II2.4 L’exemple suédois

1°) Arguments pour une internalisation pragmatique partielle

Nous venons de voir les difficultés que rencontre l’économiste dans l’analyse des effets externes. Cela suffit-il pour lui faire renoncer ? Jean Philipe Barde (1993) 103 , bien conscient du problème, précise le paradoxe de la théorie des effets externes, à propos du problème de l’environnement. Certes, il cite François Perroux (1961) pour lequel « vouloir réduire aux relations marchandes la réalité complexe et foisonnante des rapports humains et des relations avec la nature ne peut être qu’une démarche mutilante et fallacieuse », mais il reconnaît aussi que « même si la valorisation monétaire est conceptuellement réductrice, techniquement difficile, politiquement délicate, elle demeure un point de passage obligé si l’on accepte que l’environnement, ressource rare, ne peut échapper au principe fondamental de l’économicité ».

Au delà des concepts théoriques d’optimum social, l’enjeu est en fait de contribuer à mieux faire ressentir aux consommateurs à travers le système des prix les coûts des biens non marchands. Le mot « mieux » doit nous aider à comprendre que nous avons affaire à des coûts qui existent, mais dont le montant est indéfini. Précisons que cette approche implique de ne considérer qu’en une internalisation partielle, jugée seule possible faute de mieux. Ainsi, et comme le note Philippe Bauduin (1995) 104 , l’application du principe théorique de l’externalité ne peut être crédible « que si l’on reste conscient des incertitudes et des limites des méthodes qui alimentent le calcul économique et des résultats qu’il fournit. »

Lars Hanson (1991) 105 résume pour nous la philosophie qui fonde une telle approche économique : « Even if it is futile to make Cost-Benefits calculations etc, in order to find the « optimal economics », it is crutial to undertake measures to reduce the emissions !(...) Any specified limitation of emissions will be reached more efficiently , i.e. to less total costs, if externality charges are used (...) The conclusion is thus that a cost responsability will be implemented for the « incommensurable » external effects, even if there are no « costs » for them ». Rothengatter va dans le même sens lorsqu’il précise que « dans une perspective de long terme (...), les conditions de durabilité doivent être mises en place par des objectifs et cibles quantitatifs et qualitatifs.(...) Le niveau des taxes dériveraient alors de ces cibles prédéterminées et non de quelconque calcul numérique de la valeur des externalités. » (IWW, INFRA, 1995) 106

Dans une telle perspective, il importe peu de savoir s’il existe des effets externes positifs qui équilibrent les nuisances occasionnées par une activité : même s’il existe un équilibre collectif entre effets positifs et négatifs (hypothèse purement théorique), cela n’enlève en rien l’efficacité à laquelle pourrait conduire une tarification décentralisée de la nuisance. Cela nous amène à évoquer l’exemple suédois.

Notes
103.

BARDE, Jean Philippe (1993), Economie et politique de l'environnement, PUF.

104.

BAUDUIN, Philippe (1995), La prise en compte des externalités environnementales. in Problèmes économiques, N°2.451, 20 déc. 1995.

105.

HANSON, Lars (1991), Air pollution fees and taxes in Sweden, Transport Research Board's Annual Meeting, Washington DC, pp. 5,7.

106.

IWW, INFRA (1995), External Effects of Transport, project for UIC, Paris, pp. 263-276.