A l'examen des groupes socio-professionnels et de leur propension à quitter la ville, les constantes mises en évidence pour la première cohorte se trouvent confirmées mais certaines inflexions soulignent l'impact de la conjoncture sur cette génération. Contrairement à ce que révélait la première cohorte, les individus pour lesquels aucune profession n'a été indiquée en 1921 n'ont pas un taux de départ différent de celui de l'ensemble de la seconde cohorte. Entre 22 et 27 ans, il est respectivement de 88 et 89 pour mille. Cela renvoie en fait à ce que sont les électeurs de la seconde cohorte sans indication professionnelle. Le fait que nulle indication professionnelle n'ait été portée sur les listes électorales - en fait, il y a très souvent la mention militaire - correspond à de nouvelles habitudes administratives pratiquées dans le troisième arrondissement. Ces électeurs ne sont donc pas des migrants en puissance comme l'étaient les électeurs sans indication professionnelle de la première cohorte mais des électeurs aussi intégrés à la société lyonnaise que l'ensemble de l'échantillon.
Le taux d'émigration des étudiants demeure élevé mais il diminue très sensiblement par rapport à la première cohorte. Cette catégorie socio-professionnelle enregistre deux transformations importantes : d'une part, le poids des étudiants dans l'échantillon augmente sensiblement de la première à la seconde cohorte, passant de 9% à 12%. d'autre part la part des natifs de Lyon progresse sensiblement d'un tiers à la moitié. Ce changement dans le recrutement explique, à l'évidence, la baisse sensible de l'émigration de la catégorie 776 . Au contraire, le groupe des techniciens et cadres moyens 777 semble plus attiré par l'émigration, surtout avant trente ans. Faut-il y voir le reflet de l'influence régionale de Lyon qui exporte ses cadres dans les petites villes de la région comme l'a suggéré l'analyse transversale de l'émigration ?
Les deux groupes les plus nombreux, ouvriers et employés, ont comme pour la première cohorte des taux d'émigration assez différents et le départ des employés est sensiblement plus faible. Est-ce, une fois de plus, la résultante de l'utilisation dans les calculs d'un taux de mortalité générale pour des groupes socio-professionnels différents ou retrouve-t-on les explications évoquées pour la première cohorte, à savoir des chances de mobilité professionnelle différentes ?
En 1921, on compte 205 ouvriers dans la cohorte, 74, soit 36% de l'effectif initial, sont toujours présents en 1936 ; 57 d'entre eux, soit 77%, sont toujours ouvriers. Les employés sont moins nombreux. Ils sont 101 en 1921 et il en reste 41, soit 41% de l'effectif initial, en 1936. Parmi eux, 29, soit 71%, sont toujours employés. Les chiffres confirment donc l'hypothèse émise d'une émigration liée aux chances de mobilité professionnelle. La courbe de l'émigration des ouvriers est assez exceptionnelle. De toutes les courbes, elle est la seule qui progresse nettement entre 27-32 ans et 32-37 ans, passant de 34 pour mille à 46 pour mille. Cette évolution, qui se produit entre 1931 et 1936, est due à la détérioration du marché du travail. Que l'on se souvienne des remarques de Nizan qui voit revenir vers leur Bresse natale d'anciens ouvriers lyonnais. Cette poussée d'émigration des électeurs initialement inscrits comme ouvriers, et le plus souvent restés ouvriers, coïncide parfaitement avec les données sur l'émigration fournies par la coupe dans les listes de retranchements aux listes électorales. L'âge moyen des ouvriers émigrants. d'après cette source, est précisément de 38 ans 778 , exactement l'âge des générations 1899-1900 en 1937. Approche longitudinale et approche transversale se confirment l'une l'autre.
On ne sera pas étonné par la lecture de la courbe des manœuvres. On se souvient que la démarche transversale soulignait l'âge avancé des manœuvres qui quittaient Lyon, phénomène confirmé par les résultats de la première cohorte. Au contraire, le taux d'émigration des manœuvres de la seconde cohorte baisse régulièrement en fonction de l'âge même s'il est toujours à un taux beaucoup plus élevé que le taux moyen et surtout beaucoup plus élevé que celui des manœuvres de la première cohorte, à âge égal. Entre 22 et 27 ans, ce taux était pour la première cohorte de 47 pour mille, il est de 109 pour mille pour la seconde, entre 27 et 32 ans, les taux sont respectivement de 40 et de 72. Dans les deux cas, le rapport est donc pratiquement de 1 à 2 entre la première et la seconde cohorte.
L'impact de la conjoncture est donc très perceptible, surtout entre 1921 et 1926. lorsque ces jeunes manœuvres arrivent sur le marché du travail. Alors que pour la première cohorte, ces âges correspondaient à un taux très inférieur au taux moyen, pour la seconde cohorte, le taux est nettement supérieur au taux moyen, traduction vraisemblable des difficultés rencontrés par de jeunes non-qualifiés au lendemain de la guerre, dans le contexte de la crise de 1921. Avec les petits commerçants, on retrouve sans conteste le même modèle que pour la première cohorte. Dans les deux cas, les taux observés pour les petits commerçants sont, de loin, les plus bas de tous les taux observés.
L'analyse des étudiants est reprise en XI.C.2 et XII.E.5.
Leur faiblesse numérique dans la première cohorte n'a pas permis de calculer de taux d'émigration pour cette cohorte.
Voir VIII.B.5.d et e.