition est sensiblement homogène le long du talus bouju. Les matériaux proviennent de la désagrégation ou de l'effritement des roches qui forment le versant de la montagne et appartiennent à différents étages géologiques : Jurassique supérieur , Crétacé inférieur. Ils sont composés d'éléments de grosseurs différentes, éboulis très remaniés, triturés donnant un sol argilo-calcaire pierreux qui laisse passer l'air et l'eau. Ces terres sont riches en calcaire dont la teneur augmente du bas de la pente vers le sommet.

Ce sont les sols de Myans issus de l'éboulement du Granier. C'est une association de roches calcaires (Urgonien) et marnocalcaires (Valanginien et Hauterivien). Ce sont des terrains riches en calcaire et en argile.

Les caractères communs des différents sols viticoles apparaissent nettement : les meilleurs sont perméables et s'échauffent rapidement. La perméabilité est favorisée par la présence de sables.

Tout concourt dans les conditions pédologiques, climatiques à faire de ces régions des terroirs viticoles privilégiés. La densité d'un habitat semi dispersé avec seulement un ou deux hameaux plus importants montre que ces terres sont nourricières. Les plus grosses communes viticoles sont ici : Chignin, Apremont, Les Marches. Ce qui est le plus frappant c'est l'ampleur territoriale de ce vignoble. On entend souvent dire que les vignerons ont déplacé les pierres pour y planter des ceps : tout dans le paysage prouve ce dynamisme. Et certains jours de printemps, la vision de ces vignes qui commencent à bourgeonner, dominées par la masse trapue du Granier enneigé est empreinte d'une certaine grandeur, illustrant bien l'apreté du combat mené par le vigneron.

Notes
10.

F. GEX : la vigne dans la Combe de Savoie, R.G.A. 1943

11.

M. ENJALBERT : Histoire de la vigne et du vin, Bordas 1975

12.

Carte de la végétation des Alpes - Montmélian - DCV. Alpes IX 1971

13.

DARDIE (J) : La vigne dans la Cluse de Chambéry