Conclusion du chapitre I

L’objectif de ce chapitre était d’enrichir la notion d’externalisation des valeurs sociales en proposant un schéma explicatif faisant intervenir d’une part la dépendance des préférences sociales aux structures et institutions collectives et d’autre part l’indétermination de la fonction de bien être collectif que nous appelons fonction de préférences des citoyens. En distinguant trois fonctions de préférences (choix individuels marchands, choix collectifs publics, et préférences des citoyens), nous interprétons le problème de l’externalisation des valeurs sociales en termes de double divergence, d’une part entre les choix des consommateurs et les préférences du citoyens, et d’autre part entre les choix collectifs et ces mêmes préférences du citoyen 270 .

Par la suite, nous observons la conjonction de ces deux divergences, liée à la possible conjonction d’une réduction des champs de satisfactions non marchandes d’une part, et de déficiences de l’intervention publique, censée corriger les insuffisances du marché d’autre part, peut amener une atrophie des préférences des citoyens faute de champs de satisfactions. Une telle « crise de la citoyenneté » est effectivement observée par un certain nombre de sociologues. L’observation de cette crise nous donne un indicateur précieux de désintégration sociale ou d’externalisation, qui révèle l’existence d’un écart croissant entre choix collectifs (publics), individuels (marchands) et préférences des citoyens.

Nous reconnaissons dans cette atrophie des préférences sociales ou des citoyens le concept d’anomie, interprété en tant que désintégration sociale. Notre démarche nous amène ainsi à reconnaître la similitude entre le concept sociologique d’anomie et le concept économique d’externalisation, concepts différents mais qui traitent finalement d’un même problème de désintégration sociale. Ce problème de désocialisation n’est-il pas l’un des signes les plus graves d’un développement non durable ?

Notes
270.

La troisième divergence logiquement possible, entre choix marchands et choix publics, est inclue indirectement dans les deux que nous considérons dans cette seconde partie : la croissance de l’intervention publique est liée de façon évidente à des choix publics qui divergent par essence même des choix marchands. Cette troisième divergence, révélateur économique des deux premières, sera au coeur du déroulement de notre troisième partie.