Les bureaux de placement sont soumis à autorisation depuis le décret du 25 mars 1852. Ce décret a été modifié par la loi du 14 mars 1904. Aux termes du décret et de cette loi, il existe deux types de bureaux de placement : les bureaux payants et les bureaux gratuits. Parmi les seconds se trouvent les bureaux municipaux qui ne sont pas soumis à autorisation. L'existence de bureaux de placements municipaux a été rendus obligatoire par la loi dans les communes de plus de 10000 habitants 466 . Les demandes d'emplois adressées aux bureaux municipaux ne correspondent pas à la totalité des demandes d'emploi non satisfaites mais l'avantage essentiel de ce type de séries est d'être continu. Si l'image de la réalité est globalement correcte lorsque l'emploi n'est pas particulièrement menacé, elle se dégrade en période de crise. L'écart entre les demandes d'emplois non satisfaites et le chômage devient alors très important : à Lyon, les demandes d'emplois non satisfaites enregistrées par le bureau de placement municipal s'élèvent à 3912 en 1931 et le nombre de chômeurs secourus 467 se situe dans une fourchette dont le minimum est 3329 et le maximum 3887 mais dès 1932 les deux séries divergent , les demandes d'emploi tombent à 2771 et le nombre des chômeurs se situe entre 7691 et 8217.
Les chiffres des demandes d'emploi correspondent à la moyenne mensuelle calculée sur un an.
Le nombre des chômeurs secourus par les différents services lyonnais est fourni par deux graphiques. Le premier est un très grand graphique hebdomadaire -un graphique multicolore de plus d'un mètre- classé dans un dossier sur les problèmes d'emploi aux archives municipales. Le second est un graphique mensuel. Le nombre des chômeurs secourus est indiqué en différenciant le minimum et le maximum mensuel. Le graphique débute en janvier 1931 et s'achève en décembre 1939. Figure également sur ce graphique, depuis l'année 1930, le nombre des demandes d'emploi. En 1930 et 1931, elles sont inférieures aux statistiques du bulletin municipal, après elles sont souvent très supérieures. A l'évidence, il ne s'agit pas des statistiques du bureau municipal de placement mais j'ai été incapable de trouver l'origine exacte de cette série. Le tableau suivant permet de saisir l'ampleur des distorsions.
Année | Demandes emploi Bureau placement |
Demandes emploi Document |
chômeurs minimum |
chômeurs maximum |
1930 | 1431 | 193 | / | / |
1931 | 3912 | 3691 | 3329 | 3887 |
1932 | 2771 | 5948 | 7691 | 8217 |
1933 | 2511 | 5721 | 6010 | 6343 |
1934 | 2489 | 6350 | 5893 | 6219 |
1935 | 2266 | 7026 | 6214 | 6596 |
1936 | 3095 | 6715 | 5611 | 5890 |
1937 | 2072 | 6132 | 4692 | 4931 |
1938 | 2054 | 7737 | 5110 | 5402 |
On le voit le seul mérite de la série du bureau municipal est d'être continue.
Notons enfin que le mouvement mensuels des chômeurs secourus à Lyon est tout à fait comparable au mouvement mensuel national reconstitué par Jean‑Charles Asselain. art. cit. p. 188.
Les statistiques du bureau municipal de placement. sont publiées mensuellement dans les bulletins municipaux à partir d'avril 1905, leur présentation est plus précise après le conflit mondial. A partir de 1918, il existe un tableau des demandes d'emploi par catégories professionnelles. Le graphique suivant donne une première indication de l'enregistrement des demandes d'emplois par le bureau municipal de placement avant et après la guerre.
Le niveau global des demandes d'emploi est sans commune mesure avant et après la guerre. Dans le faible niveau de l'avant-guerre - les demandes d'emploi dépassent rarement 500 - se lisent sans doute deux phénomènes conjoints : une situation de l'emploi assez favorable mais aussi la nouveauté du bureau municipal de placement. Au contraire pendant l'entre-deux-guerres le niveau est incomparablement plus élevé. La conjoncture y est pour beaucoup mais la conception même de l'emploi et du chômage se transforme, et s'inscrire au bureau municipal de placement devient sans doute une pratique plus courante. Les grèves de 1936 sont l'occasion de constater la dilatation de la notion de recherche d'emploi : alors que les demandes s'élevaient à 2408 en juin 1936, elles bondissent à 10059 en juillet et redescendent dès août à 1747. Et l'on peut remarquer que la progression des demandes entre juin et juillet n'est pas la même dans toutes les catégories : les demandes d'emplois sont multipliées par 4 dans le textile et la métallurgie, par 3 dans les professions libérales et par 7 dans la manutention.
Sur la courbe, la crise de 1921 n'est pas perceptible mais la détérioration de la situation dans les années suivantes est parfaitement lisible. Après 1924, les demandes d'emploi sont toujours supérieures à 2000, sauf en 1930. Une fois la France entrée dans la crise, la courbe s'affaisse progressivement tout en demeurant à un niveau élevé. Le bureau de placement municipal est, à l'évidence, relayé par d'autres institutions. Au total, la signification globale de la série n'est pas très satisfaisante.
Textile, métallurgie, manutention et professions libérales n'utilisent pas les services du bureau municipal de la même manière. Sur l'ensemble de la période, les demandes du groupe manutention représentent 29% de l'ensemble des demandes d'emploi, la métallurgie 15%, le textile 6% et les professions libérales seulement 1%. Etre membre d'une profession libérale et s'adresser aux services municipaux est sans doute difficilement concevable. De plus, les réseaux de relations ouvrent d'autres horizons que les services municipaux. Néanmoins, il y a une différence entre les années vingt et les années trente. Dans la première période, rares sont les mois où les demandes d'emploi adressées par des professions libérales dépassent la dizaine : avant janvier 1930, la moyenne est de 7 demandes par mois, après elle est de 37, preuve que la détérioration de l'emploi se répand au-delà de l'emploi industriel. D'après les statistiques du bureau de placement, la plus mauvaise année, et de loin, pour les professions libérales est l'année 1936. La moyenne mensuelle est à 125 demandes et l'on ne peut seulement invoquer les inscriptions supplémentaires pendant les grèves : en juillet les demandes atteignent 345 mais en février et mars, en septembre octobre, en décembre elles sont au-delà de la centaine. Outre les raisons idéologiques qui vont d'ailleurs inciter les professions libérales à renforcer leurs organisations professionnelles, l'année du Front Populaire peut bien être regardée comme une année noire pour les professions libérales.
Dans le secteur industriel, le niveau des demandes est très supérieur. Afin de comparer, l'impact de la conjoncture sur le textile, la métallurgie et la manutention, j'ai utilisé une comparaison indiciaire 469 . Les deux graphiques ci-dessous soulignent les déphasages de conjoncture entre les deux grands secteurs de l'économie lyonnaise.
Ces trois courbes montrent bien que le secteur le moins qualifié suit, globalement le rythme de la métallurgie. Le textile, au contraire, semble avoir une conjoncture spécifique. Ce qui marque ce secteur c'est le fort contraste entre les années vingt et les années trente. Les demandes d'emploi atteignent trois sommets, en 1927, en 1931 et 1937. Au contraire dans la métallurgie, les difficultés semblent plus chroniques : dès le début des années vingt, les demandes sont relativement nombreuses. L'année 1931 est l'unique sommet de la courbe. Au total, l'intérêt du suivi du bureau de placement municipal se situe davantage dans les différences qu'il permet de mettre en lumière, en particulier entre manutention, textile et métallurgie que dans l'appréciation globale du rythme des demandes d'emploi.
Voir sur ces points, G. Frèrejean du Saint, Code annoté de législation ouvrière, Paris, Sirey, 1908. Décret, loi et commentaires se trouvent p. 69-75.
Les chiffres des demandes d'emploi correspondent à la moyenne mensuelle calculée sur un an.
Le nombre des chômeurs secourus par les différents services lyonnais est fourni par deux graphiques. Le premier est un très grand graphique hebdomadaire -un graphique multicolore de plus d'un mètre- classé dans un dossier sur les problèmes d'emploi aux archives municipales. Le second est un graphique mensuel. Le nombre des chômeurs secourus est indiqué en différenciant le minimum et le maximum mensuel. Le graphique débute en janvier 1931 et s'achève en décembre 1939. Figure également sur ce graphique, depuis l'année 1930, le nombre des demandes d'emploi. En 1930 et 1931, elles sont inférieures aux statistiques du bulletin municipal, après elles sont souvent très supérieures. A l'évidence, il ne s'agit pas des statistiques du bureau municipal de placement mais j'ai été incapable de trouver l'origine exacte de cette série. Le tableau suivant permet de saisir l'ampleur des distorsions.
AnnéeDemandes emploi
Bureau placementDemandes emploi
Documentchômeurs
minimumchômeurs
maximum19301431193//1931391236913329388719322771594876918217193325115721601063431934248963505893621919352266702662146596193630956715561158901937207261324692493119382054773751105402On le voit le seul mérite de la série du bureau municipal est d'être continue.
Notons enfin que le mouvement mensuels des chômeurs secourus à Lyon est tout à fait comparable au mouvement mensuel national reconstitué par Jean‑Charles Asselain. art. cit. p. 188.
Les statistiques sont mensuelles. J'ai représenté la moyenne annuelle des demandes.
J'ai pris comme base 100, l'année 1931 pour les trois groupes.