La taille du lieu de naissance est un indicateur social puissant 497 . Dans mes premières recherches sur Lyon, j'avais distingué quatre types d'habitants. Ceux qui n'étaient pas nés en France métropolitaine, ceux qui étaient nés dans l'agglomération lyonnaise, ceux nés dans des communes rurales et ceux nés dans des communes urbaines. Le critère de distinction des deux dernières catégories était la taille de la commune de naissance. Celles dont la population agglomérée au chef-lieu était inférieure à 2000 habitants en 1896 étaient considérées comme rurales, les autres étaient urbaines 498 .
Pour la présente recherche, j'ai procédé différemment. Le nom des communes de naissance a été saisi en clair puis j'ai recherché la taille de la population des communes effectivement présentes dans les fichiers. Les électeurs sondés de 1896 à 1936 sont nés dans plus de 2600 communes de France 499 . J'ai conservé comme référence la date de 1896 car ce n'est qu'à partir de 1876 qu'est disponible, avec la distinction entre population agglomérée et population éparse, la population de l'ensemble des communes de France 500 . Disposant de cette information pour les communes répertoriées, j'ai ensuite pu distinguer les communes de naissance des non-natifs de Lyon et de Villeurbanne en communes du rural profond (moins de 500 habitants agglomérés au chef-lieu), en communes rurales (de 501 à 1000 habitants agglomérés au chef-lieu), en bourgs ruraux (de 1001 à 2000), en villes (de 2001 à 10000) et en grandes villes 501 . Le tableau suivant indique la répartition lors des quatre coupes transversales des communes de naissances des électeurs sondés.
1896 | 1911 | 1921 | 1936 | 1896 | 1911 | 1921 | 1936 | |
Non-réponse | 14 | 9 | 12 | 6 | 1,59 | 0,90 | 1,12 | 0,45 |
Rural profond | 236 | 248 | 259 | 292 | 26,88 | 24,90 | 24,27 | 21,69 |
Communes rurales | 92 | 97 | 83 | 102 | 10,48 | 9,74 | 7,78 | 7,58 |
Bourgs ruraux | 65 | 74 | 82 | 100 | 7,40 | 7,43 | 7,69 | 7,43 |
Villes | 69 | 75 | 94 | 124 | 7,86 | 7,53 | 8,81 | 9,21 |
Grandes villes | 95 | 100 | 125 | 180 | 10,82 | 10,04 | 11,72 | 13,37 |
Lyon | 297 | 383 | 396 | 493 | 33,83 | 38,45 | 37,11 | 36,63 |
Hors-France | 10 | 10 | 16 | 49 | 1,14 | 1,00 | 1,50 | 3,64 |
Total | 878 | 996 | 1067 | 1346 | 100 | 100 | 100 | 100 |
Je ne ferai ici qu'un bref commentaire de ce tableau, me proposant de revenir sur le problème après avoir dégagé les grandes caractéristiques de la population lyonnaise. Il faut cependant dès maintenant souligner l'importance des électeurs nés à Lyon et de ceux nés dans de toutes petites communes rurales, de moins de 500 habitants agglomérés au chef-lieu. De manière générale, parmi les non-natifs de Lyon, le rapport entre ruraux et urbains est de l'ordre de 2 pour 1. Ce n'est pas une surprise en un temps où la population urbaine est minoritaire mais il est essentiel de garder en mémoire que les habitants des villes sont souvent nés à la campagne. Leur origine rurale pèse sur leur entrée dans la ville.
Voir Alain Girard, La réussite sociale en France, ses caractères, ses lois, ses effets. PUF, 1961, 335 p. L'auteur remarque la prépondérance des habitants de grandes villes parmi les "personnalités" françaises. Selon te tableau p. 73. dans les communes de moins de 2000 habitants, le taux de "personnalités'', est de 1,5 pour 100 000 ; il est de 3,7 pour les communes de 2000 à 20000, de 9,3 pour les communes de 20000 à 100000, de 11,1 pour celles de plus de 100000 et de 18,4 pour Paris. Voir tableau op. cit. p. 73.
J'avais retenu cette date de 1896 car elle correspondait à l'année de naissance moyenne des électeurs de 1936.
Seules 2553 ont été identifiées avec précision. Il m'a fallu retrouver des lieu-dits qui n'existaient plus en tant que communes.Tel électeur de la Loire dit être né à Valbenoite, tel autre à Charonne dans la Seine alors que ces anciennes communes sont depuis longtemps intégrées à Saint Etienne et à Paris. Soit en raison de la mauvaise lisibilité, d'erreur orthographique ou de risques d'erreur d'identification - il peut y avoir plusieurs Saint-Martin ou Saint-Pierre dans le même département - je n'ai pas pu connaître la population agglomérée au chef-lieu d'une soixantaine de communes. Ces communes constituent l'essentiel des non-réponses. Les électeurs sondés nés hors de la France métropolitaine sont nés dans 110 villes ou villages différents.
L'âge moyen des électeurs étant 40-42 ans, j'aurais voulu utiliser les résultats du recensement de 1856 pour les électeurs de 1896, ceux de 1872 pour les électeurs de 1911, ceux de 1881 pour 1921 et ceux de 1896 pour 1936. Au demeurant, je ne pense pas que ce raffinement, superflu et impossible à mettre en œuvre, aurait beaucoup changé les choses. Les sondages auxquels je me suis livré entre 1881 et 1896 pour 200 communes de naissance réparties sur l'ensemble du territoire montre que moins d'une dizaine de communes auraient changé de catégorie. Pour les électeurs nés en Alsace-Lorraine, j'ai utilisé les chiffres du recensement de 1921. Les lieux de destination ou d'origine signalés dans les listes d'additions et de radiations aux listes électorales de 1937 ont été codés selon la même méthode mais j'ai utilisé les résultats du recensement de 1936.
J'ai bien entendu distinguer également les électeurs nés à l'étranger et les natifs de Lyon et Villeurbanne. Pour certaines analyses, j'ai regroupé les communes rurales (de 501 à 1000 habitants agglomérés au chef-lieu) et les bourgs ruraux (de 1001 à 2000)