Si l'on accepte certains postulats, le rythme de construction du parc immobilier et la taille des logements qui le compose peuvent être étudiés, grâce au recensement de 1954. Une question concernait la date de construction des immeubles. Les logements sont répartis en cinq catégories : ceux construits avant la Troisième République, ceux édifiés de 1871 à 1914, puis de 1915 à 1939. Ceux enfin bâtis entre 1940 et 1949 ou entre 1950 et 1954. J'ai reporté sur les cartes suivantes les trois premières catégories, en chiffres absolus.
Dresser cette série de cartes n'est pas totalement rigoureux : c'est faire l'impasse sur les immeubles détruits pendant la période l'observation. Mais vu la faiblesse des destructions opérées à Lyon sous la Troisième République, et spécialement pendant l'entre-deux-guerres, une telle approximation n'est pas injustifiée. Une fois achevées les grandes opérations d'Haussmanisation menées pour la régénération du centre de Lyon par le préfet Vaïsse 431 , les opérations de rénovation de la fin du XIXe ou au tout début duXXe sièclesont d'ampleur limitée telles le percement de la rue Président-Carnot dans le quartier Grôlée qui entraîne la destruction de l'ancien Mont-de-Piété ou les opérations de la Martinière ou du quartier Saint-Paul évoquées lors de la présentation des immeubles. Ces opérations sont trop limitées pour pouvoir remettre en cause la répartition générale des 3497 de la période 1871-1914. Pour l'entre-deux-guerres, Marie-Madeleine Pitance a recensé les taudis démolis entre 1918 et 1939. Beaucoup étaient situés sur des terrains appartenant aux Hospices civils 432 . Une centaine d'immeubles ont été détruits, occupant 28 650 m2. Les destructions les plus nombreuses ont été faites dans le quartier Saint-Jean où un glissement de terrain avait rendu obligatoire la démolition de 40 d'immeubles et autour du quartier Moncey où 37 maisons incluses dans des îlots insalubres ont disparu sous la pioche des démolisseurs. 56 immeubles bâtis sur les terrains des Hospices ont été détruits entre 1919 et 1928 et 16 entre 1929 et 1938. Ces destructions ne représentent à peine 3% du parc immobilier de la période considérée.
Connaître le rythme de construction des différents quartiers de la ville n'est pas possible à partir de telles cartes mais elles peuvent cependant donner des tendances nécessaires à la compréhension de la répartition de la population. A Lyon et Villeurbanne, et en excluant les immeubles bâtis après 1940, 7% des immeubles ont été bâtis avant la Troisième République, 45% entre 1871 et 1914 et 48% après le déclenchement du premier conflit mondial. Les différences entre les différents arrondissements sont très tranchées : si 79% des immeubles du premier arrondissement et 71% de ceux du second datent d'avant la Troisième République, seuls 7% de ceux de Villeurbanne, 15% de ceux du septième arrondissement et 25% de ceux du troisième arrondissement sont dans ce cas. En fait, en 1871, moins d'un immeuble sur cinq de ceux que comptera la rive gauche du Rhône en 1939 est construit. Les immeubles construits avant 1871, essentiellement dans le centre, sont des immeubles élevés ayant près de neuf logements en moyenne. Dès la période suivante, le nombre moyen de logements par immeubles tombe à 4,3 et après la guerre, période où se bâtissent les zones périphériques au-delà des voies ferrées, ce nombre est inférieur à 4. Cela explique que Lyon, qui est globalement l'une des villes les plus hautes de France associe des paysages urbains très variés dont la logique est globalement concentrique comme le montre la carte du nombre moyen d'étages par immeubles qui révèle fort bien la frontière franche qu'introduisent les voies ferrées de la rive gauche dans ces paysages 433 .
Pendant la période 1871-1914, près de 10000 des 12000 immeubles construits le sont sur la rive gauche et à la période suivante ce sont près de 7300 des 8300 immeubles construits qui le sont sur cette même rive gauche où le poids de Villeurbanne et du 7e arrondissement ne cesse de s'affirmer. Ces cartes, même si le découpage spatial n'est pas identique -je n'ai pas pu distinguer, sur la rive gauche, les immeubles construits à l'est et à l'ouest des voies ferrées- sont totalement cohérentes avec les cartes de l'évolution de la population 434
Gardes Gilbert, Lyon, l'art et la ville, Editions du CNRS,1988, tome 1, 188 p., tome 2, 254 p. Voir le chapitre la ville régénérée tome 1, p. 73-86 et Bruston André, "La "régénération" de Lyon 1853-1865, l'intervention de l'Etat et le manifeste urbain de la bourgeoisie", Espaces et Sociétés, avril 1975, n°15, p.81-103.
Marie-Madeleine Pitance, La crise de la construction d'habitation , p. 27-28.
Voir annexe n° 23.
voir les cartes de la population electorale, cartes n° 16, 17, 18, 19.