1.Listes de retranchements

Quelle est l'organisation des listes de retranchements ? Organisées par bureau de vote, dans le cadre des arrondissements, ces listes donnent les renseignements habituels des listes électorales - adresse, date et lieu de naissance, profession- et enregistrent trois types de mouvements : les retranchements pour causes naturelles, les décès, les retranchements pour causes juridiques, faillis, condamnés, et les retranchements pour changement d'adresse. Dans ce dernier cas, la destination de l'électeur est souvent indiquée. Ce dernier renseignement est particulièrement précieux. Le tableau suivant présente un bilan global des renseignements fournis par ces listes en 1937.

Tableau n°48 : Les listes de retranchements en 1937
Tableau n°48 : Les listes de retranchements en 1937

Comme l'indique ce tableau, les opérations de retranchements se font en trois fois, afin de pouvoir tenir compte d'éventuelles réclamations. Le premier état est daté du 15 janvier, le second du 9 février et le dernier du 31 mars. Malheureusement tous ces états n'ont pas été retrouvés. Ces absences concernent le premier état du deuxième arrondissement, le dernier du troisième et le premier du septième et les deux derniers de Villeurbanne, donc des zones particulièrement peuplées, ce qui peut biaiser les résultats obtenus car les diverses causes de retranchements ne semblent pas intervenir de la même manière dans les trois états. Pour les quatre arrondissements dont tous les états ont été retrouvés, 61 % des retranchements pour changements d'adresses ont été faites en janvier, 29 % en février et seulement 10 % en mars. Pour ces quatre arrondissements, le rapport entre les retranchements pour changements d'adresse et ceux pour cause de décos est de 3,58.

En fonction des listes de retranchements retrouvées, le nombre d'électeurs rayés pour changements d'adresse est de 5134, soit moins de 4% de l'ensemble des électeurs inscrits à Lyon et Villeurbanne en 1936. Même si l'on majore ce chiffre d'un, voire de deux milliers de déplacements supplémentaires pour compenser les états non retrouvés, on est loin des 18% de retranchements que repère Alain Faure pour le Paris de 1891. A cette date, Paris compte 470000 électeurs et 83000 ont été rayés des listes parce qu'ils avaient quitté leur quartier 702 .

A quoi attribuer cette importante différence entre Paris et Lyon, le taux parisien étant le triple du taux lyonnais ? Trois explications viennent à l'esprit. Tout d'abord, il peut y avoir des différences dans la tenue des listes. Ensuite les différences chronologiques sont importantes et la fin du XIXe siècle a certainement été une période de mobilité plus intense que les années 1930 comme l'atteste l'étude de la mobilité de diverses générations pendant cette période 703 . Enfin, on pourrait invoquer une spécificité de la population parisienne ou lyonnaise... Mais entre ces explications, il est impossible de trancher.

Notes
702.

Alain Faure."Les racines de la mobilité populaire à Paris au XIXe siècle", Odile Benoit-Guilbot (sous la direction de) Changer de région, de métier, changer de quartier. Recherches en région parisienne. Nanterre, 1982, p. 103-119. Cette étude est la seule que je connaisse qui utilise les retranchements des listes électorales pour une grande ville française. Ajoutons qu'à Paris aussi certaines listes de quartiers peuplés, l'Arsenal et Clignancourt n'ont pas été retrouvés.

703.

Pourcher Guy, "Un essai d'analyse par cohorte de la mobilité géographique et professionnelle", Population, n° 2,1966. p. 357-378