Deuxième partie. La politique agraire algérienne : 1962-1972

Dans cette deuxième partie, nous nous fixons pour tâche de rechercher les éléments explicatifs de la politique agraire algérienne depuis 1962, et d'en dégager au fur et à mesure les aspects communs ou distinctifs par rapport à la politique agraire menée dans le cadre du Plan de Constantine.

La spécificité de la politique agraire algérienne, depuis 1962-1963, réside dans sa liaison1 intime avec l'intervention massive des pouvoirs publics dans l'activité économique depuis cette date. Cette intervention de l'Etat n'est pas de même nature que celle qui consiste, dans les pays de capitalisme avancé ou certains pays sous-développés, à prendre en charge les investissements en infrastructure économique et sociale conditionnant la rentabilité des investissements privés. Elle découle, au contraire, de la volonté politique de couvrir les secteurs—clefs du développement économique par la construction d'un puissant secteur public. Nous consacrerons notre introduction aux conditions d'émergence de ce secteur public.

Dès 1962-63, l'Etat intervient comme partenaire privilégié dans la définition de la politique agraire, notamment en direction des quelques deux millions d'hectares de terres riches laissées vacantes par leurs propriétaires européens, et mises en autogestion par une initiative des ouvriers agricoles. Mais les actions qui y sont entreprises sont -de même que dans toutes les autres sphères d'activité économique - largement empreintes de pragmatisme. Ce n'est qu'en 1966-67 qu'une cohérence globale de l'intervention étatique voit le jour, matérialisée dans une tentative de planification des activités économiques. Il devient alors possible d'identifier les choix économiques fondamentaux, ainsi que la place et le rôle assignés à l'agriculture, dans ce qu'il est convenu d'appeler la Stratégie algérienne de développement.

L'examen de celle-ci révèle, de la part du planificateur algérien, une représentation de l'agriculture et du monde rural fortement imprégnée, nous semble—t-il, de la vision dualiste du développement économique. Ce sera l'objet de la première sous-partie.

De cette représentation (théorique) de la place et du rôle de l'agriculture dans les problèmes du développement économique, découleront toutes les actions économiques (la politique économique)en direction du secteur agricole.

Ces actions économiques ne sont évidemment pas neutres socialement et politiquement. De ce fait, elles détermineront des changements tant qualitatifs que quantitatifs, dans le monde rural, qui interdisent de figer la réalité sociale, en qualifiant la période étudiée de « période d'attente ».

L'exposé des principaux aspects de la politique agraire poursuivie notamment entre 1966 et 1972 permettra peut-être, à la fois, la mise en évidence de ces changements et l'identification de l'enjeu du développement agricole au cours de cette période. Ces questions seront abordées dans la deuxième sous—partie.