4. Mobilité et migration

Un des points importants des recherches sur les mobilités est de mesurer l'impact du lieu de naissance sur le devenir des individus. Je ne peux dans les deux cohortes étudier les lieux de naissances en fonction de la taille de la population agglomérée au chef-lieu. Je peux cependant distinguer les carrières des natifs de Lyon et celles des non-natifs, toutes communes confondues. Les deux tableaux suivants permettent d'analyser la mobilité professionnelle de ces deux populations.

Tableau n° 77 : Mobilité professionnelle des Lyonnais et non-Lyonnais
Tableau n° 77 : Mobilité professionnelle des Lyonnais et non-Lyonnais

Les divergences sont d'une netteté aveuglante pour la première cohorte : si la mobilité est la même dans les deux populations, les mobiles nés à Lyon ont toutes les chances d'améliorer leur position sociale pendant les quinze d'observations alors que ceux qui n'y sont pas nés risquent plutôt de voir leur situation se dégrader. Pour les natifs de 1899-1900, les résultats sont beaucoup moins limpides mais il semble bien que la naissance dans la ville où se déroule la carrière ne soit plus du tout un avantage. A l'examen de la liste des communes de naissance de la première et de la seconde cohorte, rien ne permet d'opposer les communes de naissance des électeurs nés en 1872-1875 à celles des électeurs nés en 1899-1900. Leurs tailles ne sont pas sensiblement différentes. On aurait pu s'attendre à ce qu'il y ait une surreprésentation des natifs des petites communes rurales parmi les migrants de la première cohorte et des migrants des grandes villes parmi ceux de la seconde. Il n'en est rien. Dans les deux cas l'échantillon est essentiellement constitué d'urbains. Je ne donnerai pas d'explication à cette homogénéisation des carrières de la seconde cohorte, si ce n'est, peut-être, une interprétation très, voire trop, générale mettant en avant l'uniformisation des modes de vie urbains et la plasticité croissante des hommes qui y voient le jour. On pourrait aussi suggérer que vingt ans d'école républicaine ont contribué à homogénéiser aspirations et chances des individus.

Les réflexions précédentes sont directement inspirées par les recherches des sociologues sur la mobilité sociale. Elles permettent de situer le cadre dans lequel s'opèrent les transformations mais il faut maintenant revenir aux individus , s'intéresser au devenir concret des membres des deux cohortes. Les indices synthétiques, comme l'indice d'immobilité, risquent de masquer des réalités très différemment vécues par les contemporains et il est temps d'observer à loupe les itinéraires individuels.