Deux romans de la période étudiée abordent directement et explicitement la mobilité sociale. Le rapprochement des deux auteurs, Paul Bourget et Paul Nizan, peut, à première vue, choquer tant leurs références culturelles et politiques sont éloignées mais, après examen, je pense que cette juxtaposition paraîtra moins arbitraire ou artificielle. Précisons d'ailleurs que cette mise en parallèle du romancier traditionaliste et de l'écrivain révolutionnaire fut explicitement faite, dans les années 1930. J'y reviendrai.
Dans L'Etape, roman paru en 1902, aux lendemains de l'Affaire Dreyfus, "cette funeste guerre civile à laquelle une retentissante affaire judiciaire servit de prétexte plus que de cause 68 ", Paul Bourget a analysé les conséquences néfastes de la mobilité sociale, et tout son roman, dont le souci pédagogique transforme les personnages en archétypes, est la description de la faillite morale et humaine d'une famille, celle de Jules Monneron, pur produit de la promotion républicaine, le plus souvent appelé le jacobin. "Joseph Monneron, fils d'un cultivateur de Quintenas, en Ardèche, avait fait ses études, comme boursier, d'abord au lycée de Tournon puis à celui de Lyon. De là, il s'était fait recevoir à la rue d'Ulm. Arrivé, grâce aux concours, à se "déclasser par en haut", sa carrière offrait le type accompli du développement que préconisent les doctrinaires de notre démocratie 69 ." Reprenant ce thème tout au long de l'ouvrage, Bourget explique que la Révolution est à l'origine des "lois d'orgueil" qui ont eu pour objet de "niveler les classes, d'égaliser pour tous le point de départ, de faciliter à l'individu les ascensions immédiates, en dehors de la famille 70 ." Et l'admirateur de Barrés d'insister sur le déracinement du professeur fonctionnaire qui a détruit les "réalités vivantes". Ce déracinement c'est son fils, Jean, celui de ses enfants dont la conversion au catholicisme va permettre le rachat, qui en a l'intime conscience : "ses parents étaient de Quintenas, il a préparé ses examens à Lyon, il s'est marié à Nice, mon frère est né à Besançon, moi à Nantes, ma soeur à Lille, mon frère le plus jeune à Versailles, nous vivons à Paris. Sommes-nous du Centre, du Midi, de l'Est, de l'Ouest ? Nous n'en savons rien, ni mon père 71 . "Et le fils de dire à son père : "nous sommes tous, toi le premier, des déplantés, des déracinés, nous n'avons pas de milieu 72 ."
Le roman est une dénonciation de la mobilité sociale mais aussi de la mobilité géographique. La mobilité est la négation de la famille et donc de la société. En fait, ce n'est pas tant la mobilité qui est condamnée que sa brutalité, néfaste à l'ordre social, favorable à la déliquescence de la famille et aux valeurs qui fondent, ou devraient fonder, la société. Le mal c'est d'avoir sauté "l'étape". Ne l'ayant pas sauté, Jean Monneron qui épouse, à la fin du roman, la douce Brigitte, fille du traditionaliste Ferrand, a toutes les chances de construire un foyer stable. C'est ce que lui explique son futur beau-père dans la dernière leçon de morale du livre :"Vous pouvez réussir maintenant où votre père a échoué, et fonder une famille bourgeoise. Vous le pouvez parce que vous n'êtes pas de la première génération ... il n'y a pas de transfert subit de classes, et il y a des classes du moment qu'il y a des familles, et il y a des familles du moment qu'il y a la société. Pour que les familles grandissent, la durée est nécessaire, elles n'arrivent que par étapes. Votre grand-père et votre père ont cru, avec tout notre pays depuis cent ans, que l'on peut brûler l'étape. On ne le peut pas. Ils ont cru à la toute puissance du mérite personnel. Ce mérite n'est fécond, il n'est bienfaisant que lorsque-il devient le mérite familial... Vous fonderez un foyer. Vous le fonderez d'autant plus solide que vous exercerez le même métier qu'il [votre père] a exercé. C'est encore une des lois de la Nature sociale 73 ."
Dans le troisième volume de ses Etudes et portraits, Paul Bourget a consacré un chapitre à l'ascension sociale 74 . Il s'agit en fait de deux lettres de juillet et septembre 1902 adressées au comte d'Haussonville. Ce dernier avait en effet fait paraître dans le Gaulois, deux articles évoquant les problèmes posés par l'Etape. La première lettre s'intitule "Nécessité des classes" et la seconde "le mirage démocratique". Elle sont pour Bourget l'occasion de revenir sur l'Etape, d'expliciter et de généraliser les conclusions de son roman. "Qu'il y ait des classes, en dépit de la proclamation antiphysique que la République inscrit sur les monuments, le fait n'est pas à discuter. Que ces classes ne soient pas fixes et qu'elles se pénètrent sans cesse les unes les autres, c'est un autre fait, aussi évident. Cette pénétration doit-elle être activée ou ralentie ? L'ascension sociale peut-elle se passer du temps ? Faut-il désirer que les règlements, ou mieux, les mœurs, ne permettent le transfert des classes qu'avec prudence et que l'ascension individuelle soit un cas de l'ascension familiale ? Tel est exactement le problème posé dans L'Etape ... 75 ".
On sait les réponses que Bourget donne à ces questions. Pour renforcer son argumentation, il souligne que les romans les plus célèbres, le Rouge et le Noir, Les Illusions perdues. Madame Bovary, Jacques Vingtras, ont tous eu pour sujet le transfert de classes et qu'invariablement, Balzac, Stendhal, Flaubert et même Vallès ont conclu que "l'ascension uniquement individuelle était un principe de malheur personnel et de danger social 76 ." En fait l'erreur fondamentale de la démocratie, selon Bourget, c'est d'avoir pris comme unité sociale l'individu, et non la famille 77 . Là est le coeur de sa doctrine, et on aura compris que ce qui est dénoncé ce n'est pas tant l'ascension sociale que l'ascension individuelle. Il prône au contraire l'ascension familiale, mais il n'en dit pratiquement rien et l'on voit mal comment pourraient s'opérer les "transferts de classes" sans mobilité individuelle. Pour reprendre le vocabulaire défini au début, ce que dénonce Bourget c'est la mobilité sociale ou intergénérationnelle - la mobilité professionnelle ou intragénérationnelle n'est jamais évoquée - et ce qu'il prône, c'est la réussite sociale. "L'erreur démocratique ... consiste à ne pas comprendre la beauté du type plébéien, quand il se développe sur place 78 ." Le but de ces remarques n'est pas d'analyser la pensée de Bourget, et ses limites, mais plutôt de souligner qu'un romancier populaire - on oublie trop souvent le succès de Bourget au tournant du siècle - s'est intéressé, explicitement à la mobilité sociale et que tout son discours a été une mise en garde contre les dangers qui en résultent.
Lorsque Paul Nizan publie, en 1933 -il a alors 28 ans- Antoine Bloyé 79 , il est membre du P.C.F. depuis 1927. Pour autant, l'ancien normalien, un temps professeur à Bourg-en-Bresse - il en ramènera "Présentation d'une ville", peinture au vitriol de la préfecture de l'Ain - ne fait pas ici œuvre de romancier communiste même si son interprétation de la vie de Bloyé est frappée au coin du marxisme. Ce roman fut en concurrence avec La condition humaine pour le Concourt de 1933 et, en dépit de ce qu'en dit Jean-Pierre Maxence 80 , l'ouvrage n'est pas qu'une simple "mise en théorie".
Il est symptomatique qu'il soit plus facile d'extraire des citations de l'Etape que d'Antoine Bloyé pour illustrer, en quelques lignes, les idées de l'auteur. Dans Antoine Bloyé, les notations sur les implications de la mobilité sociale sont plus diffuses que dans l'Etape et elles possèdent une logique qui dépassa la simple illustration des thèses de l'auteur d'Aden-Arabie et des Chiens de garde. C'est sur ce point précis, l'existence d'une thèse sous-jacente au roman, que J-P Maxence voit une parenté entre l'admirateur de Barrés et le tenant du communisme. Il souligne : "Paul Nizan pourrait bien devenir quelque jour le Paul Bourget du marxisme. Son récent roman, en effet, est un roman à thèse. Mais il ne s'agit plus ici du traditionalisme que M. Nizan trouve sans doute périmé. Antoine Bloyé est, si l'on veut, l'histoire d'un pauvre homme vue par un propagandiste du déterminisme historique. D'un pauvre homme ou d'un automate ?"
Que Maxence n'apprécie guère les idées de Nizan n'est que normal et la réciproque est tout aussi vérifiée. Quelques jours après l'article de Maxence, Nizan évoque dans Commune les écrits de Maxence, Brasillach, Bardèche, Drieu-La-Rochelle et Heidegger et il conclut "Toutes ces philosophies sont celles d'élites déçues. Ils sont terrifiés parce qu'ils savent que le "succès" n'est plus possible" et, par là même, ils sont mûrs pour le fascisme 81 . Ainsi est mis en regard la possibilité de la mobilité et les options politiques. Mais plus que cela, ce qui m'intéresse dans le roman de Nizan, c'est l'image qu'il donne de la mobilité sociale et le jugement global qu'il porte sur ce phénomène. Il faut pour cela revenir au roman.
Antoine est le fils de Jean-Pierre Bloyé, employé de chemin de fer et fils de métayer. Bon élève, il bénéficie d'une bourse et étudie à l'Ecole des Arts et Métiers d'Angers. Il devient mécanicien à la compagnie de l'Ouest même s'il vit au jour le jour - "II n'avait pas assez d'imagination pour se décrire son avenir, il adhérait à la vie présente. Il ne pensait pas au lendemain 82 " – il gagne la possibilité d'avoir un avenir, de devenir un bourgeois, d'avoir une autre vie que son père. "Bien des hommes sont établis à vingt ans à un niveau au-dessus duquel ils ne s'élèveront guère, à peine peuvent-ils quelquefois en descendre. Ils naissent, ils vivent, ils meurent étranglés par le travail : au-dessus d'eux, il y a simplement d'autres hommes qui savent simplement qu'ils mourront, mais les détours qu'ils font pour arriver à la mort ne sont pas aussi clairs et passent par des carrefours. Les bourgeois, ce sont des hommes qui peuvent changer d'avenir et qui ne connaissent pas toujours la figure qu'il prendra... 83 "
Après avoir gravi tous les échelons de la hiérarchie d'une compagnie ferroviaire, c'est à dire après avoir renoncé aux valeurs des premières années de sa vie, il devient ingénieur des ateliers. "Quel bilan pour le fils de Jean-Pierre Bloyé, employé obscur du service de l'exploitation ! Quinze cents ouvriers sous son commandement, tant de machines réparées par an, tant de wagons. ...Antoine mesurait son ascension en revoyant son père comme il avait vécu, dans son costume d'employé des gares. Il sentait qu'il faisait partie de la noblesse de sa profession. 84 " Le couple Bloyé n'habite plus dans une cité de cheminots et se fait des relations. Cette promotion se solde par une mutation de leur sociabilité. "Anne avait choisi un jour pour "recevoir", le deuxième vendredi de chaque mois : cette cérémonie avait marqué pour elle une étape de son progrès social. 85 " Mais le petit-fils de métayer ne réussira jamais à totalement accepter sa promotion sociale, à intérioriser les valeurs de sa nouvelle classe sociale au grand dam de sa femme. Il lui interdit, par exemple, de faire partie des Œuvres. "Elle cédait, mais elle pensait avec regret que les Œuvres lui auraient pourtant permis de monter d'un degré dans le monde, de "voir" les dames nobles qui dirigeaient les Œuvres, d'être reçue par elles sous prétexte de charité... 86 ". Le roman est en fait le récit de la destruction de la personnalité d'Antoine qui pour gravir l'échelle sociale doit sans arrêt renoncer au sel de la vie et Nizan de souligner l'aliénation psychologique qui accompagne la mobilité sociale, en particulier dans le domaine affectif. Deux femmes ont symbolisé le choix auquel son père a dû se résigner : "Marcelle, le refus de parvenir, c'est le côté du grand vent... ; Anne, c'est le côté abrité du monde,..., c'est le côté de l'ordre 87 ." Antoine a dû accepter de mutiler sa vie personnelle, de brider sa soif de vie, ses pulsions sexuelles...et en ce sens W. D. Redfern a raison de conclure que tout le récit est "un amer lamento sur le dépérissement d'un homme 88 "
Au total, ces deux romans, écrits à une trentaine d'années d'intervalle mais dont la mobilité sociale est le moteur essentiel de la trame romanesque, bien qu'inspirés par des idéologies totalement opposées arrivent, par un cheminement et une argumentation différentes, à des conclusions dont la proximité est patente. Peu importent les raisons profondes de la condamnation - la dissolution des valeurs sociales ou le sacrifice de la joie de vivre - mais demeure une certitude commune : la mobilité sociale n'est pas souhaitable... Il n'est pas question d'attribuer une trop grande influence à l'impact de ces deux romans mais je les crois assez révélateurs de la manière dont on a, en France, considéré ce phénomène. Etablir qu'aucun autre texte littéraire n'a valorisé la mobilité sociale, n'est pas chose aisée - il est toujours plus facile de souligner une existence que de mettre en évidence une absence, qui par définition exigerait une connaissance exhaustive du champ d'investigation, ce qui n'est pas mon cas - mais je pense que l'on peut retenir cette conclusion : au moins pendant la période qui sert de cadre à cette recherche, rares sont les ouvrages littéraires qui ont explicitement abordé la mobilité sociale, et parmi eux la condamnation de l'ascension sociale a été plus répandue que son exaltation.
Il n'est pas question d'étudier le rêve américain, ce n'est pas le lieu et ce serait hors de mes compétences, mais il me semble stimulant de saisir à travers un contre-exemple, les Etats Unis, comment le mythe de la mobilité sociale a pu constituer l'une des valeurs fondamentales de la société d'outre- Atlantique. Arsène Dumont le notait déjà, à la fin du XIXe siècle 89 . Dans ce pays, écrit-il, les biographies de milliardaires "donnent à la nation des leçons éloquentes et comprises de tous. Nulle part la capillarité sociale n'a plus de puissance qu'en Amérique pour entraîner la molécule humaine et nulle part elle ne peut monter de si bas si haut en un temps si court 90 ."
L'œuvre de Horatio Alger est un bon exemple de l'engouement exercée par la mobilité sociale. Avec ses 103 livres pour enfants, ses huit autres romans, ses contes et diverses autres publications, Horatio Alger, en dépit de ses modestes talents d'écrivain, a exercé une formidable influence sur l'imaginaire américain 91 . Ses jeunes héros ont incarné le rêve américain.
Ses romans ont véhiculé le mythe de l'ascension sociale et les expressions "from rags to riches", de la misère à la richesse, et "Horatio Alger hero" sont devenues des lieux communs. Pour donner deux exemples de cette formidable popularité, il suffit de citer cet auteur américain 92 qui estimait, en 1952, qu'Horatio Alger avait eu un rôle plus important dans la formation des chefs d'entreprise américains que tous les professeurs d'économie réunis et de mentionner que plus de 300 célébrités américaines - parmi lesquelles Eisenhower ou Reagan -disent avoir contracté le virus de l'ascension sociale en lisant Horatio Alger 93 .
Avant de devenir un auteur à succès, Alger fut un pasteur unitarien. Pour lui, servir Dieu et Mammon n'était nullement contradictoire. Cette position est loin d'être exceptionnelle : parmi les adeptes du culte de la réussite individuelle, des pasteurs de toutes confessions -j'ai déjà évoqué Russell Conwell- ont joué un rôle moteur. Ils prêchèrent, au sens strict, le goût de la réussite individuelle, secondé dans leurs efforts pour lier religion et industrie par un Morgan, qui fut un actif épiscopalien, ou un Rockefeller, qui donna des cours d'instruction religieuse dans une communauté baptiste 94 .
Au moment de sa mort en 1899, les ventes totales d'Alger s'élèvent à 800000 volumes, ce qui est relativement modeste lorsque l'on sait que de 1900 à 1920, les ventes annuelles vont s'élever à un million I Dès 1926 les ventes déclinent. En 1932, pour le centenaire de la naissance d'Alger, 20 % des enfants de New-York le connaissaient et 14 % avaient lu au moins un de ses livres. Quinze ans plus tard, en 1947, ces chiffres ont fortement déclinés, ils sont respectivement de 10 % et de 1 %. L'apogée de la popularité d'Horatio Alger a coïncidé avec une période où la nostalgie d'un âge d'or l'emportait sur le rêve américain 95 . Tous les romans ont la même structure et le premier d'entre eux, Ragged Dick, fonctionne d'emblée sur ce qui devait devenir un schéma archétypal, l'irrésistible ascension sociale d'un jeune homme pauvre qui, à force de travail, de persévérance, de franchise et d'honnêteté mais en sachant saisir sa chance, se hisse au sommet de la société. C'est le cas de Dick, un jeune cireur de chaussures new-yorkais, qui après avoir été remarqué par un industriel, travaille dans un magasin, gagne de l'argent, démasque des escrocs, conquiert une position sociale, abandonne son pseudonyme de pauvre hère pour un nom plus respectable. Et rien mieux que les dernières lignes de ce premier roman ne donne le ton de la philosophie sociale qui anime les héros d'Alger : "Ici finit l'histoire du pauvre Dick... Il ne sera pas plus longtemps le pauvre Dick. Il a franchi une première marche, et il est bien décidé à monter encore plus haut. Il aura d'autres aventures dans le magasin...Ceux qui ont trouvé intéressantes ses premières aventures pourront lire la suite de cette histoire dans un nouveau livre, -Renommée et fortune, ou l'ascension de Richard Hunter 96 "
Mettre sur le même plan l'Etape, Antoine Bloyé et les romans de Horatio Alger n'est pas pleinement licite car c'est comparer des registres différents, mêler les livres pour enfants et des romans dont les ambitions sont autres. Et en ce sens, il serait plus pertinent de comparer Alger à la comtesse de Ségur ou à Hector Malot, contemporain d'Alger, mais même si dans En famille, la petite Perrine en retrouvant son riche grand-père Paindavoine change de milieu social, la trame du récit est davantage fondée sur la recherche du "nid" perdu que sur le souci de gravir, par ses œuvres, la hiérarchie sociale. Aussi je crois que l'on peut, sans risque, conclure que les jeunes Français ne connaissent pas, comme les petits Américains un climat qui exalte la mobilité sociale.
Cette absence d'exaltation de l'ascension sociale dans les livres scolaires ou la littérature n'a pas impliqué pour autant l'immobilisme de la société. Il existe en France une adhésion, et une connaissance des possibilités de la promotion républicaine 97 . Mais les caractéristiques en sont très circonscrites. Elle repose sur l'école et le système boursier ; son horizon en est le plus souvent la fonction publique. Très révélatrices sont les remarques de Roger Thabault. Les lignes qu'il consacre à "la croyance au progrès" à Mazières-en-Gâtine méritent d'être citées. "Aux environs de 1895, le facteur Pascal Chaignon s'occupait un soir, après sa tournée, à ratisser les allées du parc de M. Proust.... Il avait été, à l'école du bourg voisin, un élève remarquable....Il aurait pu rester au régiment comme sous-officier...Il avait préféré un emploi de facteur que lui avait permis d'obtenir le châtelain proche de son village...Il avait l'impression de vivre d'une autre vie, infiniment plus riche et d'un niveau plus élevé à tous égards que celle qu'avait vécue son père et à laquelle ses frères demeurés cultivateurs lui paraissaient condamnés. Son fils, son fils unique, travaillait très bien à l'école. Pascal Chaignon rêvait de l'envoyer au collège de Saint-Maixent. Il n'était pas embarrassé pour savoir ce qu'il en ferait : son ambition était à la mesure de ce qu'il connaissait. Son fils serait un employé supérieur des P.T.T. C'était le prolongement, l'épanouissement de sa propre carrière qu'il envisageait ainsi.
Mais pour cela il faudrait une bourse... 98 " Tout est dit... Et s'il était nécessaire, les remarques d'Ardouin-Dumazet inscrites en exergue de cette réflexion, viendraient souligner l'existence d'une connaissance diffuse des cas de réussite sociale. La réussite du boursier lyonnais Burdeau "est entrée dans l'histoire du peuple,... a bercé notre enfance."
Paul Bourget, L'Etape. Pion, 2 tomes,1902, 311 p. et 247 p., tome 1, p. 13-14. Comme pour Victor Ferrand, le héros positif du roman, professeur catholique traditionaliste, admirateur de Le Play, Maistre et Bonnald, " il n'est pas besoin de dire dans quel camp le lucide et sage génie ... avait rangé" Paul Bourget.
Paul Bourget. L'Etape. Pion, 2 tomes.1902,311 p. et 247 p., tome 1, p. 9
Paul Bourget, L'Etape, tome 1, p. 25
Paul Bourget, L'Etape, tome 1, p. 48
Paul Bourget, L'Etape, tome 2, p. 180
Paul Bourget, L'Etape, tome 2, p. 243-244
Paul Bourget, Etudes et portraits. Pion, 1906, vol. 3, Sociologie et Littérature, chapitre VI, p. 140-168
Paul Bourget, Etudes et portraits, vol. 3, p. 142
Paul Bourget, Etudes et portraits, vol 3, p. 144
Paul Bourget, L'Etape, tome 1, p. 55 ; Etudes et portraits, vol. 3, p. 141, "l'unité sociale n'est pas l'individu mais la famille
Paul Bourget, Etudes et portraits, vol. 3, p. 146 ; voir également le chapitre du même volume intitulé "le péril primaire" p. 115-139. Il y évoque la nécessité de "la fixité du métier" et les dangers de l'éducation d'Etat, p. 129.
Voir Redfern W. D., Paul Nizan, Committed Literature in a Conspiratorial World, Princeton University Press, 1972, 235 p. voir spécialement le chapitre "an alienated man : Antoine Bloyé", p. 47-77
Jean-Pierre Maxence, Gringoire, n° 260, 27 octobre 1933. Jean -Pierre Maxence est né en 1906, il a donc, à un an près, le même âge que Nizan. Sur l'itinéraire de cet orateur de la Solidarité française, collaborateur littéraire de Gringoire et de Je suis partout, voir J-L Loubet del Bayle, Les non-conformistes des années 30, Paris, Seuil, 1969,496 p. Outre J-P Maxence, on peut lire les articles de Jean Fréville, L'Humanité du 18 décembre 1933, et de Pierre Henri Simon, Esprit m 6,1934.
Cité in Redfem W. D., Paul Nizan. op.cit.p. 116
Paul Nizan, Antoine Bloyé, Paris, Grasset, 1933, réédition 1985, 316 p. Les citations sont faites d'après la réédition p. 103.
Michel Pudal. "Les dirigeants communistes, du fils du peuple à l'instituteur des masses", Actes de la Recherche en Sciences Sociales, 1988, n° 71-72, p. 46-70 attire l'attention sur le parallélisme qui existe, à un certain niveau, entre Antoine Bloyé et le dirigeant communiste, Lucien Midol.
Paul Nizan, Antoine Bloyé, p. 35.
Paul Nizan, Antoine Bloyé. p. 201
Paul Nizan, Antoine Bloyé, p. 201
Paul Nizan, Antoine Bloyé, p. 205.
Paul Nizan, Antoine Bloyé. p. 113.
Redfem W. D., Paul Nizan, op. cit. p. 77. "a bitter lament for the wastage of a man"
Arsène Dumont, Essai sur la natalité dans le Massachussetts, Nancy, Berger-Levrault, 1898, 40p.
Arsène Dumont, Essai sur la natalité dans le Massachussetts, p. 37. Le démographe se livre même à une comparaison (p. 38-39) entre les "American bom" du Massachussetts et les petits bourgeois du Lot-et-Garonne, en analysant les problèmes religieux, ethniques et administratifs. Il conclut : "Les uns ont été façonnés par des siècles de République égalitaire et puritaine, les autres par des siècles de sujétion monarchique et aristocratique.Les uns reçoivent une éducation virile qui en fait des hommes d'initiative, les autres une éducation craintive qui les fait casaniers.Les uns ont des débouchés illimités dans le commerce, l'industrie et l'agriculture extensive, l'exploitation d'un continent, les autres trouvent toutes les carrières encombrées et visent, tout au plus, à quelque emploi modeste dans quelque administration.... cependant (ces deux populations] présentent en commun rabaissement excessif de la natalité, parce que toutes deux ont en commun l'idéalisme individuel."
Pour présenter cet auteur et son influence je ne m'appuie que sur trois romans et sur la présentation qui en est faite par Peter Fink, Ralph D. Gardner et Car) Bode. Horatio Alger, Jr, Ragged Dick and Struggling Upward, Penguin Classics, 1985, présentation de Carl Bode, 280p., Horatio Alger, Jr, Struggling Upward, New-York, Dover Publications, introduction de Ralph D. Gardner, 1984, 148 p., Horatio Alger, Jr, Ragged Dick and Mark, the Match Boy, New-York, Macmillan Publishing company, 1962, 382 p., introduction de Peter Fink. Le dernier ouvrage biographique paru est Schamhorst Gary, Horatio Alger, Jr., Boston, Twayne publishers, 1980, 170 p., l'auteur insiste sur les malentendus qui ont présidé au succès de l'écrivain. Au demeurant, le fait que Horatio Alger ait dû quitter la commune de Brewster où il était pasteur unitarien à la suite d'accusation de pédérastie (op.cit. p. 28-30) est fort important pour comprendre la personnalité de l'auteur mais sans grande influence sur la diffusion de ses ouvrages : les faits sont bien antérieurs au début de sa carrière d'auteur et ses lecteurs n'ont pas eu, à l'époque, les moyens de connaître cet aspect de sa personnalité.
Frederik Lewis Allen, cité in Schamhorst Gary, Horatio Alger, Jr., préface.
Voir l'introduction de Ralph D. Gardner, l'auteur de Horatio Alger or The American Hero Era, à Struggling Upward, op. cit., 1984.
Wyllie Irwin G., The Self-made Man in America, the Myth of Rags to Riches, New-Brunswick, Rutgers University Press, 1954,210p. Voir le chapitre God and Mammon p. 55-74.
Scharnhorst Gary, Horatio Alger, Jr., p. 141.
Ces lignes figurent dans l'édition intégrale publiée par Penguin Classics, 1985, et plus riche en notations morales que les autres éditions. La citation se trouve p. 132. "Here ends the story of Ragged Dick..., he is Ragged Dick no longer. He has taken a step upward, and is determined to mount still higher. There are Iresh adventures in store for him...Those who have felt interested in his early life will find his history continued in a new volume,..., to be called, - Fame and Fortune; or, The Progress of Richard Hunter."
L'Association française de science politique a consacré le 5 mai 1987 une journée d'étude à ce thème. Odile Rudelle en a donné un compte-rendu dans XX e siècle Revue d'histoire, n° 16, octobre-décembre 1987. p. 105-106
Roger Thabault, Mon village, ses hommes, ses routes, son école. J'utilise la réédition par la F.N.S.P. 1982,250 p. La citation se trouve p.184-185