c.L'Immigration

Les Immigrants

Alors que les migrants intra-urbains ne se dirigent que très rarement vers les zones périphériques de la ville 729 , les immigrants s'y installent beaucoup plus fréquemment. Les Lyonnais qui déménagent ont tendance à se rapprocher du centre urbain ancien alors que les immigrants se dirigent principalement vers les zones périphériques où l'offre de logements est plus forte, sans doute aussi plus libre car moins soumise, en raison même de la date plus tardive de construction, aux décisions qui ont frappé les loyers depuis la première guerre mondiale. Plus la part de logements neufs est grande - et tel est le cas des quartiers périphériques - plus la fluidité du marché du logement est forte. Les nouveaux venus, à la différence des Lyonnais qui déménagent, ne disposent pas toujours des réseaux nécessaires à une installation dans le centre ville et se retrouvent ainsi rejetés vers les quartiers les plus neufs. Les immigrants diffèrent également des Lyonnais en matière de composition sociale.

Tableau n° 52 : Composition sociale des électeurs, des migrants Intra-urbains et des Immigrants.
Tableau n° 52 : Composition sociale des électeurs, des migrants Intra-urbains et des Immigrants.

Pour les migrants intra-urbains, la composition sociale est proche de celle de l'ensemble de l'électoral en 1936 comme le montre la faiblesse de l'indice de dissimilarité mais les immigrants se distinguent nettement de ces deux populations. Alors que les négociants et industriels sont, proportionnellement, plus nombreux parmi les habitants de Lyon, les cadres supérieurs sont, toujours proportionnellement, nettement plus nombreux parmi les nouveaux venus. Les techniciens et cadres moyens sont aussi nombreux dans les deux groupes. Parmi les nouveaux venus, trois catégories sont nettement sous-représentées : les employés, les ouvriers et artisans et les ouvriers. La distorsion est, d'ailleurs, beaucoup plus importante pour les employés et ouvriers ou artisans que pour les ouvriers. La tendance est exactement inverse pour les petits commerçants et surtout pour les services publics, proportionnellement deux fois plus nombreux parmi les migrants inter-urbains que parmi les migrants intra-urbains. Dans la population totale, la part des natifs de Lyon varie nettement d'un groupe professionnel à l'autre, nombreux parmi les employés, ils sont rares parmi les petits commerçants... Cela explique les distorsions constatées entre migrants intra-urbains qui comptent 43,4 % de natifs de Lyon et les immigrants qui n'en comptent que 10,5 % 730 . En fait se confirme, une fois encore, l'explication fondamentale de l'immobilisme structurel de la société lyonnaise. Cet immobilisme n'est pas le résultat d'une société fermée démographiquement sur elle-même mais découle en fait de l'homogénéité globale de la zone de recrutement des nouveaux venus. Il existe des échanges entre la métropole rhodanienne et l'extérieur mais ils se développent toujours selon les mêmes logiques, assurant à la grande ville sa patine faite d'immutabilité et de permanence. Cependant, il serait hasardeux de déduire de cette stabilité structurelle une immobilité des individus.

Croquis n° 65
Croquis n° 65

L'examen des zones de destination, dans Lyon, de ces nouveaux venus, en fonction de la taille de leur commune de naissance, de leur âge, de leur profession montre bien que les migrants inter-urbains ne peuvent remettre en cause les logiques de l'organisation sociale et spatiale de la ville. Sur le premier plan factoriel, tant les Brotteaux (zone 61) que le centre de la presqu'île (zone 21) apparaissent comme les zones de destination privilégiées pour les cadres supérieurs et les techniciens cadres moyens, pour les urbains ou pour les natifs de Lyon, qui y reviennent après un séjour, plus ou moins long, hors de leur ville de naissance. Fourvière (zone 51) n'est pas très éloignée mais sa position est différente sur l'axe 2, toujours conditionnée par les personnes âgées et/ou retirées des affaires. Encore une fois, Vaise, (zone 53), se distingue du reste du cinquième arrondissement, puisque, là, ce sont des ruraux, ouvriers ou manoeuvres, qui s'installent, accompagnés du traditionnel contingent d'employés de chemin de fer. Le même modèle se retrouve, mais à des degrés divers, à l'est et au sud du septième arrondissement (zone 73), au sud de la presqu'île (zone 22) ou sur plateau Croix-Roussien (zone 42).

Comme les migrations intra-urbaines, l'immigration n'est pas susceptible de bouleverser les structures sociales. Les mutations provoquées, même si elles portaient sur des effectifs plus nombreux, ne pourraient pas modifier l'organisation sociale de la ville car elles accompagnent, plus qu'elles ne contredisent, les lignes de force de la société lyonnaise.

Notes
729.

Pour ces calculs, j'ai dû éliminer le troisième arrondissement et Villeurbanne.

730.

Les natifs de Lyon qui ont quitté leur ville de naissance n'y reviennent que rarement. Bien que les individus dans ce cas ne soient que 44 individus, il est clair que. parmi eux. les non-manuels sont surreprésentés.