Pour étudier les logiques de la migration intra-urbaine, je dispose de deux fichiers : celui des individus retranchés des listes électorales parce qu'ils s'installent à une nouvelle adresse lyonnais et celui des individus ajoutés aux listes électorales parce qu'ils arrivent d'un autre immeuble lyonnais. Le premier est un sous-fichier des listes de retranchements, le second un sous-fichier des listes d'additions. En toute logique, les résultats obtenus à partir de ces deux sous-fichiers devraient être identiques puisqu'il s'agit des mêmes mouvements, effectués par les mêmes individus, saisis une première fois en fonction du point d'arrivée - les listes d'additions - et pour lesquels le point d'origine est connu, et enregistrés une seconde fois d'après leur point de départ - les listes de retranchements - et pour lesquels le point d'arrivée est indiqué.
J'ai procédé à deux analyses des correspondances multiples, une sur chaque sous-fichier, les mêmes variables étant retenues, à chaque fois, pour tous les individus. Pour chacun d'eux, le fichier contient la taille de la commune de naissance, la zone de destination ou d'arrivée 704 , la classe d'âge et le groupe professionnel 705 . Les résultats globaux de chaque analyse sont différents. Alors que pour l'analyse effectuée à partir du sous-fichier des listes d'additions, les axes sont bien hiérarchisés, preuve que les écarts à l'indépendance sont importants, celle effectuée à partir du sous-fichier des listes de retranchements montre que les axes sont pratiquement équivalents et interchangeables, c'est à dire peu à même de fournir une quelconque explication. Pourquoi cette distorsion entre ces deux analyses alors que les résultats devraient être comparables ? L'examen des deux analyses ne peut nous donner la réponse. Il faut chercher dans une autre direction, faire la critique externe et interne du document. N'oublions pas que les listes de retranchements sont incomplètes et que les documents manquant concernent à coup sûr un nombre important de migrants intra-urbains. dont la présence aurait pu aider à dégager une logique, c'est à dire jouer sur les écarts à l'indépendance, alors qu'en leur absence, le phénomène se rapproche davantage d'un mouvement brownien, aléatoire et désordonné 706 .
On peut émettre une hypothèse : les biais ne sont dus qu'aux lacunes documentaires. Pour en tester le bien-fondé, j'ai procédé à deux nouvelles analyses portant sur les seules zones dont tous les états, ceux des listes de retranchements et ceux des listes d'additions, étaient connus. Ces analyses sont assez proches mais non parfaitement comparables. Cela signifie que les lacunes documentaires qui affectent les listes de retranchements expliquent une partie, mais non la totalité, des distorsions observées entre les migrations intra-urbaines selon qu'elles sont étudiées à partir de l'une ou de l'autre des séries statistiques. Tout semble suggérer que, au moins dans le cas des migrations intra-urbaines, les listes d'additions sont mieux tenues que les listes de retranchements 707 . L'opération qui déclenche l'addition résulte le plus souvent, selon le manuel électoral, de la décision volontaire de l'électeur potentiel alors que le retranchement est très souvent une décision d'office de la commission administrative 708 et les services municipaux ne semblent pas avoir appliqué cette obligation avec beaucoup de zèle.
Tenant compte de ces remarques, je ne commenterai, donc, ici que la seule analyse des correspondances multiples portant sur le fichier constitué à partir des listes d'additions.
Pour le troisième arrondissement, il n'a été possible de distinguer les différents espaces sociaux car l'adresse précise n'est pas fournie, ni le bureau de vote. En conséquences, la zone 61 qui inclut, habituellement, le cinquième bureau du troisième arrondissement, ne l'inclut pas dans les analyses suivantes. De plus. Villeurbanne, en raison des lacunes qui affectent les listes de cette commune n'a pas été prise en compte. Les analyses des correspondances multiples portent donc sur 13 zones spatiales et non sur 15 comme au chapitre précédent.
En fonction des données, j'ai été amené à inclure les deux agriculteurs, un dans chaque fichier, dans la catégorie divers. Le code socio-professionnel est donc un code à 12 modalités et non à 13.
Les biais provoqués par ces lacunes documentaires sont mesurables Pour ce faire, j'ai calculé les indices de dissimilarité entre les différents tris à plat. Les différences sont surtout sensibles pour les zones de destination ou d'arrivée et pour les professions. En revanche, entre les lieux de naissances et l'âge des migrants, les distorsions sont beaucoup plus ténues.
La différence entre les taux de non réponses est tout à fait significative. Alors qu'on ignore le lieu d'origine des électeurs ajoutés dans moins de 2% des cas, le lieu de destination des électeurs radiés n'est pas signalé dans 25 % des cas.
Beurdeley Paul et Benâtre Edouard, Nouveau manuel électoral, Paris, Librairie de la société du recueil général des lois et arrêts, 1904. 244 p., voir p. 48-53.