b.Le flou d'appellation des employés

L'appellation employé sans autre précision est une de celles qui a le taux d'instabilité le plus élevé et son analyse est importante car il s'agit del'appellation la plus répandue. Globalement, sur les huit dates retenues, la stricte similarité d'appellation est de 41 % et le flou d'appellation est de 59%. Etant donné le nombre relativement élevé des couples d'appellations, il est possible de mesurer une éventuelle liaison entre le flou d'appellation et l'âge. En fait, si l'on regroupe les données en deux périodes, l'une précédant le premier conflit mondial, l'autre le suivant, il est clair que l'instabilité est plus forte une fois que les individus ont dépassé 40 ans. Cela est évidemment dû au fait que la mobilité professionnelle qui se produit après cet âge est moins bien enregistrée que celle qui a lieu avant. Et ce pour une raison simple : très souvent la mobilité professionnelle est enregistrée à l'occasion d'un changement résidentiel. Or nous savons que la stabilité résidentielle augmente après 40 ans et cela provoque donc un retard ou une absence d'enregistrement des changements professionnels dans les listes électorales, et par conséquent une augmentation des discordances entre listes électorales et listes nominatives.

Tableau n° 34 : Le flou d'appellation des employés
Tableau n° 34 : Le flou d'appellation des employés (stricto sensu) aux différentes observations

Le tableau ci-dessus montre bien la faiblesse de la mobilité professionnelle ascendante, passage de la situation d'employé à celle de négociant, jusqu'en 1911 (un seul cas en 1911), alors qu'elle devient plus fréquente après : trois cas en 1921, 1931 et 1936, quatre en 1926. Mais cela vaut aussi en sens inverse même si le phénomène est alors moins accentué. Un seul cas de net déclin professionnel (emballeur), se produit jusqu'en 1911 601 , cinq après cette date (2 cas d'emballeur, 2 cas de manœuvre, et un cas de garçon de peine 602 ).

Se pose alors la question de la précision de l'appellation employé. Est- elle une appellation fourre-tout qui ne recouvre aucune réalité précise ou au contraire désigne-t-elle une position précise? Dans 19 cas, l'appellation retrouvée dans les listes nominatives est assimilable (employé de soierie...), dans 11 cas l'appellation professionnelle renvoie à une appellation de cadre moyen (comptable...), dans 15 cas l'appellation est une appellation classée parmi les négociants ou industriels, dans 9 cas il s'agit de professions manuelles renvoyant à un métier et dans 6 cas de professions manuelles non- qualifiées.

A l'examen des itinéraires des individus pour lesquels les listes nominatives du recensement indiquent une profession manuelle non- qualifiée, il apparaît évident que le phénomène se produit pour des travailleurs âgés qui subissent de plein fouet la crise des années trente et qui pour tenter d'échapper au chômage - tous ne réussissent pas comme le montre le tableau pour 1936 - acceptent des emplois déqualifiés, parfois dans la même entreprise. Tel est le cas de Claudius Michel., n° 84, qui employé chez un marchand de soie, Chavanis, est garçon de peine à la fin de sa vie. Et une fois encore on pourrait citer Navel qui évoque "la silhouette usée du vieux manœuvre qui balaie."

Notes
601.

En fait il y a aussi un cas de domestique mais il semble s'agir d'un mauvais enregistrement dans le recensement comme tendrait à le prouver l'itinéraire de l'électeur concerné qui reste tout le temps au service du même employeur.

602.

II est à noter que dans les coupes effectuées dans les listes électorales, cette appellation, assez fréquente à la fin du XIXe siècle, est très peu usitée à la veille du second conflit mondial. Les trois cas repérés dans le sondage de 1936 concernent des individus âgés de 27, 62 et 74 ans.