Le graphique suivant donne une vue synoptique de la stabilité et de la mobilité des ménages 145 .
L'ancienneté dans l'immeuble est approchée 146 , mais même imprécise, cette indication ne manque pas d'intérêt : en quarante ans, l'hôtel de Varey a enregistré le passage de 53 ménages différents 147 , dont cinq ou six sont fictifs. Quarante-et-un n'ont été recensés qu'une seule fois et douze sont restés au moins cinq ans dans l'hôtel de Varey. La chronologie est primordiale : sur les 23 ménages présents avant le premier conflit mondial, neuf sont recensés au moins deux fois de suite alors que, sur les 30 ménages qui n'apparaissent qu'en 1921 ou après, seuls quatre connaissent le même sort 148 . Après la première guerre mondiale, la durée du séjour dans l'hôtel de Varey est plus courte. Ce cas de figure, une diminution de la stabilité pendant l'entre-deux-guerres, est assez exceptionnelle comme le montreront les analyses d'autres immeubles. Elle renvoie pour l'essentiel à l'agrégation dans le même hôtel de deux types de populations bien distinctes.
Les ménages les plus stables sont de toute évidence, les ménages qui résident dans l'aile noble de l'hôtel et qui emploient une nombreuse domesticité, à une exception près, mais bien explicable, le ménage de la concierge de l'hôtel, recensé sans interruption de 1896 à 1921. Et constater que cinq ménages avec domestiques ne sont recensés qu'une seule fois n'infirme pas l'affirmation précédente : il s'agit presque toujours de parents de ménages résidant dans l'aile noble et la connaissance des fortunes immobilières permettrait d'expliciter certaines trajectoires.
Au demeurant, le suivi de la population de l'hôtel de Varey, met en évidence la disparition de l'immeuble de vieilles familles bourgeoises ou aristocratiques et leur remplacement par la famille Roche de la RigodièreL'itinéraire résidentiel de Camille - quai de Saône, Bellecour, quai du Rhône, hôtel aristocratique de Bellecour - retrace à l'évidence les étapes de son ascension sociale qui se manifeste encore en 1936 par le nombre particulièrement élevé de la domesticité qu'emploie sa famille.
La lecture se fait de la façon suivante : en suivant la ligne pointillée correspondant à une année, on peut connaître le nombre total de ménages et leur ancienneté dans l'immeuble. Prenons l'exemple de l'année 1911. Douze ménages sont recensés. Un est présent depuis 1896, un depuis 1901, trois depuis 1906, et sept sont recensés pour la première fois
Un ménage recensé en 1911 mais absent en 1906 peut tout avoir soit une ancienneté de quatre ans, s'il est arrivé en 1907, soit une ancienneté inférieure à un an s'il s'est installé l'année même du recensement, et le degré d'incertitude est plus important encore entre 1911 et 1921
Je n'ai pas considéré comme des ménages différents des ménages ayant changé de chef de ménage mais conservant toujours le même noyau familial. Cela peut être le cas d'un ménage constitué par une mère et sa fille où l'une puis l'autre sont enregistrées comme chef de ménage ; ce peut être aussi le cas d'une épouse qui devient chef de ménage à la suite du décès de son mari….
Si l'on considère tous les ménages douteux comme réellement fictifs, le rapport entre les deux types de ménages est de quatre sur vingt-quatre.