b.L'attraction des zones urbaines

Les graphiques représentent le premier plan factoriel (axes 1 et 2) et le second plan factoriel (axe 3 et 4). Seules les variables qui sont bien corrélées à chaque plan factoriel sont indiquées 710 . Sur le premier axe 711 , les migrants sont nettement classés en fonction de leur âge 712 et les natifs de Lyon se distinguent des originaires des autres communes. Sur le deuxième axe, ce sont surtout des groupes professionnels qui président à l'organisation des variables : les "services publics", avec les employés de chemin de fer, se distinguent nettement des ouvriers ou artisans, des employés et des retirés des affaires, entraînant, par là même, le placement des caractéristiques d'âge et d'origine géographique correspondantes. La combinaison de ces facteurs met en lumière les caractéristiques des migrants qui se dirigent de manière préférentielle vers huit zones urbaines.

Croquis n° 61
Croquis n° 61

Alors que les Brotteaux (zone 61) attirent cadres supérieurs, employés, classes d'âge les plus jeunes et natifs de Lyon 713 , Fourvière (zone 51), en raison de la présence d'institutions hospitalières reçoit des migrants âgés, souvent retirés des affaires et/ou nés dans des communes rurales, confortant ainsi les caractéristiques mises en lumière lors des analyses transversales 714 . Vaise (zone 53) accueille des hommes nés dans des communes rurales, des employés des services publics et des hommes sans grande qualification, employés dans les services. La partie du deuxième arrondissement située derrière les voûtes de Perrache (zone 22) est très liée aux employés de chemin de fer. La partie du septième arrondissement située à l'Est et au Sud de la voie ferrée (zone 73) a des caractéristiques voisines mais moins tranchées, surtout les ouvriers s'y installent plus fréquemment 715 . Le plateau de la Croix-Rousse (zone 42) est la zone de destination d'électeurs encore plus âgés, ouvriers ou artisans. Sur l'axe 2, la partie la plus ancienne du septième arrondissement (zone 72) s'en distingue assez peu mais sur l'axe 1, elle est plus proche de la variable employés. Sur ce premier plan factoriel, les autres zones, à l'exception du troisième arrondissement, (zone 3), qui combine des zones socialement différentes, sont mal expliquées.

Croquis n° 62
Croquis n° 62

Le second plan factoriel permet de dégager les caractéristiques d'autres zones urbaines ou de confirmer des éléments déjà présents sur le premier plan. Tel est le cas des Brotteaux (zone 61), particulièrement bien représentés sur ce plan et dont le lien privilégié avec les classes moyennes ou supérieures s'affirme. Si sur l'axe 4, le centre de la presqu'île (zone 21) et les Brotteaux sont presque au même niveau, sur l'axe 3, la presqu'île est beaucoup plus proche des négociants et industriels. Les pentes de la Croix- Rousse (zone 12) attirent ouvriers ou ouvriers ou artisans. Cette tendance a déjà été constatée lors de l'étude des listes électorales de 1936. Les pentes du premier arrondissement se distinguent peu, sur ce plan factoriel, de la partie la plus ancienne du septième arrondissement (zone 72). éloignée géographiquement mais socialement proche. Au contraire, les bureaux de vote qui entourent la place des Terreaux (zone 11) sont géographiquement proches et socialement plus éloignés puisqu'ils attirent tout autant des négociants que des manoeuvres. Cette attraction sociale ambivalente résulte de la coexistence dans ces bureaux de logements de standing très différents. La description de l'immeuble du 46 quai Saint-Vincent et celle de l'immeuble de la rue Tavernier en ont fourni un exemple concret.

Ces analyses révèlent un point essentiel : les zones urbaines attirent, parmi les migrants intra-urbains, ceux qui sont les mieux à même de s'adapter à leur nouvelle zone de résidence. Cette constatation revient à dire que les migrations internes, non seulement ne remettent pas en cause les logiques de l'organisation de l'espace urbain, mais que, au contraire, elles les renforcent. En accentuant les caractéristiques sociales dominantes de chaque zone urbaine, la mobilité résidentielle conforte les clivages traditionnels des espaces résidentiels.

Notes
710.

Les variables ont été classées par ordre croissant en fonction de la somme de la "qualité de la représentation" sur chaque axe. (la corrélation à chaque axe, au carré). Par exemple, la qualité de représentation sur l'axe1 de la zone urbaine 12 (les pentes de la Croix-Rousse) est de 0,002 et elle est de 0,021 sur l'axe 2. Cette zone n'est donc pas représentée sur le premier plan factoriel. Au contraire, la zone 53 (Vaise) est bien représentée : sur l'axe 1, la corrélation n'est que de 0,027 mais sur l'axe 2. elle atteint 0,109.

711.

Les quatre premiers axes expliquent respectivement 5,1%, 4,6%, 4,2% et 4% de l'inertie totale. En cas d'indépendance complète, ces axes n'expliqueraient que 2,2% de cette inertie.

712.

Les classes d'âge 61 -70 et plus de 71 sont très éloignées du zéro car leur poids est faible.

713.

Rappelons une fois encore que cela ne signifie pas que les natifs de Lyon, de loin les plus nombreux parmi les migrants intra-urbains - ils représentent 43.4 % de l'ensemble de ces migrants - désertent les autres arrondissements, mais que par rapport à l'effectif théorique que laisse présager la matrice, ils y sont sous-représentés. Ce que met en lumière analyse des correspondances multiples, ce sont les écarts à l'indépendance.

714.

Voir croquis n° 54.55,56.57.

715.

Alors que l'effectif théorique des ouvriers qui s'installent dans cette zone devrait être de 8, il y en a 14, c'est à dire près du double.