b. La stagnation des Brotteaux

La Révolution, l'Empire et les débuts de la Restauration sont marqués par un arrêt quasi complet de l'urbanisation du nord de la rive gauche. Plusieurs causes contribuent à cette stagnation.

En 1789, la presqu'île et les collines de la rive droite du Rhône sont occupés de manière très inégale par les laïcs et les ordres religieux. Les premiers, au nombre de 90000 utilisent une surface au sol de 53 ha alors que les seconds, rassemblant environ 30000 religieuses et religieux, occupent 184 ha 303 . La vente des biens nationaux pendant la révolution réduit le domaine foncier des communautés religieuses et va, du même coup, réduire l'importance de la rive gauche : la crise du logement peut, pour un temps au moins, être résolue dans la presqu'île même. De plus, les drames de la période révolutionnaire entraînent une forte diminution de la population.

Pendant la Révolution, les Brotteaux sont d'abord le théâtre des fêtes révolutionnaires puis celui des exécutions sommaires des "muscadins et royalistes", au lendemain de l'insurrection de Lyon, en 1793. Sous l'Empire, la colonisation des Brotteaux demeure secondaire car Napoléon s'intéresse davantage aux projets du sud de la presqu'île, dans le droit fil des plans de Perrache. La construction d'un palais impérial est même envisagée…

Dans les premières années de la Restauration, la construction, au "Champ des martyrs", d'une chapelle expiatoire, commémorant les victimes de la Terreur a plus d'impact symbolique que de véritables conséquences urbaines. Ce premier monument à caractère public construit sur la rive gauche demeure longtemps un lieu de pèlerinage pour les monarchistes. Ainsi, en 1930, lorsque Jacques Valdour, moraliste royaliste et observateur méticuleux des mœurs ouvrières, vient à Lyon, dans le cadre de l'une de ses enquêtes, sa première visite est pour cette chapelle 304 .

Dans ces années que marque une atonie de l'urbanisation, les Brotteaux sont une zone à la réputation floue. A la fois lieu de promenade, de divertissement, mais aussi d'agitation sociale, mal contrôlés par la police, ils servent souvent de lieu de rendez-vous aux opposants politiques, aux grévistes ou aux amoureux 305 . Bref, un lieu entre terre et eau, dangereux mais attirant, offrant une immense potentialité pour l'avenir urbanistique de Lyon.

Notes
303.

Kleinclausz, Lyon des origines à nos jours. p. 47

304.

Jacques Valdour, La vie ouvrière, le flot montant du socialisme, ouvriers de Lyon et de Troyes, observations vécues, Paris, Nouvelles Editions latines, 1934, p. 154. En fait cette chapelle a été démolie en 1897 car elle était située dans le prolongement exact de la rue de Créqui. Elle a été reconstruite dans un style romano-byzantin. Voir Dambrin, Zol, Reynaud, op. cit. p. 79. et Kleinclausz, op. cit. p. 328

305.

Kleinclausz, Lyon des origines à nos jours. p. 322-324