g. Une grande famille

Il n'est pas nécessaire de présenter un tableau des caractéristiques démographiques de cet hôtel car les ménages sont peu nombreux et d'une grande stabilité. L'hôtel comporte deux ailes et elles sont occupées par deux ou par un seul ménage de maîtres, et l'on compte de surcroît un ménage de jardinier. Les listes nominatives ne sont pas affectées par des falsifications nombreuses mais il y a cependant deux ménages fictifs 326 , l'un en 1926 et l'autre en 1931. La population totale de l'hôtel est toujours d'une vingtaine de personnes, une fois éliminés les deux ménages fictifs de cinq personnes. Le croquis de deux des familles principales permet de bien comprendre les caractéristiques de ce type de familles.

Une famille occupe de 1906 à 1936 cet hôtel particulier, celle de Francisque Aynard, fils d'Edouard 327 . En 1906, le banquier est âgé de 37 ans. Il a épousé Lucie Balourdet, dont la famille figure dans les annuaires du Tout-Lyon. En 1906, ils ont six enfants qui vivent avec eux, trois fils et trois filles 328 . Ces six enfants, toujours vivants en 1906, sont nés entre 1897 et 1905, preuve de la brièveté des intervalles intergénésiques. La taille de la famille et la régularité des naissances sont tout à fait similaires aux caractéristiques démographiques des familles bourgeoises du Nord à la même époque 329 .

Six domestiques, quatre femmes et deux hommes sont à leur service. A cette date, comme son père et son frère qui habitent aussi boulevard du Nord, Francisque Aynard est membre du Jockey-Club 330 . La sociabilité des grands cercles n'est pas étrangère au nouveau quartier mais sous une variante qui n'est pas celle rencontrée à Ainay : neuf membres des grands cercles habitent le boulevard du Nord en 1906, quatre sont au Jockey-Club, quatre au Cercle du Commerce et un seul au Cercle du Divan, le comte Baguenault de Puchesse.

Le seul autre ménage a être recensé dans l'hôtel en 1906 est celui d'un jardinier, de son épouse et de leurs deux enfants. Cinq ans plus tard, ils sont toujours là et l'épouse est recensée comme concierge. En 1911, la famille de Francisque Aynard compte une fille de plus, née en 1908. Le ménage emploie quatre domestiques, dont un homme, et une gouvernante 331 . Aucun de ces domestiques n'était présent en 1906. On retrouve quelques unes des caractéristiques repérées dans l'hôtel de Varey : différenciation des appellations professionnelles des domestiques et fort taux de rotation. Après la guerre, en 1921, Francisque Aynard est toujours recensé comme banquier et une appellation professionnelle concerne chaque enfant. Les deux fils aînés sont banquiers, le troisième est employé, sans doute dans l'affaire familiale. Le ménage ne compte que trois domestiques 332 .

Croquis n° 26
Croquis n° 26
Notes
326.

D'autres hôtels particuliers voisins, tels celui du 19 boulevard du Nord, sont beaucoup plus affectés par la présence de ménages fictifs.

327.

Des descendants y habitent toujours en 1987.

328.

Quelques erreurs dans la transcription des prénoms ont été rectifiées. Le second enfant, né en 1898, est en 1906 appelé Marie, mais à partir de 1921 il s'avère qu'il s'agit d'un garçon nommé Marc.

329.

Smith Bonnie G., Ladies of the Leisure Class, the Bourgeoises of Northern France in the Nineteenth Century, Princeton University Press, 1981.Voir le chapitre 4, Domesticity : the rhetoric of reproduction p. 54-92

330.

Voir Annuaire du Tout-Lyon, 1906.

331.

En 1911, outre le ménage du jardinier et de la concierge, l'hôtel accueille une autre grande famille, sans doute apparentée à celle de Francisque Aynard. Aucune profession n'est indiquée pour le chef de ménage mais toutes les autres caractéristiques soulignent la proximité sociale de ce ménage et de celle de Francisque Aynard : huit enfants vivent avec leurs parents et le ménage emploie trois domestiques et une institutrice.

332.

Il y a en outre un ménage non nucléaire (une veuve, son fils et un cousin), sans doute au service de la famille Aynard. Ce ménage occupe le logement du jardinier.