C. Homogénéité de la classification

Après la définition des unités spatiales, deux questions demeurent. La première renvoie à l'homogénéité de chaque unité spatiale, la seconde à celle de la ville patricienne, de la ville populaire et de la ville des classes moyennes 635 . La première question peut être formulée comme suit : "dans une unité considérée, toutes les rues, tous les immeubles, possèdent-ils les mêmes caractéristiques sociales ?" La seconde, au contraire, consiste à savoir si les critères sociaux qui définissent, par exemple Vaise (53), soit une zone où prédominent les catégories populaires, sont les mêmes que ceux qui se dégagent de l'étude de Villeurbanne (V). de Gerland (73) ou de Montchat et la Villette (33).

A la première question, la description d'immeubles voisins très différents, tel celui de la rue Tavernier et celui du quai Saint-Vincent, la concentration des membres des grands cercles sur les quais, les places, ou les grandes artères, ont montré qu'il n'était pas possible de répondre par l'affirmative. Il existe une hétérogénéité interne des zones géographiques 636 . Il faudra garder cette idée à l'esprit lors de l'étude statistique de la mobilité résidentielle. Certaines trajectoires ne pourront être comprises que par l'examen des adresses car l'unité spatiale ne rend pas toujours compte avec pertinence de la diversité des conditions de logement.

Pour répondre à la seconde question et tester la pertinence des regroupements opérés en fonction de la partition ternaire de la ville, j'ai calculé les indices de dissimilarité dans le cadre des unités spatiales par rapport aux groupes professionnels. Ces indices montrent qu'une assez forte homogénéité existe et qu'elle a tendance à se renforcer. L'indice de dissimilarité, comme son nom l'indique, sert à mesurer la ressemblance et la dissemblance entre deux unités statistiques 637 . Les tableaux présentant tout les indices de dissimilarité entre toutes les unités spatiales pour 1896,1911,1921 et 1936 figurent en annexe 638 . Fort de ces résultats, j'ai testé l'homogénéité interne des trois grands types urbains.

Notes
635.

Cette question de l'homogénéité des unités spatiales est classique. Voir à ce sujet Emmanuel Todd et Hervé Lebras, L'invention de la France, Paris, Hachette, 1981. En dépit des précautions initiales sur les problèmes de cartographie, les auteurs tombent parfois dans la tromperie écologique (ecological fallacy). Voir aussi Derivry Alain et Dogan Mattei, "Religion, classe et politique en France, six types de relations causales". RFSP, 1986, n° 2, p.157-181. Les auteurs ont calculé la variance qui existe entre les cantons d'un mêmedépartement pour des variables sociales et ils établissent que très souvent, le département n'est pas une unité spatiale pertinente car trop hétérogène. Voir aussi Michel Demonet. Paul. Dumont et E.Leroy-Ladurie, Anthropologie du conscrit : une cartographie cantonale (1819-1830). Annales ESC,4. juillet-août 1976, p. 700-760.

636.

Cette hétérogénéité existe même dans le cadre des bureaux de vote puisque certains d'entre eux associent des portions de quais habités par les classes aisées à des petites rues parallèles, voire à des Impasses, dont les habitants appartiennent souvent à des catégories particulièrement déshéritées, voir Jean-Luc Pinol, Espace social et espace politique. Sur le même sujet voir Olivier Zunz, Détroit en 1880, espace et ségrégation, Annales ESC, n° 1, janvier-lévrier 1977. p. 106-136.

637.

Pour une présentation détaillée de cet indice, voir l'annexe méthodologique qui figure dans l'ouvrage de Karl Taueber et Alma Taueber, Negroes in Cities. Residential Segregation and Neighborhood Change. New-York, Atheneum, 1969. 284 p. II s'agit ici de l'indice de dissimilarité relatif. Pour ce qui est de l'indice de dissimilarité absolu, ou indice de ségrégation, cf infra. Pour un exemple de calcul, voir annexe n° 9. Les tableaux des groupes professionnels dans l'espace urbain de 1896 à 1936 sont publiés en annexe n° 8.

638.

Voir annexe n°9/2.