La rive droite de l'Isère

De Montmélian à Fréterive, sur vingt-cinq kilomètres de long, s'étend le plus important des vignobles savoyards. D'orientation Nord-Est - Sud-Ouest, il est adossé au rebord escarpé du massif préalpin des Bauges qui surplombe la vallée de l'Isère. La côte est exposée au Sud-Est et présente les caractéristiques type d'un adret. Les principales communes viticoles sont Francin, Montmélian, Arbin, Cruet et St Jean de la Porte, St Pierre d'Albigny et Fréterive. Le coteau n'est pas uniformément rectiligne et a plutôt la forme d'un accent circonflexe dont la pointe serait située au-dessus de St Pierre d'Albigny. Assez étroit entre Francin et Arbin, au point de jonction de la Combe de Savoie et de la Cluse de Chambéry, il s'élargit sensiblement à partir de Cruet pour atteindre son maximum d'amplitude sur la commune de St Pierre d'Albigny où il s'étale sur un cône de déjection de deux kilomètres de large.

A Montmélian, la falaise forme un escarpement montrant à sa base les calcaires marneux à chaux hydraulique, puis les étages de calcaires plus durs du Rauracien, du Séquanien, du Kimméridgien et du Portlandien. Les vignobles sont situés sur les éboulis et les cônes de déjection. L'action des eaux de ruissellement a dissous les carbonates de chaux et laissé un résidu argilosiliceux, où les eaux en s'infiltrant ont laissé déposer le calcaire en cimentant le gravier des groises et en formant des boudins de cailloux agglomérés supportant un sol peu profond et riche en calcaires.

C'est au sommet des éboulis que l'on trouve les sols les plus calcaires, à mesure que la pente diminue, l'épaisseur de la terre arable augmente. Les vignes actuelles occupent les pentes situées entre 300 et 550 mètres.

Les mêmes conditions géologiques et pédologiques se retrouvent à Cruet, St Jean et St Pierre. Des analyses détaillées des sols de la région ont été effectuées : en voici un exemple provenant du coteau de Cruet et prélevé sur les éboulis calcaires du jurassique supérieur  14 .

Ceci prouve que ces sols assez caillouteux et graveleux ont une terre fine argilo-calcaire d'une richesse en azote et en potasse suffisante.

Un manque d'azote entraîne la coulure, l'acide phosphorique assure le développement des racines et des bois. La potasse accentue la résistance à la gelée et à la sécheresse. Actuellement, pour un rendement de 80 hectolitres à l'hectare, les quantités prélevées sont en moyenne  15 :

C'est assez dire l'importance des analyses pédologiques, physiques ou chimiques et des amendements nécessaires pour corriger les insuffisances naturelles. Actuellement la fertilisation de la vigne se fait à partir de la fumure de plantation et de la fumure annuelle. La fumure de plantation se compose d'une fumure organique : 60 à 80 tonnes de fumure à l'hectare enfouie par le labour de défoncement et d'une fumure organique par l'utilisation des scories qui permet de constituer des réserves aux moindres frais.

La fumure annuelle constitue la fumure de production. La formule la plus couramment employée est celle qui apporte à l'hectare  16 :

Là encore, les signes d'un renouveau apparaissent nettement à la lecture du paysage sur des versants bien dégagés. De grandes tâches claires indiquent les parcelles replantées et fixent l'attention de l'observateur. Si la jonction est bien faite entre les terrains de Chignin et Arbin-Cruet, les pentes qui entourent et dominent St Jean de la Porte sont hétérogènes : les parcelles à l'abandon voisinent avec les plantations récentes. Par contre, à Fréterive, on perçoit bien la transformation de l'espace, menée de façon méthodique, attestant l'importance prise par la vigne sur les autres cultures.

Ainsi ces différentes régions ont en commun un certain nombre de caractères physiques : les sols, la pente, l'exposition, les précipitations, les températures, qui les individualisent par rapport aux régions avoisinantes de l'Avant-Pays Savoyard. La conjonction de ces caractères crée des conditions favorables à la présence et au développement d'une culture originale dans ces régions de moyenne montagne : la vigne. Celle-ci a donné naissance ou a favorisé l'apparition de groupes humains aux mentalités et aux réactions caractéristiques face à l'utilisation de l’espace.

Nous allons tenter de préciser l'originalité de cet ensemble viticole, en étudiant les caractères spécifiques du vignoble et de la viticulture dans l'espace savoyard.

Notes
14.

HOLLANDE ET PERRIER DE LA BATHIE.: Analyses des sols viticoles de la Savoie - Rapport au Conseil Général de la Savoie - Chambéry 1905

15.

Chiffres communiqués par le Syndicat des Vins de Savoie

16.

Chiffres communiqués par le Syndicat des Vins de Savoie.