2°) La pollution atmosphérique

Après le bruit, la pollution atmosphérique est souvent citée par les citadins comme la seconde source d’atteinte à l’environnement. C’est la pollution due au transport qui est principalement perçue. Le problème est d’autant plus critique si l’on considère que dans un système de transport régulé par la congestion, les pointes de trafics occasionnent des émissions qui augmentent de façon exponentielle avec le trafic. Des prévision effectuées par l’INRETS 112 (Joumard, Lambert, 1991) ne permettent pas d’être optimiste quant à l’évolution future des émissions d’un certain nombre de polluants (NOx, particules, CO2).

En France notamment, environ 40% des émissions de gaz à effet de serre proviennent des transports. L’augmentation de la consommation d’énergie fossile liée à la croissance mondiale, et plus spécifiquement pour ce qui concerne le secteur des transports, la croissance de la mobilité des personnes et des biens associée à une efficacité énergétique en détérioration, ne permettent pas d’envisager à l’heure actuelle un renversement de la tendance observée actuellement. A terme, c’est l’effet de serre qui fait peser la plus grande hypothèque sur la croissance du trafic routier : si l’on peut attendre des progrès conséquents en matière de réduction des émissions des polluants classiques, il n’en est rien pour les émissions de CO2 qui sont indissociables du fonctionnement des moteurs à explosion. L’étude T&E, (1993) 113 , pose le problème des émissions de CO2 d’une façon redoutable : suivant un principe d’équité, « si l’on veut donner à tous les habitants de la Terre les mêmes chances de développement, il faudra réduire de 80% les émissions de CO2 en Europe occidentale. » Ainsi, même si l’on continuait à augmenter les émissions de CO2 au même rythme sur l’ensemble de la planète, la considération d’un principe d’équité des différents individus de la planète dans leur droit aux émissions de CO2 devrait conduire à un partage de ces droits particulièrement défavorable aux pays développés.

En ce qui concerne l’évaluation des dommages de la pollution atmosphérique, une étude toute récente réalisée sous l’égide du Réseau national de santé publique (1996) 114 arrive à la conclusion selon laquelle « le nombre de cas de décès prématurés attribuables à la pollution atmosphérique urbaine de type acido-particulaire (principalement due aux moteurs diesels) n’est pas négligeable ». Respectivement à Paris et Lyon, les particules en suspension seraient ainsi responsables de environ 350 et 40 décès annuels, et les SO2 de environ 400 et 60 décès annuels. Ce sont les personnes à la santé la plus fragile qui sont victimes des pics de pollution. Mais cette étude ne concerne qu’un nombre limité d’émissions polluantes, et ne donne aucune valeur monétaire. Si quelques travaux, notamment allemands et américains, ont évalué des ordres de grandeur du coût des dommages de la pollution atmosphérique, les résultats obtenus sont certes enrichissants : mais ils sont globaux et mal reliés à un niveau de nuisance donné. Ils ne permettent pas d’évaluer, même de façon approximative, un niveau de pollution qui serait optimal. Tout au plus peut-on comparer a posteriori le coût des dépenses d’évitement effectives au coût estimé des dommages. Par ailleurs la prise en considération de phénomènes globaux tels que les pluies acides, les trous de la couche d’ozone, ou l’effet de serre est encore plus difficile. Les relations de cause à effet entre émissions et dommages, sont très mal connues, ainsi que les coûts des dommages, qui peuvent être à très long terme.

Par contre des coûts d’évitement de la pollution peuvent être évalués par l’évaluation des dépenses d’évitement de la pollution, soit effectives (pot catalytique), soit potentielles (taxe économique pure pour atteindre certains niveaux d’émissions). Il est fondamental de noter à ce sujet qu’il n’existe pas de seuil en deça duquel les dommages de la pollution sont nuls. Les risques sur la santé, notamment, augmentent de façon continue dès la présence de niveaux de pollution très faibles. L’étude sur l’impact de la pollution de type acido-particulaire montre ainsi que la réduction des niveaux de pollution réduit d’autant les décès de personnes sensibles (on éviterai ainsi environ 50% des décès si l’on diminuait de 50% le niveau moyen annuel de SO2 115 ), mais que le risque zéro impliquerait un niveau de pollution zéro. Comme le précisent alors les auteurs « L’absence d’effet de seuil semble de plus en plus admise dans le domaine de la pollution atmosphérique, ce qui nécessite de définir un niveau à partir duquel il est impératif d’agir, faute d’un niveau sans risques. La réponse n’est surement pas seulement technique. Loin d’une mythique pollution nulle, elle relève véritablement d’une décision politique ».

Pour les valeurs de pollutions révélées, l’étude du LET s’est fondée sur l’analyse de différentes évaluations de dommages qui situent un ordre de grandeur à 0,5% du PIB (QUINET, 1990) 116 , soit pour la France un coût externe « révélé » minimal de l’ordre de 40 milliards par an.

Pour l’estimation de valeurs potentielles, l’étudre s’est fondée sur l’estimation du coût de la pollution suivant deux hypothèses de taxations de la pollution en France 117  :

Cette démarche illustre bien le fait qu’il n’existe pas de niveau de pollution optimal. L’économiste propose ainsi une fourchette d’évaluations. Celle ci n’a pas vocation à converger vers une valeur optimale, bien au contraire : c’est la présence de plusieurs hypothèses de plus ou moins ambitieuse qui peut permettre au décideur de bien situer les enjeux économiques de la pollution, en fonction des préférences politiques qu’il accorde à l’importance de l’air pur.

Nous reprenons ci après le tableau récapitulatif de l’étude du LET (p. 126) :

Hypothèses \ (coûts en milliards de F/an) urbain extra-urbain Total
Taxes suédoises (adoptées) 62,1 77,8 139,9
Taxes européennes (proposition Hanson) 42,2 42,7 84,9

En définitive, le coût annuel de la pollution atmosphérique due au transport routier (tous trafics : VP, PL...) et supporté par la collectivité et/ou les victimes est de l’ordre de :

Notes
112.

JOUMARD R, LAMBERT J., (1991), Evolution des émissions françaises de polluants par les transports de 1970 à 2010, INRETS

113.

T&E, (1993), pour la vérité des coûts, Fédération Européenne pour le Transport et l’Environnement.

114.

QUENEL, Philippe, DAB, William (1996), Impact de la pollution atmosphérique urbaine de type acido-particulaire sur la mortalité quotidienne à Lyon et dans l’agglomération parisienne, étude réalisée sous l’égide du Réseau national de santé publique.

115.

QUENEL, Philippe, DAB, William (1996), op. cit.

116.

QUINET, E. (1990), Le coût social des transports terrestres, OCDE.

117.

CROZET, Yves (1994), La mobilité en milieu urbain : de la préférence pour la congestion à la préférence pour l'environnement, LET, ADEME, Ministère de l'Environnement, pp.119-128.

118.

HANSON, L., MARKHAM, J. (1992), Internalization of external effects in transportation.