I1.1 La « main invisible » d’Adam Smith : science économique ou croyance philosophique ?

Pour Adam Smith d’abord philosophe avant d’être économiste, c’est l’initiative individuelle qui est à l’origine de « la richesse des nations » : si chaque individu agit égoïstement pour soi, cela conduit, par le jeu du marché à un maximum de satisfaction pour l’ensemble. Mais derrière la volonté de nombreux économistes de démontrer « scientifiquement » l’optimalité du système de concurrence pure, il y a bien une préférence d’ordre philosophique pour l’individu plutôt que pour le groupe. L’individualisme est certes une valorisation du « chacun pour soi », mais c’est aussi la croyance que l’homme ne met jamais autant en avant ses qualités propres (initiative, responsabilité, dynamisme) que lorsqu’il agit pour son intérêt propre. Par la suite, on pourra être réticent à accepter l’idée d’une « main invisible » qui veillerait au bon fonctionnement du marché dans son ensemble. Mais on peut aussi trouver Adam Smith de bon sens, lorsqu’il essaye de démonter que pour ce qui concerne l’allocation de la richesse strictement économique dans et entre les industries, les lois du marché n’ont pas d’égal.

Les travaux de Walras et de Pareto ont par la suite donné à l’idée de la « main invisible » du marché un contenu plus analytique, ouvrant la voie aux développements systématiques et rigoureux de la théorie néoclassique. Leurs analyses théoriques des conditions d’équilibre du système « économie de marché » se sont cantonnées à un cadre statique 16  : l’esprit était alors de proposer en première étape une explication de la logique économique dans un cadre fortement simplifié, les complications étant repoussées à une étape ultérieure.

Notes
16.

quantité de biens et de ressources donnés et répartis sur une population constante, goûts et techniques fixés au départ.