L'analyse des tables de mobilité a donné lieu à une très abondante littérature dont l'objectif est de mesurer ce qui dans la mobilité est induit par les transformations structurelles et ce qui est indépendant de ces transformations, souvent appelé circulation ou mobilité pure 874 . Ces réflexions ont plus souvent été développées à propos de la mobilité sociale ou inter-générationnelle qu'à propos de la mobilité professionnelle ou intra-générationnelle, mais elles valent dans les deux cas. De très nombreux indices, plus ou moins sophistiqués ont été construits afin de faire le départ entre les mobilités structurelles et circulation 875 . La plupart tiennent compte de la •contrainte par les marges'. En effet, une fois, la table de mobilité établie, il est clair que les totaux marginaux pèsent sur les effectifs que l'on peut s'attendre à trouver pour chaque case du tableau 876 . Tenant compte de cette 'contrainte par les marges*, on peut calculer l'immobilité maximale 877 en optimisant les effectifs qui se trouvent sur la diagonale de la table de mortalité. En prenant par exemple comme base la première table établie pour la première cohorte 878 , on peut obtenir facilement le chiffre maximal de la case employé-employé. Au nombre de 144 en 1896, les employés sont 140 en 1901. Le chiffre observé dans la case située à l'intersection de la ligne et de la colonne ne peut donc être supérieur à 140. De même pour la case ouvrier-ouvrier, le maximum possible est 95. Lorsque l'on additionne l'ensemble des résultats, on obtient l'immobilité maximale. Dans ce cas précis, elle est de 451. En fait, les calculs ne portant pas sur les individus appartenant au groupe divers, l'immobilité maximale est de 425. Pour cette même période, 395 individus n'ont pas changé de groupe, ce chiffre correspond à l'immobilité observée. Le rapport de l'immobilité observée à l'immobilité maximale est appelé indice d'immobilité. Dans le cas présent il est égal à 395/425 = 0,92. Cet indice varie de 0 à 1. Si l'immobilité observée est maximale, et conforme à l'évolution des marges, l'indice vaut 1 ; si l'immobilité observée est minimale, l'indice vaut 0. Il est clair que dans le cas présent, l'immobilité est assez proche de son maximum 879 .
Bien que l'indice d'immobilité ait été critiqué 880 dans son application aux tables de mobilité sociale, je pense qu'il fournit de façon assez simple une indication synthétique 881 . Les deux tableaux suivants retracent l'évolution de l'indice d'immobilité professionnelle des deux cohortes pour chaque période d'observation.
L'effet de l'âge est évident dans le processus de mobilité, et il est naturellement plus perceptible pour la première cohorte car l'observation se déroule sur des existences presque complètes. A comparer les deux cohortes, on ne repère aucune tendance bien nette pour la première alors que pour la seconde, l'indice progresse à chaque période d'observation, passant de 0,90 entre 21 et 26 ans à 0,96 entre 31 et 36 ans. Le rythme ici est clair et on peut supposer que la viscosité de plus en plus forte de la société est liée à la dégradation du marché de l'emploi pendant les années 1930. Au total, si l'immobilité - et donc la mobilité - sont de même niveau pour les deux cohortes pendant les quinze premières années d'observation, le rythme des phénomènes est pratiquement inversé : pour la première cohorte, la mobilité a surtout des chances de se réaliser autour de la trentaine alors que, pour la seconde, les chances se dégraderaient plutôt au même âge.
La mobilité pure est égale à la mobilité totale moins la mobilité structurelle.
La mise au point la plus récente est, à ma connaissance, Hout Michael, Mobility Tables, Beverly Hills, Sage Publications, 1983, 94 p. Cet ouvrage présente les principales recherches antérieures. Voir aussi Boudon Raymond, Mathematical Structures of Social Mobility. Amsterdam, Elsevier Scientific Publishing Company, 1973.160 p. et Claude Thétot, Tel père, tel fils ? Dunod, 1982,250 p. où les problèmes d'indices sont surtout abordés p. 48 et sq.
Selon les mêmes règles que celles qui sont à la base des calculs du Chi 2.
Je pensais pouvoir élargir ces remarques à un calcul de la mobilité ascendante théorique maximale et de la mobilité descendante théorique maximale. L'indice que j'ai essayé de construire était inspiré des remarques de Raymond Boudon à partir de tableaux de 9 cases mais appliqué à des tableaux de plus grande taille ce type d'indice se révèle instable.
Voir annexe n° 14.
Au sens strict la définition de l'indice d'immobilité (appelé parfois Indice Boudon) est égal au rapport (immobilité observée - immobilité minimale) sur (immobilité maximale - Immobilité minimale). L'immobilité minimale étant dans la plupart des cas égale à zéro, le rapport entre immobilité observée et immobilité maximale est une bonne approximation.
Voir surtout Claude Thélot, op. cit. p. 50-52, qui conclut, après avoir mis en cause les postulats qui le sous-tendent, que le calcul d'un tel indice est fondé.
Les critiques portent essentiellement sur le fait de savoir si les pères et les fils - cet indice est davantage utilisé pour la mobilité inter-générationnelle que pour la mobilité intra-généralionnelle - donne une bonne approximation de la structure sociale. Comme je travaille, ici, sur l'immobilité professionnelle, il s'agit non pas des pères et des fils mais des mêmes individus à des âges différents.
J'ai mis précédemment en évidence la distorsion de la structure sociale de la cohorte et de celle de la génération correspondante. Quel est l'impact de cette distorsion sur l'indice d'immobilité de chacune des cohortes ? J'ai pris en compte deux périodes de quinze ans, 1896-1911 et 1921-1936. Voir les tableaux, annexe n° 17. L'indice d'immobilité correspondant aux marges figure en gras dans les deux tableaux suivants. Il est de 0,75 pour la première cohorte et de 0,77 pour la seconde. Ensuite, j'ai refait les calculs en affectant aux marges horizontales des tableaux tes valeurs qu'elles auraient eu si la structure sociale avait été celle de la génération et non celle de la cohorte. Pour la marge verticale,il n'y a pas lieu de substituer la structure sociale de la génération a celle de la cohorte puisque, par construction, génération et cohorte sont identiques. Prenons un exempte afin de mieux expliquer comment j'ai procédé pour ce calcul. La marge horizontale du tableau 1896-1911 indique qu'il y a 88 employés en 1911- en fait 83 puisque les divers sont exclus de ces calculs. Dans le premier cas la valeur maximale de la case employé- employé est donc 83 : la marge verticale est de 94-10 individus classés dans le groupe divers, soit 64.
En 1911, les employés, représentent 28% des individus de la génération 1872-1875. Si cette structure était celle de la cohorte, il y aurait donc 28% des 253 individus concernés, soit 73 individus. De ce fait, la valeur maximale de la case employé-employé ne serait donc plus 83 mais 73. Dans ces conditions l'immobililé maximale diminuerait de 266 à 236 pour la première cohorte et de 182 à 162 pour la seconde et les deux indices d'immobilité seraient de 0.84 et de 0,87 et non pas de 0,75 et 0,77. La distorsion a donc un impact non négligeable qui confirme ce que le début de ce chapitre suggérait : l'immobilité est plus faible chez les membres de la cohorte que chez les individus de la même génération arrivés plus tard à Lyon ou, pour te dire autrement, être à Lyon à vingt ans et y rester augmente les chances de mobilité professionnelle. Le strict parallélisme de révolution des deux cohortes est également à retenir. L'Immobilité de la génération est supérieure de quelques 10% à l'immobilité de la cohorte. Ce résultat est important. Dans la première cohorte, l'observation a montré que. après quinze ans. 67% des individus n'avaient pas changé de position, dans la seconde cohorte, le pourcentage est le même. 68%. Si les membres de la génération correspondante ont une immobilité plus forte de quelques 10%. cela signifie que tes trois quarts d'entre eux auraient conservé la même profession entre 21 et 36 ans