La structure des exploitations viticoles

L'étude de la structure des exploitations est entreprise à partir de la répartition du nombre d'exploitations par catégorie, mais aussi en fonction de la superficie totale occupée par chaque catégorie d'exploitation.

En effet, le nombre relatif des exploitations de tailles différentes, met en évidence les problèmes d'ordre démographique, mais c'est la superficie plus ou moins grande qui exprime le mieux le poids économique ou social de telle ou telle catégorie.

La répartition des exploitations en fonction de leur superficie et la répartition de la superficie en fonction de la taille des exploitations, font apparaître une structure du vignoble très diversifiée allant d'un extrême à l'autre selon les communes. A Montmélian, 78% des exploitations ont moins de 25 ares et 22% de 25 à 99 ares. A Jongieux, 16% des exploitations ont une superficie inférieure à 25 ares et 52% une superficie supérieure à un hectare. Il faut noter dans le même temps, qu'à Montmélian, les petites exploitations recouvrent 45% de la superficie alors qu'à Jongieux elles ne représentent que 1,4% de la superficie et les grandes 68%. Si l'on s'en tient aux classes de tailles proposées par le Cadastre Viticole, on peut regrouper les communes en trois types :

  • Les communes où les petites exploitations dominent largement

Dans ce groupe, les exploitations dont la superficie est inférieure à 25 ares représentent toujours plus de 50% du total des exploitations, pendant que celles dépassant l'hectare sont inexistantes. Cette proportion de petites exploitations est toujours supérieure à la moyenne du vignoble savoyard  19 .

Répartition des exploitations et de la superficie plantée en vigne en fonction de la taille des exploitations
Répartition des exploitations et de la superficie plantée en vigne en fonction de la taille des exploitations

Source : Cadastre Viticole

La superficie occupée par ces exploitations ne représente qu'une faible partie du total communal. En effet, si l'on excepte Montmélian, St Pierre d'Albigny, Barby (respectivement 46, 34 et 31%), cette superficie ne dépasse pas le quart de l'ensemble du finage. La majeure partie est représentée par les exploitations moyennes qui avec le tiers du total, regroupent toujours plus de la moitié de la superficie : entre 60 et 70%. Ce groupe de communes comprend : Montmélian, St Pierre d'Albigny, Barby, St Al ban Leysse, Challes, St Jean de la Porte, Lucey, Francin, Brison, Serrières et Cruet. La superficie occupée par les petites et moyennes exploitations y est toujours supérieure à la moyenne du vignoble.

Mais, il ne faut pas négliger les nuances que la tendance générale pourrait masquer. C'est aussi dans ce groupe que l'on trouve les plus forts pourcentages de superficie occupée par des moyennes exploitations, à l'exception de St Baldoph, Ruffieux et Fréterive. Et à Lucey, la superficie occupée par les grandes exploitations est à peine inférieure à celle des petites, alors qu'à Cruet la proportion est de 26% et 17%.

Les quatre premières communes de ce groupe ont un caractère urbain assez prononcé, ce qui suffit à expliquer l'absence de structures d'exploitations importantes, l'agriculture et surtout la viticulture n'existant plus qu'à l'état de survivance. Francin n'est pas une commune où la vigne tient une place importante, à cause de sa situation : le territoire de la commune s'étend en majeure partie dans la plaine de l'Isère. Seules les communes de Lucey, Brison, Serrières et Cruet ont une structure agraire remarquable de petites et moyennes exploitations.

  • Un deuxième type regroupe les communes où seule la part des exploitations comprises entre 25 et 99 ares est supérieure à la moyenne du vignoble. Les petites exploitations diminuent, mais l'importance des grandes est irrégulière. Chindrieux, Ruffieux, Yenne, Fréterive, Motz et St Baldoph constituent cette entité moyenne. L'examen des superficies fait ressortir quelques différences de répartition tout à fait minimes. On retrouve dans un ordre différent : Motz, Chindrieux, St Jean de Chevelu, Yenne, St Baldoph, Ruffreux et Fréterlve. Exceptée celle-ci dans les autres communes, la superficie plantée en vignes dans des exploitations de 25 à 99 ares est supérieure à la moyenne du vignoble. St Jean de Chevelu est venu s'intercaler dans ce groupe dont il diffère à peine dans la répartition des exploitations. La part de la superficie des petites exploitations est encore importante à Chindrieux, Yenne et Ruffieux alors que celle des grandes approche de la moyenne à Motz et St Jean. Cette structure agraire et foncière atteste l'importance de la vigne notamment dans les communes de la rive gauche du Rhône, Chautagne et Canton de Yenne, où la polyculture associée à l'élevage et à la vigne domine, mais où cette dernière favorisée par d'excellentes conditions naturelles et ampélographiques est une culture très ancienne.
  • Un troisième type rassemble toutes les communes où la part des grandes exploitations est supérieure à la moyenne du vignoble savoyard : St Jean de Chevelu, Myans, Les Marches, St Jeoire prieuré, Apremont, Billième, Chignin et Jongieux. Les deux premières communes assemblent une part importante de moyennes exploitations et un taux de grandes inférieur à 20%. Dans toutes les autres, la grande exploitation domine aussi bien par le nombre que par la superficie. Ce sont les vignobles des pentes du Mont Granier et de la Cluse de Chambëry ainsi que les coteaux de Billième et de Jongieux. Dans tous les cas, sauf à St Jean de Chevelu, les exploitations supérieures à un hectare représentent plus de 50% de la superficie plantée en vigne. On entre dans le domaine de la spécialisation ; la vigne est considérée comme une culture spécifique qui retient tous les soins de l'agriculteur et qui est destinée à être commercialisée : plus de 80% des exploitations de ces communes déclarent livrer du vin à la vente.

Si la petite exploitation domine en chiffres absolus et caractérise la structure agraire du vignoble savoyard, la part qu'elle occupe dans la répartition de la superficie totale plantée en vignes est restreinte. On peut dire que la majeure partie du vignoble est composée de moyennes et de grandes exploitations.

On retrouve dans l'examen de la spécialisation commerciale des communes, la même classification. Un groupe de communes où la part des exploitations qui commercialisent leur produit varie de 60 à 100% et représente au moins 80% de la superficie totale, s'oppose à un deuxième groupe où la proportion des exploitations livrant du vin à la vente varie entre 10 et 45% et représente de 15 à 60% de la superficie. Une part importante du vignoble, plus de la moitié est orientée vers la vente. Ceci permet d'apprécier la place qui est accordée à la vigne ; il ne peut s'agir que d'indications car si l'exploitant n'est pas tenu de se conformer à sa déclaration, la déclaration en elle même est révélatrice.

Deux communes (Motz et Arbin) ont la totalité de leurs exploitations déclarées comme commercialisant leur production, tandis que dans dix autres (Yenne, Frèterive, Ruffieux, Apremont, Chignin, Les Marches, Jongieux, Billième, Myans et St Jeoire), ce sont plus de 80% qui le déclarent. Le reste est réparti entre un petit groupe qui totalise plus de 40% d'exploitations commerciales et un autre qui varie de 38% à 10%. Mais hormis St Pierre d'Albigny et Barby, toutes ont plus de la moitié de leur superficie qui produit une récolte susceptible d'être commercialisée. On retrouve là une certaine concordance avec la répartition des communes, selon la structuration des exploitations.

Mais que sont ces exploitations viticoles ? D'où sont-elles issues ? Il est évident que ce ne sont pas des exploitations pratiquant une monoculture ; il s'agit d'unités agricoles relativement importantes associant d'autres cultures à celles de la vigne. La comparaison entre la répartition des exploitations en fonction de leur superficie en vigne et la répartition de la vigne selon la taille S.A.U. des exploitations agricoles est déterminante. Cette étude n'est pas possible au niveau communal car les points de comparaison n'existent pas, de façon continue et régulière ; les recensements de l'agriculture de 1955 et de 1970 ne fournissent pas non plus de données communales, mais indiquent pour chaque région agricole les répartitions de la S.A.U. par catégorie de culture selon la taille des exploitations. Cette source est peu précise, car des différences existent entre les communes viticoles et la région agricole à laquelle elles appartiennent, néanmoins elle suggère un ordre de grandeur pour apprécier la réalité.

Répartition de la surface en vigne selon la taille S.A.U. des exploitations par région agricole (en %)
Répartition de la surface en vigne selon la taille S.A.U. des exploitations par région agricole (en %)

Source : R.G.A. 1970

Répartition de la S.A.U. totale selon la taille des exploitations par région agricole (en %)
Répartition de la S.A.U. totale selon la taille des exploitations par région agricole (en %)

Source : RGA 1970

Répartition de la S.A.U.
Répartition de la S.A.U.

Source : Enquête communautaire C.E.E. 1967 – unité : ha

En 1967, une enquête communautaire sur la structure des exploitations s'est déroulée, par sondage, en Savoie ; les quatre communes de Chautagne (Chindrieux, Motz, Serrières et Ruffieux) ont été étudiées de manière exhaustive. Nous nous sommes appuyés sur cette étude pour connaître la réalité de plus près et affiner les chiffres fournis par le recensement de l'agriculture de 1970.

En 1967, à Chindrieux, 90% des exploitations viticoles ont une superficie inférieure à un hectare et 8,8% en possèdent plus d'un hectare. Or seulement 1% des exploitations agricoles a une superficie inférieure à cette barre de un hectare, alors que 56% ont une superficie comprise entre 2 et 5 hectares et 22% en ont plus de 10 hectares. Le quart de la superficie plantée en vigne est compris dans des exploitations de moins de cinq hectares et 70% entre cinq et vingt hectares. On pourrait répéter ces chiffres pour les autres communes, ils indiquent la même tendance : peu d'exploitations viticoles, même les plus petites sont des unités spécialisées ; elles ne sont qu'une partie d'exploitations pratiquant une polyculture semblable à celle de la région.

La même tendance est perceptible à travers les données du recensement de 1970. En Chautagne, seulement 8% de la superficie en vigne est comprise dans des exploitations de moins d'un hectare, alors que 59% sont englobés dans des exploitations comprises entre 5 et 20 hectares. Pour la région de la Combe de Savoie, les proportions sont sensiblement les mêmes, avec une part plus grande de vignes comprise dans des exploitations de plus de 10 hectares ; il en est de même pour la Cluse de Chambéry. Par contre, la réalité est un peu différente dans la région des quatre cantons : la part des petites exploitations inférieures à cinq hectares est nettement moins importante et inversement les grandes exploitations de plus de 20 hectares sont plus représentées.

Deux raisons à cette situation : dans les communes de Billième, Jongieux, St Jean de Chevelu, les exploitations viticoles sont plus importantes que dans les autres communes du vignoble et en même temps les exploitations agricoles sont d'une taille moyenne supérieure dans la région des Quatre Cantons par rapport aux autres régions qui nous intéressent.

Répartition de la S.A.U. selon les différents types de cultures en %
Répartition de la S.A.U. selon les différents types de cultures en %

Source : RGA 1955, RGA 1970

Utilisation du sol
Utilisation du sol

Sources : S.D.A.U. de Chambéry, R.G.A. 1955-1970

Ainsi, on voit que les exploitations viticoles qui constituent le vignoble savoyard sont intégrées dans des ensembles agricoles plus vastes. Il faut noter, que dans ces communes, la part des autres activités agricoles ou des autres façons culturales est moins importante : élevage laitier, surface toujours en herbe, céréales. Dans cette région de polyculture la place de la vigne est remarquable par son importance non négligeable (part de la vigne dans le revenu de l'agriculture) et aussi par le revenu qu'elle apporte à la superficie ou à temps de travail égal. Surtout face au déclin de l'agriculture et à la concentration de certaines activités  20 , la vigne va continuer d'offrir une source de revenus qui va aller croissant, stimulée par un marché en expansion continue. Pour un certain nombre d'agriculteurs à temps plein ou à temps partiel, la viticulture sera le seul moyen de rester sur place.

Notes
19.

Nous conviendrons d'appeler désormais sous ce vocable les communes étudiées.

20.

Les fruitières coopératives disparaissent les unes après les autres absorbées par des sociétés privées en pleine expansion, les marchés de fromages s'écroulent sous la concurrence française ou étrangère.