XII. TEL PERE, TEL FILS ?

A. Méthode

Pour étudier la mobilité sociale, j'ai sélectionné les individus qui dans les deux cohortes étaient présents pendant quinze ans à Lyon et qui étaient natifs du département du Rhône. Dans ce sous-échantillon de la première cohorte, les natifs du Rhône représentent 71% ; pour la seconde cohorte, ce pourcentage est de 75%. Cette légère progression entre les deux générations est due aux natifs de Lyon et de Villeurbanne dont le poids augmente : 61% dans le premier cas et 71% dans le second. Ce choix interdit d'analyser le rôle de la migration dans la mobilité sociale mais il contribue à homogénéiser les individus dont les trajectoires pères-fils vont être étudiées : tous sont nés dans une grande agglomération ou à proximité immédiate. Par ailleurs, ne prétendant pas donner une mesure exacte de la mobilité sociale mais plutôt comparer deux échantillons, j'ai essayé d'éliminer tous les effets parasites qui auraient pu biaiser cette comparaison. Les deux échantillons ont été construits selon les mêmes critères.

Une chose est de faire une coupe dans des documents, autre chose de retrouver des individus précis. La démarche suivie se rapproche davantage de la reconstitution de famille ou de la démarche généalogique. Elle en a les avantages, elle en a aussi les difficultés. Retrouver un individu est chose délicate 905 . Au total, je n'ai pas retrouvé 9 individus sur les 250 de la première cohorte et tous ont été retrouvés pour la seconde.

L'utilisation des actes de naissance 906 me semble préférable à celle des actes de mariage pour étudier la mobilité sociale. Utiliser les actes de mariage comporte certains biais. Outre le fait que tous les individus ne se marient pas, et pas forcément dans la ville où se déroule leur carrière, il en est un plus fondamental. Réfléchissant sur les méthodes permettant d'étudier la mobilité sociale, Georges Dupeux avait naguère attiré l'attention sur les risques de comparaison d'un père et de son fils à des moments différents de leur carrière, ce qui amènerait à ne pas séparer mobilité inter et intra-génération 907 , à d'attribuer au fils une mobilité qui serait en fait l'oeuvre de son père. Voici un exemple. Cet homme est employé de commerce à 28 ans, il a un fils. 28 ans plus tard le fils se marie. L'acte de mariage indique que le fils est employé de commerce et que son père, âgé de 56 ans, est négociant. Si l'on retient les professions de l'acte de mariage, il faudra conclure à une mobilité descendante mais si l'on retient celles de l'acte de naissance la conclusion sera la stabilité. On le voit, à mêler mobilité intra et inter-génération, les risques de mauvaise lecture du phénomène sont grands. J'essaierai donc, dans la mesure du possible, de comparer père et fils à âge égal.

Notes
905.

Avoir choisi pour la première cohorte des individus nos quatre années différentes n'a pas été pas très judicieux. D'une part, iI y a une petite différence d'âge entre les individus mais surtout. il y a des inconvénients pratiques : j'ai dû consulter les registres de naissances de quatre années pour la première cohorte et seulement de deux pour la seconde. Le gain de temps a été important, d'autant plus que les premiers ont été consultés aux archives et les seconds au greffe du tribunal où la consultation est plus aisée.

906.

Une fois les deux populations sélectionnées, j'ai recherché leurs actes de naissance aux archives départementales du Rhône pour la première cohorte et au greffe du Tribunal Civil de Lyon pour la seconde. Pour les électeurs nés en 1873 à Villeurbanne, je n'ai pas retrouvé les actes de naissance aux archives départementales. Je les ai consultés à la mairie de Villeurbanne.

Pour la première cohorte, les documents concernant trois communes du Rhône semblent ne pas avoir été déposés aux Archives. Les vrais non-retrouvés sont tous des Lyonnais pour lesquels l'arrondissement de naissance n'était pas connu et qui m'ont échappés. Somme toute, le déchet est faible. Pour la seconde cohorte, trois individus qui dépendaient du tribunal de Villefranche n'ont pas été recherchés. Tous les autres ont été retrouvés.

907.

Dupeux Georges, "L'étude de la mobilité sociale, Quelques problèmes de méthode" Conjoncture économique, structures sociales, hommage à Ernest Labrousse, Paris, Mouton, 1974, p. 79-90.