Afin de d'apprécier les trajectoires des individus, il a fallu construire une échelle de l'ensemble des trajectoires possibles entre les groupes professionnels et repérer les trajectoires ascendantes, descendantes ou stables. Le calcul des indices de dissimilarité résidentielle a permis de souligner l'organisation et la permanence de la hiérarchie des différents groupes professionnels. En se fondant sur ces résultats, j'ai défini mobilité ascendante et mobilité descendante 871 . Le tableau suivant résume l'ensemble des définitions retenues.
Le code retenu ayant 13 groupes socio-professionnels, 169 trajectoires sont théoriquement possibles. Trente et une trajectoires sont définies comme ascendantes, trente et une comme descendantes et treize comme stables. Les autres trajectoires n'ont pas été définies. Certaines d'entre elles ne sont que des potentialités et ne sont jamais attestées dans la réalité mais dans de nombreux cas, correspondant à des flux effectivement constatés, rien ne permet de caractériser positivement ou négativement ces trajectoires. Peut-on dire qu'un employé qui devient petit commerçant est un mobile ascendant ou descendant, et que dire de la trajectoire inverse ? Difficile d'affirmer qu'un ouvrier ou artisan qui devient ouvrier recule sur l'échelle sociale alors que la trajectoire inverse serait une progression : trop de flou existe autour des appellations pour pouvoir défendre une telle prise de position. Au contraire, j'ai pensé qu'un électeur inscrit comme ajusteur, ou tourneur, qui était inscrit cinq ans plus tard comme manoeuvre ou homme de peine avait enregistré une régression de sa position sociale. Dans ce dernier cas, la trajectoire est définie comme descendante mais dans les cas précédents, je la qualifierai de mobilité horizontale, changement d'activité professionnelle sans signification sociale évidente ou quasi-immobilité. Sont ainsi définies toutes les trajectoires que peut suivre un individu. Il est certain qu'il s'agit là d'une réduction de la réalité puisque des individus différents ont pu vivre et ressentir diversement des trajectoires qui, au niveau où elles sont analysées, sont parfaitement identiques mais c'est là une limite qu'il impossible de faire reculer, induite par toute approche statistique.
Tous les chiffres que je vais maintenant indiquer dépendent directement de la nomenclature professionnelle que j'ai construite - arithmétiquement, plus une nomenclature a de catégories différentes, plus la mobilité a des chances d'être importante - et des définitions que j'ai retenues pour la mobilité. Un taux de mobilité, professionnelle ou sociale, n'a de sens que par rapport aux instruments qui permettent de l'étudier. Si j'avais retenu un code à deux catégories, manuels/non-manuels par exemple, la mobilité que j'observerais serait plus faible que celle que permettra de calculer ce code à 13 positions. Afin de mesurer l'évolution de la mobilité professionnelle, j'ai effectué une série de tris croisés portant sur les positions professionnelles des individus lors des observations successives, entre 1896 et 1901, entre 1901 et 1906, etc 872 ..., puis les effectifs correspondant aux diverses trajectoires ont été additionnés afin de dresser le tableau du rythme des différents changements professionnels survenus pendant la période étudiée 873 .
II s'agit ici de mobilité professionnelle ou intra-générationnelle mais je conserverai la même échelle pour la mobilité sociale ou inter-générationnelle.
Les résultats bruts de ces tris se trouvent annexe n° 14.
De fait, en raison de l'importance des non-réponses au début de l'observation, les calculs ne portent que sur les individus présents aux dates retenues et pour lesquels une indication professionnelle a été indiquée. Concrètement, les calculs ont été faits en supprimant le groupe divers, et les tableaux, correspondant au croisement de deux nomenclatures à 12 positions, ont donc 144 cases.