1°) Le principe d’indétermination dernière sur les fins sociales

Nous avons déjà présenté la nature conflictuelle de la construction des valeurs sociales. Les préférences collectives, indéterminées, n’existent qu’au travers des moyens de leur « accouchement ». Commons (1934) 295 nous rappelle bien que les « buts » de la société n’existent pas en elles-mêmes, mais ne se révèlent qu’à travers le jeu de l’action collective. « Le droit, la loi, ne sont pas d’essence naturelle, les règles se construisent par le jeu de l’action collective. Ils sont sans cesse réinterprétés car les conditions de leur application changent : ils sont un processus en évolution. (...) C’est un signe de progrès et d’efficience ».

Au contraire de l’approche déterministe, dans la droite ligne du théorème d’impossibilité de Arrow, nous adoptons ainsi le principe d’une indétermination fondamentale sur les « bons » choix en matière d’organisation sociale (choix politiques, sociaux, techniques...). Nous rejoignions Paul Ricoeur (1991) 296 pour admettre « qu’il n’y a pas de savoir absolu qui mette fin à la polémique concernant les fins dernières et donc le rapport du « bon » gouvernement à la vie « bonne » ». Paul Ricoeur plaide ainsi « en faveur de la reconnaissance d’une « indétermination dernière quant au fondement de la relation de l’un avec l’autre sur tous les registres de la vie sociale 297  ».

Cette indétermination existe notamment dans le domaine de la définition des « meilleurs choix scientifiques » d’un développement durable. Ainsi, pour Jean Charles Hourcade (1991) 298 , « nous sommes confrontés à un problème de décision sous controverse où la décision doit être prise alors que la compétition entre des « théories » éclairant ce futur ne peut être tranchée sur le plan scientifique ».

Notes
295.

Commentaires sur COMMONS, J.R. (1934), Institutionnal Economics : its place in Political Economy, Mac Millan par DELVERT, Karine (1994), Archéologie des effets externes, mémoire de maîtrise d’analyse économique sous la direction d’Yves Crozet, Université Lumière Lyon2.

296.

RICOEUR, Paul (1991), Lectures 1 autour du politique, Seuil, 412p., p. 174.

297.

RICOEUR adopte la formulation de LEFORT, Claude (1986), Essais sur le politique, Paris, Seuil.

298.

HOURCADE, Jean-Charles (1991), Calcul économique et construction sociale des irréversibilités. Leçons de l’histoire énergétique récente, châpitre de l’ouvrage Les figures de l’irréversibilité en économie, Editions de l’école des hautes études en sciences sociales, Paris, p.304.