2 L'Entre-deux-guerres : diminution des oppositions ?

Quels sont, à la fin de la période étudiée, les arrondissements de résidence des membres des grands cercles ?

Les individus inscrits sur l'annuaire du Tout-Lyon et membre d'un grand cercle sont légèrement moins nombreux que trente ans plus tôt. Surtout, on aurait pu s'attendre à des effectifs plus élevés du cercle de l'Union -réunion de trois cercles dont les effectifs conjugués auraient dû dépasser les trois cents membres. Globalement la géographie des élites n'a guère varié : Brotteaux et presqu'île qui rassemblaient 71% des effectifs en 1906, en rassemblent 65%. en 1936 Certes, le 6e arrondissement a quelque peu amélioré sa position et le second a un peu régressé mais sur trente ans, et à cette échelle, l'évolution est mince. Le cercle du Commerce est toujours surreprésenté aux Brotteaux et son poids a diminué dans la presqu'île. Pour le cercle de l'Union, les caractéristiques sont exactement inverses mais l'opposition est maintenant moins tranchée entre les deux rives du Rhône du fait de la fusion en un même ensemble de populations autrefois séparées.

Comment a évolué l'implantation des cercles dans le cadre de ces deux arrondissements où sont toujours concentrées les élites lyonnaises ?

L'observation des adresses des membres du cercle de l'Union ne surprend guère tant elle rappelle celle du Divan avant la guerre de 1914-1918 mais la concentration est un peu atténuée du fait de la présence d'anciens membres du cercle de Lyon et du Jockey-Club. La présence de ces derniers explique la seule nouveauté - fort limitée - de la carte : quelques membres de l'Union habitent quai Gailleton, en bordure du Rhône, au sud du pont de l'Université. Mais dans cet arrondissement l'ossature du cercle de l'Union reste constituée par les anciens membres du cercle du Divan.

Bien moins nombreux que trente ans auparavant, les membres du cercle du Commerce sont toujours aussi dispersés dans la presqu'île et leur accès aux immeubles de la place Bellecour est toujours aussi limité. Au contraire, dans le 6e arrondissement, les immeubles où ils résident sont plus dispersés qu'en 1906 : leur nouvelle géographie reflète la restructuration du quartier à la veille et aux lendemains de la guerre. Significative est leur implantation autour du nouveau quartier de la gare des Brotteaux qui connaît dans les années 1930 une nouvelle vague d'urbanisation, avec la construction d'un ensemble homogène Art Déco, rue Waldeck-Rousseau ou de l'un des premiers gratte-ciel français à ossature métallique, boulevard Jules Favre ⁴⁰⁹ . Mais s'ils investissent ces nouveaux espaces, ils ne peuvent s'implanter très nettement boulevard des Belges, surtout du côté impair. Ils ne sont que huit a avoir un accès direct au Parc alors que les membres du cercle de l'Union, bien que moins nombreux dans l'arrondissement, sont onze à bénéficier de cet avantage. Tel est le cas en particulier du président du cercle de l'Union, autrefois membre du Divan, le comte Raoul Baguenault de Puchesse.

De même que le Divan forme l'ossature du cercle de l'Union dans la presqu'île, sur la rive gauche du Rhône, ce rôle semble dévolu à l'ancien Jockey-club dont on retrouve l'implantation de 1906 sur les quais et autour de la place Morand. Par ailleurs, les membres de ce cercle ont vraiment colonisé le côté impair du Parc de la Tête d'Or.

Au total, la géographie des élites a assez peu évolué pendant les trente années qui séparent les deux coupes et si les espaces se sont dans l'ensemble rapprochés, c'est surtout parce que le cercle de l'Union a agrégé deux types d'élites séparées avant la guerre et concentrées dans des arrondissements différents.