A. Le découpage de l'espace urbain

Pour l'étude de la société lyonnaise à l'époque du Front Populaire, j'avais retenu le découpage élaboré par les services municipaux de Lyon et de Villeurbanne au début des années 1930 622 . Chaque unité administrative a alors été découpée en un certain nombre de bureaux de vote, allant de huit bureaux pour le 4e arrondissement à dix huit pour le 7e arrondissement. En 1936. Lyon compte 81 bureaux et Villeurbanne 14 bureaux. Leur superficie est très variable. Les zones les plus peuplées ont des bureaux dont la surface est de 20 à 30 hectares alors que les bureaux les moins peuplés, dans les zones les plus récemment urbanisées, peuvent avoir des superficies de 100 à 200 hectares. Ce découpage tient compte des principales césures de l'espace urbain. Sur la rive gauche du Rhône, il respecte en particulier l'emprise ferroviaire qui marque la limite entre les espaces anciennement urbanisés et ceux qui ne se sont développés qu'au XXe siècle. Malgré son intérêt, il n'était pas possible de le conserver pour la recherche présente. En effet, les effectifs retenus tant pour la démarche transversale que pour la démarche longitudinale - environ 1000 individus par fichier- étaient incompatibles avec une ventilation dans les 95 bureaux de Lyon et Villeurbanne. J'ai donc regroupé les bureaux de vote en zones plus étendues. Pour les définir, j'ai combiné limites administratives (les arrondissements et Villeurbanne) et caractéristiques sociales des différents espaces telles qu'elles apparaissaient à la lumière des recherches faites sur la société lyonnaise au milieu des années 1930.

Les méthodes de typologies automatiques m'avaient permis de dégager une dizaine de types d'espaces sociaux que l'on peut aisément regrouper en trois 623 . A l'époque du Front Populaire, deux d'entre eux se caractérisent par une forte surreprésentation d'un groupe de catégories socio- professionnelles, les catégories aisées dans le premier type et les catégories défavorisées dans le troisième. Enfin, dans le second type, aucune surreprésentation particulière n'est repérable, toutes les catégories sociales ont une représentation très voisine de celle obtenue dans l'ensemble de l'agglomération 624 . Cette simplification aboutit à une représentation ternaire de l'espace social 625 qui distingue ville des catégories aisées ou ville patricienne, ville des catégories défavorisées, ou ville périphérique et populaire, et ville des classes moyennes. Ces trois types, combinés aux limites administratives, permettent de définir un découpage spatial de Lyon et Villeurbanne organisé en 18 zones différentes. La carte suivante en présente les limites.

Carte n° 15 : le découpage des unités spatiales
Carte n° 15 : le découpage des unités spatiales

Notes
622.

En fait ce découpage a été légèrement modifié après les élections de 1932 dans deux arrondissements de Lyon, le 3e et le 7e. et à Villeurbanne. A Lyon, les modifications se limitent aux bureaux de ces arrondissements situés à l'est de la voie ferrée. A Villeurbanne, la construction des gratte-ciels et de la nouvelle mairie provoque, un redécoupage complet des bureaux de vote qui s'organisent désormais autour du nouveau centre. Pour le découpage des bureaux de vote en 1936, voir annexe n° 22.

623.

Jean-Luc Pinol, op.cit p.104 et sq.

624.

J'ai retenu pour cela les chiffres 1 pour les zones où prédominent les catégories aisées en 1936. 3 pour celles où les catégories défavorisées sont surreprésentées et 2 pour les quartiers intermédiaires.

625.

J'emploie généralement l'expression espace social comme synonyme d'insertion spatiale des catégories sociales, c'est à dire qu'espace est directement lié à sa signification géographique. Dans la littérature sociologique espace social a souvent le sens de système des classes sociales ou de hiérarchie sociale, c'est la signification que lui donne par exemple Pitirim Sorokin qui oppose même l'espace géographique, qu'il appelle espace géométrique, à l'espace social, postulant l'absence de liaison entre eux, ce que je pense erroné. Pitirim Sorokin, Social and cultural mobility, p.3 et sq., chapitre 1, social space, social dislance and social position, le premier paragraphe de ce chapitre est intitulé significativement "geometrical and social space".