1.Première cohorte : l'avenir est à l'Est

Le tableau permet de suivre la répartition dans les quinze zones urbaines déjà définies 816 des 253 individus de la première cohorte qui résident sans interruption à Lyon. J'ai indiqué également quelle était la répartition de l'ensemble de la population électorale (coupe transversale) aux deux dates extrêmes.

Tableau n° 65 : Répartition de la population dans les différents quartiers, suivi longitudinal de la première cohorte et coupes transversales, 1896-1911, chiffres absolus
Tableau n° 65 : Répartition de la population dans les différents quartiers, suivi longitudinal de la première cohorte et coupes transversales, 1896-1911, chiffres absolus

Globalement, il y a glissement du poids démographique de l'Ouest vers l'Est de l'agglomération. Le phénomène est évident, quelle que soit la méthode retenue, transversale ou longitudinale, mais le suivi de la cohorte montre bien que les classes d'âge les plus jeunes accompagnent, voire anticipent cette évolution générale. Alors que la rive droite conserve le même nombre d'habitants d'après les deux coupes transversales, les électeurs de la cohorte sont nombreux à quitter le quartier, à franchir la Saône pour s'installer ailleurs. Dans la presqu'île, le devenir de la cohorte et l'évolution générale sont parallèles mais sur la rive gauche, le nombre des membres de la cohorte se réduit légèrement alors que la population globale augmente. Dans la périphérie, zone de forte croissance, les deux évolutions sont parfaitement similaires. Au total, la cohorte rend assez bien compte de la tendance générale et. en particulier, le glissement de la cohorte vers l'Est accompagne la croissance de la population non-native de Lyon et Villeurbanne dans la zone périphérique. De plus, comme avant la guerre, les immigrants se répartissent assez équitablement dans l'espace urbain, on ne repère pas de distorsions majeures entre les deux évolutions.

Comment s'opère ce glissement de l'Ouest vers l'Est des individus de la cohorte ? Assiste-t-on à un transfert direct de la population de la partie occidentale à la partie orientale ou bien le mouvement s'effectue-t-il par une série de réactions en chaîne ? Pour répondre à cette question, il faut analyser le tableau suivant qui croise les quatre grandes unités définies, en fonction de la population qui y réside en 1896 et en 1911.

Tableau n° 66 : Les échanges entre les grandes zones urbaines : première cohorte (en colonnes zones en 1896, en lignes zones en 1911)
Tableau n° 66 : Les échanges entre les grandes zones urbaines : première cohorte (en colonnes zones en 1896, en lignes zones en 1911)

II est clair que les individus qui quittent la rive droite s'installent surtout sur la rive gauche mais que la presqu'île, et plus encore la périphérie, sont pour eux, plus répulsives qu'attractives 817 . Pour les électeurs qui quittent la presqu'île, la rive gauche est également la seule zone attractive. Pour les électeurs de la rive gauche qui abandonnent cette zone, deux directions sont prépondérantes et un simple examen des chiffres absolus semblerait indiquer qu'ils se dirigent plutôt vers la presqu'île or, en fonction des marges du tableau, il est clair que la plus forte attraction, sur cette zone, est exercée par la périphérie. Cette dernière zone enfin, accueille mais ne redistribue pas d'électeurs vers les autres zones. Au total, le modèle qui se dégage est bien une série de réactions en chaîne : la population de la presqu'île et de la rive droite s'installent sur la rive gauche, abandonnée par une partie de sa population qui s'est déplacée vers la périphérie, en voie d'urbanisation active. Il ne faut pas, cependant, perdre de vue que ce modèle ne concerne que 30% des membres de la cohorte et que 70% des électeurs étudiés demeurent dans la même grande zone pendant quinze ans. Néanmoins, pour les membres de la première cohorte, s'ils abandonnent les lieux où ils vivaient à vingt ans, et pour les Lyonnais d'origine, s'ils rompent avec ce qui a été le plus souvent le milieu de leur enfance, où s'est déroulée leur scolarité, leur apprentissage de la ville, l'avenir est à l'Est...

Notes
816.

voir carte n° 15.

817.

En raison de l'importance des effectifs situés sur la diagonale du tableau, les contributions au Khi-deux des cases du tableau non situées sur cette diagonale sont toutes négatives. En ce sens, on ne peut pas parler d'attraction mais plus exactement de répulsion plus ou moins prononcée. Cependant, j'utilise ici le mot attraction qui au sens strict doit s'entendre comme répulsion relativement faible. Sur la contribution des cases au Khi-deux, voir Philippe Cibois, L'analyse factorielle, p.21-25.