1°) Le bruit

Le bruit apparaît, dans les enquêtes sur les nuisances urbaine, comme la première préoccupation des citadins. Il est occasionné principalement par les VP, et secondairement par les PL. Dans une perspective de mobilité automobile croissante, et malgré les progrès techniques, la gêne due au bruit devrait, à l’avenir, s’étendre dans les espaces périurbains. Le bruit ferroviaire reste, comparativement, assez faiblement ressenti ; il n’atteint des niveaux élevés qu’en des points très localisés.

Le coût du bruit est évalué par des méthodes économiques d’évaluation des avantages (consentement à payer, prix hédonistes dans l’immobilier), par des enquêtes sur les personnes exposées, ainsi que par l’évaluation de dépenses d’évitement. On peut noter que, même si de nombreux travaux en France et en Europe peuvent diverger sur les ordres de grandeur des coûts du bruit, la plupart convergent pour situer une limite soutenable de niveau de bruit de jour à 65dB (Leq de jour) qui devrait représenter le maximum admis.

L’étude du LET (CROZET, 1994) 109 situe l’enjeu monétaire des nuisances dû au bruit entre les coûts externes « révélés » 110 et « potentiels ». L’ordre de grandeur du « coût externe révélé », c’est-à-dire des dépenses publiques et privées effectives de protection contre le bruit, est de 1 milliards de francs par an. L’ordre de grandeur du « coût externe potentiel » qui consiste en une estimation d’un programme de protection visant à protéger l’ensemble des logements exposés à plus de 65 dB (Leq de jour) est de 10 milliards de francs par an.

Il nous semble aujourd’hui nécessaire de compléter ces estimations. En effet, ces coût n’intègrent souvent que les nuisances dues au bruit qui atteint l’intérieur des habitations (bruit contre lequel l’on peut se protéger). Les nuisances extérieures, telles que l’impossibilité de profiter d’un environnement calme sur son balcon, dans son jardin, le stress ressenti dans un quartier marqué par des grandes voies de circulation, sont rarement évaluées. Ceci explique la différence entre la faiblesse relative des valorisations monétaires du bruit par rapport aux autres nuisances alors que le bruit représente la nuisance la plus directement ressentie. Ces nuisances peuvent avoir un coût économique par dévalorisation de la qualité de vie urbaine et fuite des population vers la périphérie.

Nous touchons là à une lacune des méthodes d’évaluation qui mériterait d’être comblée, et qui pourrait avoir un impact significatif sur l’ordre de grandeur du coût du bruit.

A titre de complément, évaluons le coût en terme de perte de temps qu’occasionnerait une mesure d’évitement du bruit urbain basée sur la baisse générale de 20 km/h des vitesses de circulation en ville (trafic calmé). Prenons les hypothèses simples suivantes :

  • trafic urbain de 105 milliards de véh.km/an (OEST, 1990) 111
  • trafic sur voie rapides urbaines de 15 milliards de véh.km/an (OEST, 1990)
  • chute des vitesses de 50 à 30 km/h sur les voiries urbaines
  • chute des vitesses de 110 à 80 km/h sur les voies rapides urbaines
  • valeur du temps de 100 F/h (valeur tutélaire en France)

La perte de temps pour 1 véh.km est alors de 1/30-1/50=0,013h, soit 1,3 F/véh.km sur une voirie normale et de 1/80-1/110=0,003h, soit 0,3 F/véh.km sur une voirie rapide, soit au total 140 milliards de Francs par an, ce qui est bien loin des simples 10 milliards de simple protection des logements. Mais un tel coût évitant aussi l’insécurité due au trafic, on peut choisir de ne retenir de cette somme que l’ordre de grandeur de 100 milliards de francs par an. Notons que l’internalisation d’un tel coût passe non par une taxe, mais par des plans de circulation appropriés et/ou des mesures de contrôle rigoureuses qui limitent les possibilités de rouler vite sur les artères urbaines.

En définitive, le coût annuel du bruit externe à la sphère du transport routier (tous trafics : VP, PL...) et supporté par la collectivité et/ou les victimes en France est de l’ordre de :

  • 1 milliard de francs si l’on se contente de l’internalisation spontannée des acteurs publics et privés (« coût externe révélé » minimal) ;
  • 10 milliard de francs si l’on rejoins les avis scientifiques pour considérer la nécessité de protection des logements et de murs anti-bruit sur les voies rapides dans toutes les zones exposées à plus de 65 dB (Leq de jour) (« coûts externes potentiels » correspondant à une exigence minimale dans le règlement du problème du bruit).
  • 100 milliards si l’on considère le coût d’une réduction forte des vitesses de circulation nécessaire à une réduction du bruit plus seulement l’intérieur des logements, mais aussi dans l’ensemble de l’environnement urbain (« coûts externes potentiels » correspondant à une option de développement durable liée à un choix de revalorisation de la vie urbaine).

Notons que les différences considérables s’expliquent facilement par la croissance très forte du coût marginal d’évitement du bruit en fonction du niveau d’évitement jugé souhaitable.

Notes
109.

CROZET, Opus. cit., pp.113-117.

110.

Dans la droite ligne des définitions du chapitre II, nous utilisons désormais le terme « révélé » à la place du terme « pertinent » utilisé dans l’étude LET, ceci pour éviter désormais toute confusion. Le terme « pertinent » nous est en effet paru à l’experience maladroit, dans la mesure ou il pourrait laisser penser que les coûts externes « potentiels » évalués ne sont pas pertinents...

111.

Bulletin statistique de l’Office Economique et Statistique des Transport français.