Section I2- De la naissance du concept d’effet externe chez Marshall puis Pigou à la généralisation de la théorie économique au monde social

Pour bien comprendre les motivations qui ont conduit à l’introduction du concept d’effet externe, ce passage de Claude Jessua nous paraît particulièrement instructif : « A ne considérer que l’objectif de l’efficacité, on tend à faire reposer la décision sur un système de valeurs délibérément tronqué : l’inconvénient d’une telle mutilation apparaît sur le plan explicatif comme sur le plan normatif. Sur le plan explicatif, nous aboutissons à une analyse peu réaliste des processus de décision : des décisions économiques sont prises dans des visées dont le principe d’économicité n’épuise pas la nature. D’autre part, sur le plan normatif, une telle vision des choses nous conduirait à ignorer d’une façon injustifiable d’autres objectifs dont les critères d’efficacité sont impuissants à rendre compte (Jessua, 1968) 29  ».

Si Walras et Pareto ont l’humilité de ne pas proposer un optimum social (Walras précise bien que le problème de l’utilité collective reste entier), la portée de leur discours n’en est pas moins ambiguë, puisque qu’une interprétation hâtive de leurs écrits est souvent l’idée selon laquelle l’Etat devrait se désengager des affaires économiques pour faire place à la libre concurrence. C’est cette possibilité d’ambiguïté d’interprétation qui conduit l’économiste à s’avancer ainsi vers le social. Une telle dérive, enrichissante, est cependant loin d’être sans périls.

Notes
29.

JESSUA, Claude (1968), Coûts sociaux et coûts privés, Paris, Presses Universitaires de France, p. 39.