L'encépagement du vignoble

L'examen des caractères ampélographiques des communes qui composent le vignoble savoyard va nous permettre d'établir une classification qualitative en fonction des aptitudes naturelles, des antériorités et aussi des coutumes locales.

Tout d'abord, le vignoble se partage en deux groupes : les communes dont le vignoble est composé de plus de 80% de vinifera et celles dont le vignoble en comprend au maximum 60%. Barby, Challes, Le Bourget, Yenne, Montmélian, Francin, Fréterive, Lucey, St Pierre d'Albigny constituent ce second groupe. Dans ces communes, la forte présence d'hybrides révèle une motivation moins grande pour la culture de la vigne qui peut s'expliquer, soit par une moins bonne disposition naturelle, soit par le poids plus grand d'autres activités agricoles, soit par d'autres facteurs exogènes (urbanisation, tourisme).

Mais l'examen de l'encépagement communal doit être approfondi ; en effet, si la plus ou moins grande partie d'hybrides dans le vignoble n'est pas négligeable, des nuances doivent être introduites, notamment par l'étude de la superficie occupée par les cépages nobles. Il s'agit des cépages autorisés et recommandés par la législation en vigueur à cette époque, et concernant la production des Vins de Qualité Supérieure. On note ainsi qu'à Billième, le vignoble peut être composé de 96,5% de viniféra et ne posséder que 43% de cépages nobles qui se répartissent ainsi : Altesse et Aligoté : 10%, Jacquère : 19,5%, Gamay : 4%, Mondeuse : 9,4% ; avec quinze hectares plantés en "Corbeau", plant direct local , soit 52% ; Jongieux fournit un autre exemple de même nature : 90% du vignoble est planté en vinifera et seulement 63% en cépages nobles. On peut relever que les communes qui ont plus de 60% de leur vignoble inclus dans l'aire de production V.D.Q.S. ont toujours plus de 80% de leur superficie plantée en viniféra. Mais la part des cépages nobles varie par rapport à la superficie totale de 85% à Apremont à 63% à Jongieux et même à 43% à Billième. En 1960, la qualité de l'encépagement savoyard est loin d'être homogène, ce qui se confirme à l'examen des grands groupes de cépages.

La vigne ne fournit pas un seul et même produit dans toute l'aire d'appellation et chaque commune a un terroir plus ou moins spécialisé dans un produit ou un groupe de produits. Cinq catégories ont été retenues qui forment trois grands ensembles : vins blancs, vins rouges et vins de consommation courante.

Répartition de l'encépagement communal 1960 en %
Répartition de l'encépagement communal 1960 en %

En procédant à une classification des communes selon l'importance comparée des différents types rapportés à la moyenne du groupe, on constate à travers l'apparition de types, une certaine complémentarité de spécialisation.

Dans toutes les communes viticoles, la Jacquère est présente. On ne trouve jamais moins de 10% de ce cépage dans le vignoble savoyard et la superficie moyenne plantée en Jacquère est égale à 46% de la superficie totale. Une typologie des communes se dégage :

Ruffieux et Serrières partagent, comme Chindrieux, leur territoire entre Gamay et Mondeuse. Et l'on constate pour ces trois communes une relation inversement proportionnelle entre la superficie plantée en Gamay et celle plantée en Mondeuse, soit respectivement pour Chindrieux, Ruffieux et Serriëres : 20,6 et 16%, 21 et 24%, 16 et 27%. Ce qui nous amène au dernier groupe.

Notons que c'est dans les sept communes où un cépage domine de façon quasi exclusive le vignoble : Apremont. Myans, Les Marches, Chignin, St Jeoire Prieuré, Jongieux et Arbin que se trouvent les plus fortes proportions de grandes exploitations et que toutes ces communes sauf Arbin produisent uniquement des vins blancs. De même que dans les autres communes du vignoble qui produisent des vins "V.D.Q.S.", et notamment des vins rouges dans des proportions importantes : Chindrieux, Serrières, Ruffieux, Brison, St Jean de la Porte et Motz, les exploitations de taille moyenne dominent. Il y a également une concordance entre la petite exploitation et une forte proportion de cépages produisant des vins de consommation courante. Cette corrélation est dominante à Montmélian, St Pierre d'Albigny, Barby, St Alban Leysse, Châles, Lucey, Francin et dans une moindre mesure à Fréterive et Yenne.

Ainsi, même dans un ensemble de production modeste comme le vignoble savoyard, on remarque qu'un degré plus ou moins grand de spécialisation dans la fabrication d'un produit s'accompagne d'une division classique des unités de production : une mono production est le fait de grandes exploitations, alors qu'une production diversifiée s'accompagne de moyennes et de petites exploitations.

En conclusion, nous pouvons dire que trois grands types de vignobles se dégagent :

Nous terminerons l'étude du vignoble savoyard en I960 en nous arrêtant sur l'âge du vignoble, calculé d'après l'année de plantation tel qu'il est noté sur les fiches d'exploitations. C'est en moyenne un vignoble ancien : 71% du total a été planté avant 1930, et 25% entre 1930 et 1950. Seulement 4% des vignes ont été plantées après 1950.

Trois groupes se distinguent selon l'âge du vignoble communal.

Les trois groupes sont d'égale importance et chacun regroupe des communes au profil très divers : les communes déjà spécialisées voisinent avec celles qui n'étaient déjà même plus rurales. Mais l'image du vignoble classé en fonction de l'âge de la vigne montre un début d'une modernisation qui s'amplifiera dans la décennie suivante.

Petites exploitations, spécialisation viticole importante mais non prépondérante, relative hétérogénéité des structures agraires et ampélographiques, telle est la situation du vignoble savoyard en 1960. Est-ce la fin d'une époque ou au contraire l'amorce d'un renouvellement ?

Année de plantation du vignoble par commune
Année de plantation du vignoble par commune

Source : Cadastre Viticole