a. Morand : projets et réalisations

Au delà du Rhône, sur la rive gauche, s'étendait un immense domaine qui appartenait au grand Hôtel-Dieu de Notre-Dame de la Pitié du Pont du Rhône. Partie intégrante de la commune de la Guillotière, autrefois territoire Dauphinois, devenue faubourg de Lyon au début du XVIIIe siècle, ces vastes espaces marécageux - c'est le sens même de Brotteaux 299  - n'attirent guère les Lyonnais car s'y installer signifierait perdre les privilèges des bourgeois de Lyon : l'exemption de la taille.

Collaborateur de Soufflot pour la construction du quartier Saint-Clair, J.-Antoine Morand, présente en 1764 un Plan d'agrandissement de la ville de Lyon en forme circulaire dans le terrain des Brotteaux 300 qui devait, après de nombreuses difficultés, aboutir à la création du nouveau quartier. En 1771, il obtient la concession d'un pont en face de l'Hôtel de Ville. La Compagnie du Pont Saint-Clair met en chantier la construction d'un pont en bois. Le nouveau pont est inauguré en 1775 301 . C'est un pont à péage. Après quelques difficultés initiales avec les principaux propriétaires des Brotteaux, les futurs Hospices civils de Lyon Morand, dont la réussite financière est importante, et les Hospices arrivent à un compromis qui se traduit par l'adoption du plan du nouveau quartier dû à Morand et Decrénice. Ce plan a été analysé par les architectes Dambrin, Zol et Reynaud 302 .

Ce plan "détermine un damier composé de 59 emplacements à construire qui forment par l'effet structurant des axes primaires, 4 quartiers." La division spatiale répond à un rythme ternaire. Les emplacements classe A, de dimensions réduites, sont situés sur le quai, en face du nouveau quartier Saint-Clair. Ils s'organisent autour d'une grande place - la place Morand, ou place Lyautey actuelle - ainsi qu'en bordure du cours central - cours Morand ou cours Franklin Roosevelt actuel. Tout concourt à souligner le caractère privilégié de ces emplacements de première classe destinés à la noblesse et aux négociants. En retrait de ces emplacements, se trouvent des emplacements de seconde classe ou classe B, qui devraient être habités par la bourgeoisie et les marchands. Les emplacements de troisième classe (C), "enserrés parmi les autres et éloignés des éléments structurants et attractifs du plan", sont dévolus au peuple.

Ainsi, dès les premiers projets, les Brotteaux mêlent des catégories très diverses et l'inscription spatiale de l'habitat est directement liée à la place dans la hiérarchie sociale. Par ailleurs, ce plan, complètement dominé par les principes de circulation que souligne la hiérarchisation des voies et le tracé milésien, est le premier plan d'urbanisme lyonnais. Il est à l'origine du plan en damier actuel de la plus grande partie de la rive gauche du Rhône. Son influence s'étend, à la fin du XIXe siècle jusqu'au nouveau quartier des facultés, au sud de la Guillotière.

Notes
299.

L'orthographe varie. On trouve Brotteaux au XX° siècle et Brotteaux auparavant. Au Moyen-Age, les chartes parlent de Brotelli Rhodani. Voir Kleinclausz, Lyon des origines à nos jours. p. 313

300.

Kleinclausz, Lyon des origines à nos jours. p. 40

301.

Kleinclausz, Lyon des origines à nos jours. p. 317

302.

Dambrin, Zol, Reynaud, Transformation d'un milieu urbain, les Brotteaux,. p. 41-49